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La dernière représentation

Publié le 20 avril 2011 par Copeau @Contrepoints

Un vieux et désabusé communiste cubain me disait dans une rencontre éclair que nous avons eu récemment à Madrid : « Ce 6e congrès du parti me rappelle cette atmosphère de tristesse et de nostalgie que l’on respire dans les théâtres lorsqu’ils donnent leur dernière représentation avant d’être démoli. »

Par Carlos Alberto Montaner

Bonne métaphore. La génération de Fidel, celle qui a fait la révolution, est maintenant octogénaire. Elle fait ses adieux. Fidel, qui à 84 ans, a été mis à la pension par ses intestins en 2006 et Raúl, avec près de 80 ans, ne tardera pas à abandonner la scène. Il s’est lui-même donné un délai de trois à cinq ans pour transmettre totalement l’autorité et faciliter une espèce de relève de génération « pour que les héritiers continuent l’œuvre révolutionnaire ».

Qu’est-ce que cela veut dire ? Rien, sauf se maintenir au pouvoir. Même s’ils continuent à répéter les consignes, plus personne ne croit au marxisme-léninisme, tandis que le gouvernement tente d’échapper à l’improductivité chronique du système en promouvant certains espaces pour que l’initiative privée soulage du désastre du collectivisme. En même temps qu’ils applaudissent les slogans révolutionnaires, les gamins appellent Marx « le petit vieux qui a inventé la faim ».

Les adultes, sous le sceau de la confidence, reconnaissent ce panorama. Après 52 ans de dictature, et sans un parlement hostile ou une opposition qui bloquerait le travail gouvernemental, les six éléments de base qui déterminent la qualité de vie de toute société moderne ses ont détériorés jusqu’à devenir cauchemardesques : l’alimentation, l’eau potable, le logement, l’électricité, les communications et le transport.

La dernière représentation

(Dessin de presse : René Le Honzec)

Raúl Castro, qui est une personne réaliste et qui ne comprend pas pourquoi les enfants cubains ne peuvent boire de lait que jusqu’à l’âge de sept ans, qui nignore pas que son frère a été le pire gouvernant de l’histoire de la république fondée en 1902. En 56 ans de capitalisme, malgré les mauvais gouvernements, la corruption, les révoltes fréquentes et les périodes de dictatures militaires, l’île était devenu un des pays les plus prospères d’Amérique latine et La Havane une des plus belles villes du monde. Le secteur public était médiocre ou mauvais, mais la société fonctionnait raisonnablement bien.

En revanche, en 52 ans de communisme, ligotée par des lanières qui empêchait toute émeute, la société s’est appauvrie jusqu’au os et le paysage urbain a pris l’apparence d’un territoire bombardé. Le secteur public imposé par les communiste était terriblement maladroit, infiniment pire que celui de l’étape capitaliste, et la société (celle que maintenant Raúl essaie de faire respirer artificiellement pour voir si elle ressuscite) avait été cruellement écrasée.

C’est avec ce mélancolique diagnostic que les communistes cubains célèbreront leur sixième congrès. Raúl a convoqué une direction docile pour soutenir ses timides réformes et légitime les fonctionnaires sélectionnés. Il se propose de désigner des cadres de moins de soixante ans, mais ceux qu’il y avait (Carlos Lage, Felipe Pérez Roque, Roberto Robaina, Remírez de Estenoz) se chargèrent de les détruire eux-mêmes.

Qui émergera comme héritier présomptif ? On mentionne, sotto voce, bien que personne ne soit sûr, Marino Murillo, un économiste de 50 ans, ancien officier de l’armée et ancien ministre de l’Économie, méprisé par les apparatchiks (“C’est un simple auditeur, pas un économiste », me dit l’un d’eux particulièrement sagace), aujourd’hui chargé de discipliner le parti pour que, durant ce 6e congrès, il accepte sans regimber les changements proposés par Raúl. On lui attribue une loyauté totale au général-président et la décision de maintenir les éléments fondamentaux du système communiste, bien qu’éliminant le paternalisme.

Réussira-t-il ? Je ne le crois pas. Raúl, avec l’aide de Murillo, son filleul idéologique, veut construire un socialisme sans subside et un capitalisme sans marché. Cela est impossible. Il faut enterrer cette folie, comme cela s’est fait en Europe de l’Est. Toutefois, il n’est pas improbable qu’après la disparition des Castro, pendant un certain temps, les forces armées conservent le pouvoir d’une main de fer, mais il suffira d’une étincelle pour que l’on connaisse un dénouement violent à Cuba. Ceux qui s’évertuent à empêcher l’évolution naturelle de l’Histoire finiront par provoquer des catastrophes dévastatrices.

Article originellement publié par Firmas Press le 15avril 2011.


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