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Qui connaît la chanson ?

Publié le 26 avril 2011 par Corboland78

Souvent, c’est à dire chaque mois, me passe entre les mains l’un de ces magazines destinés aux actifs du troisième âge. Vous connaissez ce type de journaux, on y aborde les relations grands-parents et petits enfants, les fiches cuisine avec des recettes, comment fleurir votre balcon, un court reportage pour vos futures vacances avec les adresses et produits à rapporter, bien entendu il y a aussi des pages dédiées à la santé etc. 

Moi qui lis tout ce qui passe à ma portée, je ne manque jamais d’y jeter un œil et après avoir épuisé la lecture des pages de recettes ou de voyages, mes préférées dans le magazine, j’aborde les dernières pages avec une délectation recueillie.

Ici se niche le noeud de l’affaire, le cœur de cible diraient certains. Si tout le magazine est lisible par tous dans la famille, ces dernières pages elles, sont publicitaires et ne visent que le troisième âge, voire plus si affinités. Nacelles électriques pour monter les escaliers, colles spéciales pour fixer les dentiers, pilules ou pommades carrément magiques pour lutter contre l’arthrose ou l’arthrite, discrets amplificateurs pour les durs d’oreilles, couches culottes pour les petites fuites, bref toute cette panoplie ou attirail qui nous rappelle que la vieillesse ce n’est pas de la tarte et que cette dernière randonnée nécessite qu’on s’équipe en conséquence.

Enfin, il y aussi les pages courrier des lecteurs classées par rubriques. Il y a ceux et celles qui recherchent un parent ou un ami d’enfance perdu de vue en 1936 près de Pont-à-mousson (c’est un exemple) ou ceux encore qui sont placomusophiles, une maladie guère grave puisqu’il s’agit de collectionneurs de capsules de champagne cherchant des comparses pour assouvir leur (dernier) vice à l’égal des digitabuphiles qui emmagasinent les dés à coudre, ou bien cette pauvre petite dame qui aime bien tricoter et si vous aviez des restes de laine à lui envoyer elle serait bien heureuse.     

Quand au bout du compte je laisse tomber mon cynisme, ce précieux bouclier qui m’isole de la misère ambiante ou de la nostalgie prégnante, je tombe sur des annonces où des gens lancent des appels qu’on devine éperdus, ils recherchent les paroles d’une chanson d’un temps qui n’existe plus, ou citent un couplet et en demandent le titre. On comprend à travers ces demandes exprimées en quelques lignes à peine, que des vies entières sont résumées dans ces bouts rimés, que ces mélodies sont restées profondément enfouies dans des mémoires, que ces chansons sont rattachées à des souvenirs heureux et certainement amoureux.

A l’heure où tout se trouve sur Internet, écrire à son magazine pour obtenir de telles informations trahit l’âge avancé des demandeurs, mais c’est aussi dans ces dernières pages que se trouve la raison d’être de ce magazine. N’est-il pas émouvant - quand on pense à ce que je viens d’écrire – de lire cette petite annonce « Qui sait le titre de cette chanson : Sous les voûtes glacées des bises ou des brises de l’automne/En marchant à pas lents/Un gamin de seize ans au soleil qui rayonne/Disait brille pour moi pour la dernière fois/Je ne reverrais plus fleurir l’aubépine. » Une réponse simple - un titre de chanson – redonnera le sourire et le goût de la vie à une personne âgée, lui remémorant les temps anciens de sa folle jeunesse. Une chanson, rien qu’une chanson.


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