Magazine Autres sports

[Reconstitution historique] Dijon : Rencontres internationales des arts martiaux européens

Publié le 06 mai 2011 par Yes

[Reconstitution historique] Dijon : Rencontres internationales des arts martiaux européens [Reconstitution historique] Dijon : Rencontres internationales des arts martiaux européens [Reconstitution historique] Dijon : Rencontres internationales des arts martiaux européens [Reconstitution historique] Dijon : Rencontres internationales des arts martiaux européens

Bruce Lee et les moines de Shaolin n’ont pas le monopole des arts martiaux ! Le Moyen Âge européen a également vu naître des techniques de combat aujourd’hui rentrées dans l’histoire, entre longs-couteaux germains et haches bourguignonnes… Du jeudi 05 au dimanche 08 mai 2011, l’association dijonnaise De Taille et d’Estoc a justement rendez-vous avec l’histoire puisqu’elle accueille dans la capitale des Ducs de Bourgogne les Rencontres internationales des arts martiaux européens. Au programme : un colloque pour faire le point sur la recherche dans le domaine mais également des démonstrations de combat équestre et un grand tournoi de combat médiéval ! Coup de projecteur sur cette approche vivante de l’histoire avec Guillaume Vaillaut, vice-président de l’association De Taille et d’Estoc…

Guillaume Vaillaut, bonjour. Avant toute prouesse physique, les arts martiaux historiques européens partent d’un intense travail de recherche… Mais que cherchez-vous ?

« A Dijon, nous ciblons nos recherches sur la fin du Moyen Âge et le début de l’époque moderne – soit les XIVème, XVème et XVIème siècles – parce que c’est à ce moment de l’histoire que nous trouvons le plus de traités qui évoquent exclusivement l’art du combat.  Certains ont disparu aux yeux des archivistes et pourtant, on les retrouve encore à l’heure actuelle dans les fonds d’archives qui n’ont pas été traités ! Notre travail est donc d’exhumer ces documents avant de les interpréter. Il s’inscrit dans le mouvement plus général de l’histoire vivante, qui a émergé dans les années 1990 avec l’apparition des reconstitutions napoléoniennes, des fêtes médiévales… Mais attention : nous ne sommes pas des cascadeurs, nous ne sommes pas costumés, nous ne chorégraphions pas… Face à un public souvent en attente de folklore, nous ne pouvons donner que de l’historicité et des « peut-être ». Notre but est de montrer qu’il existe une vérité historique complémentaire à celle que l’on peut voir dans les fêtes médiévales.

Plus précisément, nous recherchons avant tout les sources primaires, où un maître d’armes explique clairement : « voici comment se battre » ; contrairement aux sources secondaires comme les légendes, les chansons de geste ou les images… Au XIXème siècle par exemple, nous pouvons trouver beaucoup de sources primaires, où des généraux d’armée expliquent comment combattre avec un sabre de cavalerie. Mais cela nous semble moins intéressant qu’un vieux maître d’armes italien qui explique l’art du combat avec ses mots à lui, ceux de son époque… Pour le XIXème siècle en effet, nous ne retrouvons pas le mystère que l’on peut toucher du doigt avec des recherches touchant le XIVème siècle : c’est quelque chose de beaucoup plus évident qui, d’ailleurs, a déjà été fait et perdure jusqu’à nos jours. Les techniques « commando au couteau » de l’armée américaine, utilisées lors des deux guerres mondiales, c’est quelque chose que nous connaissons. Par contre, la part du mystère, la part qui reste à découvrir, se retrouve plutôt dans les documents antérieurs au XVIIème siècle où les traités sont très cryptiques…

Existe-t-il un art martial typiquement bourguignon ?

Le seul traité français du XVème siècle, écrit en Français, s’appelle Le Jeu de la hache. Un texte anonyme du XVème siècle qui traite d’une arme bien spécifique, la hache bourguignonne, qui ressemble à une petite hallebarde mais n’est pas tout-à-fait une hache puisqu’elle n’a pas de cognée (ndlr : tranchant). Arme à deux mains, elle fait la taille du combattant et est très sophistiquée ; un véritable couteau suisse de l’armement ! Elle peut servir sur le champ de bataille comme lors d’un duel en armure… Par chance, nous pouvons même en trouver au musée des Beaux-Arts de Dijon. Car il est très important de connaître l’arme, de savoir d’où elle vient. Avant même de savoir se battre.

Une fois sortis de l’ombre de l’histoire, vous interprétez ces documents en grandeur nature…

En effet. Les arts martiaux historiques européens se construisent en quatre phases. La première est celle de la découverte de la source. Ensuite vient un travail de traduction et d’interprétation du texte. Par exemple, un maître du XVème siècle dit, en parlant d’une technique : « Tord avec agilité et jette la pointe aux mains ». Ecrit comme ça, traduit de l’Allemand, cela ne veut rien dire ! Donc nous cherchons à comprendre ce que le maître a voulu dire, démarche pour laquelle il faut connaître l’arme, comment et dans quelle circonstance elle était utilisée – en duel, en escarmouche, en bataille ? – et à partir de ces résultats on peut extrapoler.

