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Les 700 siècles - La nouvelle littéraire qui bouleversera vos existences à jamais !

Publié le 29 avril 2011 par Delanopolis
Le Delanopolis vous fait un cadeau extraordinaire : "les 700 siècles". Une incroyable histoire racontée en sept chapitres seulement. Les 700 siècles  - La nouvelle littéraire qui bouleversera vos existences à jamais ! Chapitre premier


Bande d’ignorants ! Il existe une architecture mitterrando-maçonnique et vous n’étiez même pas au courant.



Mais qu’est-ce qu’il fout donc ? Il y a des gars comme ça, impossible qu’ils soient en avance ou même à l’heure, c’est impossible, c’est tout. Remarquez, je suis un peu comme eux et je les comprends. On est à la limite, on ne regarde pas trop sa montre, on calcule à moitié les trajets, on veut en faire le maximum avant d’aller à un rendez-vous parce que, voyez-vous, on a tellement de choses à régler, on se dit que ce n’est pas si grave.

Au début, ça commence par des rencards de faible importance, des vieux copains pas très regardants. Et puis, un jour, on se retrouve à la bourre à des entretiens d’embauche et tutti quanti et l’on est mal, très mal. Heureusement, le monde est un immense réservoir de prétextes pour narguer les horloges. C’est notre petite vengeance sur le temps. Car ce salaud a beau être relatif, il nous démolit quand même, patiemment, sûrement. Le plus énervant, pour les retardataires, c’est d’être alors victime de plus lambin que soi. Seuls les rois sont assez polis pour être toujours ponctuels, d’après ce qui se dit. Mais je n’ai jamais rendez-vous avec eux, c’est bien dommage.

Ce jour là, en tout cas, je dérogeai à mon habitude de jogger au parc Monceau. Tout ça pour faire plaisir à Roland, le type qui me fait poireauter aujourd’hui. Ce corniaud habitait autrefois comme moi le quartier roboratif construit par les frères Pereire, confortable dortoir à bourgeois où les rues, les boulevards et les avenues sont larges et les masses humaines plus dispersées qu’ailleurs dans Paris, ce qui est bon pour la respiration et la lutte contre le stress. Roland avait été viré de ce havre de paix par son propriétaire. Il payait son loyer rubis sur l’ongle mais le logeur avait voulu y installer sa progéniture et, comme cet homme était bardé d’avocats vicelards, mon copain n’avait aucune chance. Force doit rester à la loi, sinon c’est le bordel, ce fut maintes fois observé dans l’Histoire. Comme Roland était un cadre aux idées libérales, il grinça des dents mais accepta le verdict sans aller au procès. Cela fait toujours un peu désordre quand nos intérêts malmènent nos convictions.

Mais bon, revenons à Roland. Enfin, c’est une façon de parler car cet abruti n’est toujours pas là et, maintenant, cela lui fait vingt mauvaises minutes de retard. Il gèle et je suis tel un canasson perdu loin de son écurie, devant le manège qui tournicote face à la tour Eiffel, offrant le spectacle de panonceaux ringards où figurent différents monuments de Paris. Comme Roland habite désormais du côté du pont de Passy et qu’il n’est pas motorisé, je lui ai fait la fine fleur de monter sur mon scooter - mon tapis volant - et de l’attendre pas trop loin de chez lui. Et puis je n’ai pas couru sur le Champ de Mars depuis la glaireuse époque de mon service militaire et ça me plait de changer un peu de décor.

Mon esprit bat la cambrousse et se laisse aller à toutes sortes de considérations sans grand intérêt. Comme il vous faut patienter avec moi jusqu’à ce que Roland arrive, je ne pourrai vous les épargner complètement et prendrai un seul exemple : le parc Monceau, il n’y a rien à dire, c’est plus subtilement décoré que le Champ-de-Mars.

Ce qui reste des aménagements de Carmontelle, ces fausses ruines à l’antique, peu de choses sont aussi belles dans les jardins parisiens. Mais le Champ-de-Mars est beaucoup plus grand et on se lasse moins en en faisant le tour. D’autant qu’il y a aussi quelques immeubles pas piqués des hannetons où le mètre-carré vaut bonbon. Il ne faut pas prendre tous les joggeurs pour des cons. On ne regarde pas seulement ses pompes en courant, on regarde les immeubles, les autres joggeurs, le ciel, les crétins et les malins, les plaisirs et les jours.

