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DANS LA PEAU D'UN MATON d'ARTHUR FRAYER

Par Caspersky

 

978221366238

Que savons nous vraiment de la prison ? Uniquement ce que veulent bien nous en dire des détenus ou des membres de l’administration pénitentiaire. Arthur Frayer a voulu aller plus loin. Décidé à voir par lui-même ce qui se passe dans ce monde clos, ce jeune journaliste a mené l’enquête de l’intérieur : il a passé le concours de gardien de prison et est devenu, l’espace de quelques mois, un « maton ».Comme Florence Aubenas dans Le Quai de Ouistreham, il s’est « infiltré » pour rendre compte d’un monde toujours méconnu. En stage à Fleury-Mérogis, puis en poste à Orléans, il raconte ses mois passés en détention. Il s’attendait à être confronté à la violence, à l’injustice, mais pas, comme l’avait pourtant prévenu un de ses instructeurs, à « se prendre de la misère plein la gueule ». On découvre avec lui, en partageant son inquiétude, son étonnement et souvent sa colère, la réalité des maisons d’arrêt surpeuplées, les humiliations quotidiennes – pour les détenus comme pour les matons –, le désespoir et la folie, la roublardise de tous, le poids de l’enfermement. Au fil des jours, toutes les certitudes du journaliste vacillent : comment rester juste, comment œuvrer à la réinsertion quand on doit exercer un métier épuisant dans des conditions si difficiles ? Finalement, quand Arthur Frayer décide de jeter le gant, on mesure combien il est difficile de ne pas vaciller soi-même dans un tel milieu. Cette expérience hors du commun donne aujourd’hui un récit bouleversant et d’une force rare.

Rue 89: Raconter « de l'intérieur » est un procédé journalistique qui produit parfois des résultats passionnants. C'est le cas du récit d'Arthur Frayer, journaliste devenu surveillant de prison parce que « la meilleure manière d'entrer dans cet univers, à moins de se faire condamner, était de se faire embaucher comme maton ».

Il a réussi le concours de l'Ecole nationale de l'Administration pénitentiaire (ENAP) puis effectué les huit mois de formation obligatoires.

Fleury-Mérogis, Châteaudun, Orléans : au cours de ses stages derrière les barreaux, la surpopulation carcérale a cessé d'être une donnée statistique et le poids de l'enfermement, un constat théorique. Ils sont devenus des corps, des dialogues, des odeurs.

La scène qui suit intervient au tout début de la formation d'Arthur Frayer. Après trois semaines de cours, il est envoyé en stage d'observation à Fleury-Mérogis avec d'autres étudiants. C'est sa première visite en prison:

Le chef nous souhaite la bienvenue : « Bonjour, je m'appelle Richard et je serai votre formateur pour les quinze prochains jours. » Il entre aussitôt dans le vif du sujet :

« Je préfère vous prévenir tout de suite : de la misère, vous allez en prendre plein la gueule. Autant vous y habituer tout de suite, car vous n'avez pas idée de ce que vous allez voir. »

 

Mon avis:

Il s'agit ici d'un livre journal concernant une belle expérience de la vie, d'une aventure personnelle mais surtout d'un vrai travail journalistique car A. Frayer s'est immiscé au cœur du système pénitentiaire dans le rôle le plus ardu.

En effet, il faut souligner le mérite de ce journaliste en herbe qui a eu le courage d'affronter le recrutement sans être découvert dans sa mission et d'avoir suivi plusieurs mois la formation sur le terrain, c'est à dire "prendre les clés" au sein d'établissements pénitentiaires (Maison d'Arrêt de Fleury-Mérogis, Centre de Détention de Châteaudun et Maison d'Arrêt d'Orléans).

Comme le formateur explique aux jeunes recrues, ils vont en prendre plein la gueule et cette phrase résume à merveille la vérité des prisons avec leur lot de misère, de violence,de désespoir et parfois de fatigue extrême, de démobilisation des personnels confrontés à situations complexes, des missions de plus en plus spécifiques et à des tensions quotidiennes.

De plus, la seule autorité dans un secteur d'hébergement d'une prison est celle du surveillant qui bien souvent doit gérer pas moins d'une centaine de détenus. Seulement, ces détenus sont, avant tout, des individualités, des personnalités avec leurs histoires, leurs problèmes, leurs maladies, leurs addictions, leurs angoisses, leurs potentiels de dangerosité et de vulnérabilité.

Alors Arthur Frayer raconte, il nous décrit le quotidien du surveillant pénitentiaire dans son uniforme, avec l'autorité que lui confère l'administration et le peu de moyen à sa disposition pour assurer la garde, la gestion de mouvements, la sécurité mais surtout la gestion individualisée par un contact direct avec des humains prévenus ou condamnés dans une mission de réinsertion.

Le surveillant est un ouvrier de l'Etat, il exécute les décisions de justice dans un cadre hiérarchisé et un milieu oppressant, il ne fabrique rien, il ne vend rien mais il doit participer à la sécurité de la société en assurant l'étanchéité de la prison avec la cité. Il doit faire appliquer un règlement intérieur, des notes de services et respecter la loi et la déontologie. On parle d'ailleurs d'obligations concernant les personnels pénitentiaires et de droits concernant les personnes détenues.

En définitive, ce livre, même s'il décrit le caractère insalubre de certaines prisons, même s'il dénonce certaines failles humaines de fonctionnaires en renoncement, est un véritable plaidoyer pour les travailleurs de l'obscur confrontés chaque jour aux réalités d'une société de plus en plus inégale, violente et intolérante à la discipline.

Le surveillant est aussi responsable de l'intégrité physique et morale des détenus, il participe aux missions liés à la prévention du suicide, il observe les nouveaux arrivants pour établir un profil mais aussi une orientation pour leur permettre de suivre des cours, des formations ou d'intégrer un travail rémunéré. Le surveillant assure la livraisons des cantines, programme les rendez-vous aux parloirs ou unités de visite familiales, respectent des pratiques professionnelles contrôlées par des formulaires spécifiques qui seront contresignés par le détenu lui-même, présentera des éléments de preuve en cas de litige pour assurer la transparence de ses actes...etc...

Le monde est ce qu'il est et le surveillant fait...


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