Après l’interprétation-extrapolation, nous passons à la pratique, phase majeure de notre travail de recherche. Là, il nous faut trouver des simulateurs d’armes. Par exemple, la source primaire évoque une épée longue d’un mètre quatre vingt de longueur mais nous n’en savons pas plus sur sa forme… Pour reconnaître de quelle arme il s’agit, nous avons donc mis en place toute une classification des épées, retrouver les principes mécaniques des armes – le poids, l’équilibre – afin de mieux repérer, selon le contexte, de quelle arme parle l’auteur. Ensuite, grâce au recoupement avec les sources secondaires, qui peuvent nous donner des indications sur l’objet, nous fabriquons les simulateurs d’armes…

Dans quel contexte historique étaient maniées ces armes et dans quel cadre les utilisez-vous ?

Au XVème siècle, les maîtres d’armes étaient des bourgeois ; pas des gens de la noblesse. Par exemple, Joachim Meyer, Strasbourgeois de la fin du XVème siècle, était chapelier et maître d’armes. On ne sait pas sur quels critères ils sélectionnaient leurs élèves mais nous pensons que les cours étaient assez peu chers. Pourquoi pas la noblesse ? Les nobles avaient aussi des maîtres d’armes. Par exemple, Philippe le Bon s’était adjoint les services d’un maître d’armes italien pour un duel en 1460. Mais ce dernier enseignait sûrement, à côté, à des gens du commun…

Pour notre part, De Taille et d’Estoc propose deux entraînements hebdomadaires lors desquels nous réalisons un échauffement et un entraînement physique avant de travailler les techniques, en essayant d’être au plus près de la réalité de l’époque. Mais attention, nous sommes avant tout une association de chercheurs, pas de sportifs. Nous évitons de rentrer dans le schéma très discipliné des dojos en pensant que les personnes qui viennent dans notre association sont capables de faire preuve « d’autodidactisme », de s’impliquer, de faire des recherches par soi-même… La démarche de progression est personnelle : il n’y a pas de grade à passer, de connaissances obligatoires. Enfin, nous passons au combat-duel à vitesse réelle.

Comment caractériser la violence des combats à cette époque ?

Maximale. Car dans un combat à l’épée il faut de l’engagement… En d’autres termes, pour qu’une technique fonctionne, il faut accepter d’avancer dans une distance dangereuse ! Quand les enfants se battent, ils ont tendance à frapper l’épée de leur adversaire et ne se situent donc pas dans une zone dangereuse. Pour nous, au XXIème siècle, rentrer dans une véritable distance de combat est justement très difficile. Il faut passer le cap du danger et de la force, vouloir avancer, avoir l’intention de faire mal. C’est quelque chose qui était beaucoup plus normal au XVème siècle qu’aujourd’hui. Il faut savoir passer ce genre de blocages.

Beaucoup de films retranscrivent des combats du Moyen Âge, véhiculant au passage quelques clichés… Lequel est le plus flagrant selon vous ?

Il en existe beaucoup ! Par exemple, les combats de deux chevaliers en armure complète. En réalité, on aura beau frapper aussi fort qu’on veut sur l’armure avec une épée, même de trois kilos, le combattant ne sentirait rien – en réalité cette protection très sophistiquée contient des déflecteurs, le plastron n’est pas plat et une arête permet de détourner les coups… C’est pour cela que les chevaliers, en réalité, prennent leur épée en « demi-épée » et essaient de rentrer la pointe dans les interstices, jamais en donnant de grands coups dans l’air !

Un art martial a toujours ses règles de vie et de combat…

Pour les arts martiaux historiques européens, il existe des règles de vie que les maîtres enseignent à leurs élèves : se lever tôt, se coucher tôt, manger équilibré, pas trop gras, faire de l’exercice… De mémoire, la journée du combattant est la suivante : « Tu te lèves tôt, tu pries la Vierge, tu bois un verre d’eau et ensuite tu vas t’entraîner pendant deux heures à soulever des pierres. De même le midi. Et tu évites de manger trop gras ».

Les règles de combat induisent des notions évidentes de temps, de pas, de mesure, de distance, de perception de l’adversaire – sa respiration, la position de ses jambes… C’est la base de tous les arts martiaux. Ensuite, tout est dans la technique et l’engagement.

Pour conclure, pouvez-vous évoquer le colloque qui se tient à Dijon du jeudi 05 au dimanche 08 mai 2011 ?

Il s’agit de l’un des quatre événements annuels de l’Hemac, club européen qui regroupe les spécialistes européens et mondiaux des arts martiaux européens, dont l’association De Taille et d’Estoc. Cette rencontre officielle permet aux spécialistes de faire part de leurs recherches de l’année et de lancer de nouvelles pistes de travail, comme la mise en place d’une fédération internationale…

Outre ces 230 passionnés réunis pour échanger autour de leurs recherches, toute une série d’ateliers sera organisée jusqu’au dimanche après-midi entre la halle de sports collectifs et la salle de combat du campus. Le public pourra notamment assister à une démonstration de combat équestre par l’association Claire de Lame et un grand tournoi animera le samedi après-midi ».

  • infOs pratiques

Pour tout savoir sur le programme du colloque, consulter ici le site internet de l’association De Taille et d’Estoc.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Yes 3349 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossiers Paperblog