Cette fois, j’en ai marre, je saisis mon téléphone portable malgré tout l’argent que ça me coûte - maudit forfait - et j’appuie sur le raccourci « Ro ». Il décroche. J’ai à peine le temps de gueuler qu’il charge sa bonne femme et me jure sur la Sainte Croix qu’il est déjà presque là, enfin qu’il part et sera là dans trois minutes. C’est une provocation car il habite à un bon quart d’heure mais, comme c’est dit mollement, j’en suis tout désarmé. Et puis on a beau être mécréant, juif et bougnoule, la Sainte Croix, ça impressionne toujours. De toute façon, l’excuse tirée du chantage de la Dulcinée ne doit pas être entièrement fausse vu qu’elle lui pourrit la vie dès qu’il veut la planter avec leurs lardons pour aller se distraire. Roland tient des discours féministes car il pense que ça fait chic mais heureusement il est terre à terre quand on passe au concret et lui laisse faire l’essentiel du boulot. Alors elle se rebiffe, la garce.

Je tente de me calmer et me dis qu’il finira bien par rappliquer. Je décide de profiter de mes derniers moments de pensées solitaires et lève la tête vers le sommet de la tour Eiffel. J’ai du vague à l’âme. Si j’avais été moins bête, j’aurais pu devenir responsable d’un bastringue pareil, me balader par monts et par vaux sur la planète glandeuse des congrès touristiques avec, en prime, un salaire comac. Je vous expliquerai un jour pourquoi, mais maintenant ça n’est pas le moment. Sachez en tout cas qu’il y eut une sacrée farceuse qui, il y a quelques années, passait plus de la moitié de son temps dans les hôtels 5 étoiles et les « lounges » première classe des aéroports (ce qu’il y a de plus proche du paradis sur terre, un monde suspendu entre la vie et la mort) sous prétexte qu’elle était directrice de cette grosse poutrelle et qu’il fallait qu’elle en vante les mérites dans le monde entier. Autrefois, je l’aurais vilipendée. Aujourd’hui, je suis plus sage et moins français et je me contente de l’envier sans acrimonie aucune, cette brave femme.

Vraiment, j’ai de plus en plus froid. Et mon intuition était fausse, cet abruti de Roland n’arrive toujours pas. Le spectacle des touristes qui pointent du doigt la créature d’Eiffel m’irrite. Je rêve qu’elle prend vie, courbe son long dos de métal, et mi girafe en guêpière mi mante-religieuse, les dévore. Plutôt que de laisser ce genre de pensées prospérer dans mon crâne refroidi, je ferais mieux de commencer à courir tout de suite, en allant dans la direction de mon vieux complice, je le rencontrerais sûrement sous le pont de Passy. C’est décidé, j’envoie la foulée. Et ça ne coupe pas : quelques minutes plus tard, je le vois au loin, il me voit au loin, il lève le bras tout en trottinant, le dos légèrement vouté, comme un gars qui a quelque chose à se reprocher. Le spectacle du pont, avec ses colonnes Art nouveau au garde-à-vous et son métro par-dessus calme mon ire. Ils en ont de la chance, dans le 16ème, d’avoir un pont pareil, sans compter le souvenir cinématographique des galipettes de Brando dans le « dernier tango à Paris », juste à côté. Le 16ème, c’est bourré de beaux immeubles, c’est sympa et ça emmerde les gauchistes.

Bon, le voilà enfin mon Roland, aussi décalé que son prédécesseur à Roncevaux. Il fait semblant de vouloir me présenter des excuses mais il sait très bien qu’un geste las de ma main droite va lui signifier de ne pas se fatiguer. Et tiens, fan de chi chougne, le voilà ce geste las. Roland fut autrefois un grand gars sec limite anorexique. Mais il a réussi à choper un bide en besace et ce ne sont pas les vingt ou vingt-cinq minutes qu’il court une fois par mois qui vont l’aider à raplatir tout ça.

Ses tempes ont envahi son crâne. Il préfère donc se faire mettre la boule à zéro à coups de tondeuse plutôt que de risquer le ridicule de la teinture-qui-prend-de-vilaines-couleurs-rouquines-après-quelques-shampooings-sur-une-tignasse-clairsemée. Bref, il est devenu moche. Je pourrais dégoiser sur sa personnalité et les méandres de son tempérament, qui collent bien à son apparence extérieure, mais, franchement, ça fait trop longtemps que je le connais et ça me le rend banal. Sachez simplement qu’il est du genre mal-à-l’aise, gaffeur et un tantinet brutal. Comme il tiendra de toute façon peu de place dans cette histoire, ça ne vaut pas le coup d’en rajouter. Il y a des personnages comme ça qui passent difficilement le cap d’un premier chapitre.

On court, ou plutôt on trottine en tenant la même conversation depuis trente ans : on ne s’en tire pas si mal même si ça n’est pas terrible vu ce qu’on était doués au départ. On avait placé le cynisme au mauvais endroit, dans les mots et non dans les actes. Alors, on s’est fait passé devant par ceux qui font le contraire. Dieu sait s’ils sont nombreux ces sacripants. Parfois, quand je suis optimiste, c'est-à-dire prétentieux, je me dis que c’est parce qu’on était plus purs. Chacun est persuadé d’être celui qui s’en sort le mieux sur terre. Oh certes, il y a des plus riches, plus beaux, plus jeunes, plus glorieux, plus etc. que nous. Mais ils doivent être plus seuls, plus malheureux, plus malades, plus stériles, plus etc. que nous. Ou réciproquement. Ça console. Sois plus hypocrite mon fils, flatte les ! Voilà ce qu’aurait dû m’enseigner ma mère au lieu de me donner à bouffer du couscous et de me faire croire que j’étais le meilleur. Faut dire qu’il était bon son couscous.

Roland fait du conseil en placements financiers dans une grosse banque mutualiste. Il ne craint pas trop le chômage, vu le temps qu’il a passé chez eux, ça leur coûterait cher de se débarrasser de lui, bien qu’il le mérite. Il est syndicaliste CGC, salarié protégé, bien joué mon salaud. Il pérore régulièrement sur les pailles plantées dans les yeux de ses collègues. C’est fou pourtant le nombre de poutres qui auraient dû l’aveugler, de crises économiques qu’il n’a pas vu venir et de bouillons qu’il a fait boire aux pauvres épargnants qui suivent ses conseils. Heureusement, il oublie fissa ses boulettes, ce qui est excellent pour sa santé mentale. La bourse, ça va ça vient, dit-il en guise de plaidoyer, accompagnant cette puissante conclusion d’un frottement des doigts et d’un affaissement des lèvres. Cette mimique aura coûté des millions à ses victimes.

Je profite de notre gymnastique commune pour lui demander des nouvelles de tel ou telle qui me snobe, m’oublie ou me craint et de telle ou tel autre que je crains, oublie ou snobe. Le nombre de gens qu’on perd de vue en ce moment, c’est terrible ... l’âge peut-être … ou bien des temps de dislocation ? Ma mère, dont je vous parlais à l’instant, va mourir sans avoir revu ses sœurs avec qui elle était pourtant comme cul et chemise pendant des décennies, vous trouvez ça normal, vous ? Vous ne me répondez pas, bien sûr, les lecteurs sont plus muets que les carpes. Et je continue mon jogging, frustré. Je pense, en regardant Roland courir, à ces poissons rouges désespérément seuls dans leurs bocaux et qui trépassent un jour sans avoir jamais compris que leur reflet n’était autre qu’eux-mêmes.

Bon, changeons de sujet car ça va vous donner le bourdon, ce qui n’est pas le but de mon jeu.

Ah, le Champ-de-mars et ses beaux hôtels particuliers dont certains furent autrefois des bordels et qui, par la faute de Marthe Richard, sont maintenant farcis de bourgeois repus ! Et sa menaçante tour Eiffel, toujours elle, qui, si elle se réveillait, nous écraserait comme des fourmis. Chez moi, la peur de la tour Eiffel, c’est un peu un fantasme, vous l’avez noté. Du fait des poussées qui s’annulent entre ses jambes, ce quadrupède ne pèse paraît-il jamais plus de 60 kilos au sol. Si c’est exact, ceux et celles qui font des régimes feraient mieux de marcher à quatre pattes. Les rues seraient plus drôles.

Ces pensées parasites ne m’empêchent pas de remarquer la statue de Joffre juste en face de l’Ecole militaire. Elle est située exactement dans l’axe de celle de Foch, qui orne la place du Trocadéro à quelques centaines de mètres de distance. Ils se toisent encore, ces deux là, égaux dans le bronze et la mort. Ils ne s’appréciaient pas de leur vivant et ça continue de se voir. Mais qui se soucie désormais de Joffre, cancre à Saint-Cyr et maréchal de France ? Quant à Foch, je ne l’aime pas, avec sa petite moustache et son air satisfait. Ce devait être un sacré pète-sec celui-là. Il a gagné la guerre parce que les Teutons n’en pouvaient plus et il s’en est honteusement attribué le mérite. Pendant ce temps, les carcasses de milliers de pauvres gars continuaient de pourrir au milieu d’anciens champs de betteraves ayant vocation à le redevenir. J’ai une suggestion pour nos autorités : l’avenue qui porte son nom serait plus gracieuse si elle redevenait l’avenue de l’impératrice ou plus honnête si elle se transformait en une avenue Fuck, par référence à son activité nocturne.

Mais assez parlé Histoire avec un grand H. Maintenant qu’on a trottiné les deux-tiers du Champ-de-Mars, tout à coup, je remarque un machin étrange et, là, je me dois de vous restituer fidèlement ma conversation avec Roland, car les choses se corsent comme sous le premier empire.

Moi : « T’a vu ce truc, c’est quoi ce truc ? »

Roland le retardataire : « Quel truc, la guinguette où j’amène mes gosses ? »

Moi : « Mais non ce truc là, cette espèce de temple ou je ne sais trop quoi. »

Roland l’enquiquineur : « Ah oui ! C’est un monument. »

Moi : « Ça veut rien dire un monument, c’est quoi exactement ? »

Roland qui sait pas : « J’en sais rien, c’est bizarre. »

Moi : « Bon, on fait le crochet, je veux voir ce qu’il y a devant. »

Roland : « Tu vas casser mon rythme, on s’en fout, tu m’emmerdes, etc. »

Je passe sur les détails de ses récriminations car il était à la limite de l’incorrection à ce moment précis de la conversation. L’avantage avec Roland, c’est qu’il maugrée, mais qu’il finit toujours par faire ce que je lui demande, ce qui est bien une preuve tangible de l’amitié. En camaraderie comme ailleurs, il faut être inconditionnel, sinon on passe à côté du non-sens de la vie. C’est fou le nombre de gens qui s’écrivent un petit scenario bien propret et tiédasse de leur existence et qui s’y tiennent. Comment être inconditionnel dans ces conditions ?

Nous voilà donc devant une étonnante pâtisserie post-classique. J’emploie ce terme à dessein car il ne veut rien dire. Cela forme comme une sorte de Mastaba posée sur un plateau, avec des sculptures tartignoles de chaque côté, des personnes étranges portant des chapeaux comme on en aurait volontiers mis sur la tête des cinglés au Moyen-âge. Si j’avais été un romancier classique, j’aurais dû m’emmerder à vous décrire la chose en détail. Comme je n’ai ni le talent, ni le temps, ni l’énergie de Théophile Gautier dans son merveilleux Capitaine Fracasse, ça ne vous aurait pas beaucoup renseignés. Et franchement, ce galimatias de pierres et de bronzailles n’est pas facile à qualifier. Le mieux sera donc d’aller le voir vous-même, au bout de la rue de Grenelle, grâce à un pass Navigo. Autre solution, car on s’adapte à son époque, vous pouvez cliquez ici ou LA, ou encore LA, LA et LA, si vous me lisez dans une version électronique et vous trouverez des photos. Chouette époque pour les littérateurs fainéants, non ?

Maintenant, pour ceux qui ont fait l’effort de se déplacer ou de cliquer là où je leur ai dit, avouez que cette chose édifiée est étrange. Ce coup-ci, vous y êtes, en plein dans le titre de ce chapitre : un très rare exemple d’architecture mitterrando-maçonnique, un vrai particularisme à la surface du globe.

Ne vous fatiguez pas à consulter Wikipédia, je vous en résume le résumé. Cette bâtisse a été érigée en 1989, pour commémorer le bicentenaire de la révolution française. On était alors en plein mitterrandisme triomphant. Le père François avait foutu une pilée à Chirac aux présidentielles et il tenait fermement la tête de Rocard, son premier ministre de l’époque, sous l’eau. Mitterrand manipulait tout et tout le monde sans même le vouloir car sa réputation d’habile intrigant le précédait et attirait les masochistes. En quelque sorte, les gens se manipulaient eux-mêmes dès qu’ils entraient en contact avec lui. Il y avait dans la classe dirigeante comme une névrose de l’abandon aux caprices tortueux de ce prince supposé machiavélique qui n’était pourtant qu’un banal ambitieux aux manières cauteleuses (j’utilise cet adjectif que j’adore même s’il n’est pas approprié car je voulais absolument le placer quelque part).

En 1989, les photos qui le montrent en compagnie de Pétain n’étaient pas encore sorties dans la presse, le climat économique était plutôt bon et le président était au zénith de sa popularité. Impressionnant Mitterrand. Si Vichy avait duré, il aurait un jour succédé au successeur du Maréchal. Si la quatrième République avait tenu, il en serait devenu le président. Sous la cinquième, il avait réussi à écarter les mâchoires du piège diabolique installé par Debré et De Gaulle pour empêcher la gauche de revenir au pouvoir. Il avait régné à l’Elysée plus longtemps qu’aucun autre monarque républicain avant lui. Si, un jour, il renaissait dans une sixième, septième ou huitième République, sûr qu’il parviendrait à en prendre la présidence.

Mitterrand n’était pas franc-maçon, semble-t-il, mais il en avait une bonne dose dans son entourage, ça peut toujours servir (à ce propos, un conseil : laissez toujours entendre que vous en faites partie même si c’est faux, ça intimide une proportion non négligeable d’emmerdeurs). Il leur fit une gâterie alors qu’on célébrait le bicentenaire de la révolution. Avec la complicité de Chirac, maire de Paris, il les autorisa à bâtir sur le Champ-de-Mars cette sorte de temple, sous couvert d’ériger un monument au grand chambardement.

Ah, la révolution ! Aujourd’hui encore, grâce à elle, une grosse minorité de Français trouve légitime de piquer le pognon des possédants par la force. Ça permet d’installer d’autres profiteurs, un peu plus jeunes, dans les bonnes places. Le peuple peut se faire exploiter plus efficacement, ce qui n’est pas pour lui déplaire, au début. Au début, j’ai dit. Car ensuite, c’est une autre histoire et il faut virer les révolutionnaires, ce qui fait toujours un peu de dégâts. Les gens ont oublié tout ça, mais à la prochaine insurrection réussie, ils vont vite réapprendre.

Bon, y a pas de doute en la regardant attentivement : toute cette pierraille a été érigée pour les « frères trois points ». Un triangle sculpté sur une façade, alors qu’il n’a rien à y faire, le démontre à cent pour cent. L’avantage, avec les Franmaques, c’est que les paranos peuvent toujours se dire que, s’ils ont des embrouilles, c’est à cause d’eux. Ça détourne l’attention des Juifs, des Gitans et des Arabes, catégories dont je me sens plus proche. Personnellement, je ne leur reproche rien aux « frérots ». Faites-le leur savoir car j’ai déjà suffisamment d’ennemis comme ça. La seule chose qui me pose problème, au sujet de cet édicule, c’est le choix du Champ-de-Mars.

Pourquoi pas un quartier moins aristo, plus démocratique ? C’est une provoc’ ou une revanche ? Dans les deux cas, ça témoignerait d’un complexe vis-à-vis des rupins du 7ème. M’enfin, pour parler comme une bande dessinée, c’est trop tard, ils se sont offert ce petit monticule du côté du Gros Caillou pour leur temple. Ce qui est fait est fait. Il paraît que la pyramide construite par le duc de Chartres dans le parc Monceau est aussi un monument maçonnique. Décidément, partout où je fais mon jogging, je les croise.

Toutes ces considérations, figurez-vous que vous n’êtes pas les premiers à en bénéficier. Roland y a eu droit auparavant. Et là il me dit texto ou presque : « Qu’est-ce que tu racontes comme conneries ! Toi qui n’a pas grand-chose à foutre depuis que tes scénarios pour la téloche te sont tous renvoyés, plutôt que de vivre aux crochets des bonnes femmes, tu devrais infiltrer les frères-la-gratouille d’une quelconque manière et faire le genre de bouquin qui se vend bien. Depuis l’histoire du Schleu qui s’est fait passer pour un Turc, ça cartonne ce genre de choses. » C’est vrai qu’il s’exprime un peu comme moi Roland, on dirait du Frédéric Dard. Etonnez-vous qu’on soit copains !

Mon premier réflexe fut naturellement de rejeter sa suggestion pour la simple et bonne raison qu’elle ne vient pas de moi. C’est assez commun comme réaction. Ne me dites pas que vous ne faites pas la même chose. Mais il en est des conseils comme des chewing-gums. Certains vous collent à l’esprit comme aux semelles et vous ne pouvez plus vous en défaire. Jouer à la taupe chez les Francs-Maçons, pourquoi pas ? Mais il faut des années et des années pour se faire admettre dans cette confrérie. Usurper une identité, se faire passer pour un frère étranger installé en France et qui demande son admission directe ? S’ils enquêtent, ils éventeront le complot facilement et je me serais emmerdé pour rien. Je vais réfléchir à la question et je vous retrouve au chapitre suivant.


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