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Pourquoi je ne mange pas "Bio"

Publié le 10 mai 2011 par Svtcolin

Pourquoi je ne mange pas  Un peu comme le terme « écologie » qui de la science glisse vers la politique (cf un précédent article), il est des glissements sémantiques et néologismes qui en disent long sur notre société : « Manger bio », voilà une expression qui, il y a 20 ans encore, signifiait pour la plupart des français manger un yaourt nature (celui qui enlève le stress des exams vous savez !). Aujourd’hui le sens est tout autre puisqu’il s’agit de manger des produits issus de l’agriculture biologique (je cherche toujours une agriculture « non biologique », de même qu’une médecine « dure »). Le terme « bio » va même plus loin que cela, il s’apparente presque à un mode de vie puisque l’on peut s’habiller bio, se maquiller bio, jouer bio, bref consommer bio. Hé oui, car ce que l’on étiquette « bio » ce sont des produits bel et bien fabriqués et toujours vendus par l’Homme, pas par la nature ! Mais alors consommer « bio » qu’est-ce que c’est ? 
Avant de démarrer et pour prévenir à l’avance certains commentaires déplaisants, je précise qu’il s’agit d’un « billet » exprimant une opinion personnelle, que je ne souhaite juger personne ici, mais juste apporter une réflexion subjective, et non une vérité incontestable.
Les motivations des bio-vores Nous avons tous autour de nous des personnes qui ne jurent que par le bio, et je leur ai souvent demandé pourquoi elles mangeaient « bio », ou encore de m’expliquer ce qu’est le « bio ». A la première question "pourquoi", une réponse souvent produite est : "parce que c’est meilleur à la santé" ; à la seconde question la réponse classique est : "se sont des produits respectueux de l’environnement". Enfin en creusant un peu, on arrive souvent sur un terrain politique, avec une idée de lutte pour la liberté individuelle, de protection du monde rural contre les grands groupes agroalimentaires. Exemple : le groupe Monsanto, que je ne porte vraiment, mais vraiment pas dans mon cœur, mais qui pourrait en France faire office de nouveau BenLadden, entendez par là une figure du mal absolu. Résumons nous, il y a au moins 3 motivations à la consommation Bio : la santé (motivation individuelle), l’environnement (motivation écologiste altruiste), la défense d’une idéologie à priori humaniste (motivation politique).
3 bonnes raisons… ou pas ! Pourquoi je ne mange pas  Le problème du bio, c’est justement qu’il mélange totalement ces motivations dans un seul et unique but : vendre plus. En entretenant la confusion vous obtenez une plus large cible de clientèle : du pseudo-activiste politique un peu « bobo », à la mère de famille hypochondriaque, je caricature bien évidemment. La multiplication des labels n’étant pas là pour clarifier les choses, de Ecocert, à AB, en passant par le label européen, il y en a plus de 70 sur le marché, recouvrant des cahiers des charges tous différents ! Bref si j’achète bio, laquelle des trois causes citées ci-dessus vais-je réellement servir ?
- La santé : Je ne suis pas spécialiste, mais apparemment le nombre d’études effectuées ne permet pas de dégager un effet significatif. Les études sont cependant complexes à mener, surtout sur le long terme, d’autant que manger bio est souvent corrélé à un meilleur équilibre alimentaire à mon avis (plus de fruits et légumes par exemple). Pas d'argument irréfutable sur ce point donc. Je laisse volontairement la question du goût de coté car ça n'est ni l'objectif premier, ni une exclusivité du bio … 
Pourquoi je ne mange pas  -L’idéologie politique : Mis à part les aides de certains gouvernements, je n’ai pas souvenir que les agriculteurs bio touchent de meilleurs revenus pour leur travail. Le prix du bio (25% à 70% plus cher), n’est en tout cas pas répercuté sur le salaire du producteur, mais sert plutôt à compenser les productivités qui sont souvent plus faibles. Pour reverser plus aux producteurs, mieux vaut privilégier la distribution directe ou le label "commerce équitable" (qui est plus lisible dans sa démarche). Pour continuer sur cette argumentation, précisons que le « bio » est avant tout un business, et que s’il a envahi les rayonnages des supermarchés si vite, c’est avant tout parce qu’il génère du blé… de l’oseille… (Pardonnez le jeu de mot). Le « bio » n’est pas une association à but non lucratif comme semblent le penser certains, mais un pur produit du capitalisme, une marque, dont le but est de vendre toujours plus… Il faut donc oublier à mon avis l’image d’Epinal du producteur bio, icône du monde rural si chère aux français. Le monde rural est à mon avis tout aussi bien défendu par des agriculteurs non-bio !
Pourquoi je ne mange pas  -La préservation de l’environnement : Alors là, je réponds à priori par l’affirmative, puisque c’est la démarche de départ dans l’agriculture dite biologique : limiter les intrants (engrais, pesticides, etc.) dont les effets sur l’environnement sont énormes (eutrophisation etc.). Je m’interroge tout de même lorsque je vois les produits bio dans des emballages plus abondants que les produits conventionnels (Exemple dans mon supermarché: 2 avocats bio: barquette en carton recyclé + film plastique imprimé en couleur -vs- rien pour les avocats conventionnels). Je m’interroge également lorsque je vois les amateurs de bio consommer des produits typiques de régions éloignées du monde, qui n’auraient jamais été importés en si grande quantité il y a quelques années (ex : le quinoa, graine importée d’Amérique du sud, et le plus souvent étiqueté bio : son cours à doublé depuis 2006, limitant sa consommation locale, et favorisant une monoculture peu diversifiée).
Les effets pervers du bio. Bref, vous l’avez compris, je ne suis pas convaincu. Mais ces derniers temps j’en viendrais presque à militer contre le bio, en réfléchissant et en comprenant les effets pervers qu’il peut avoir, sans que les consommateurs en soit conscients. Pourquoi je ne mange pas

  1. Un retour de l’irrationnel : Le « bio » véhicule l’idée d’une nature bienveillante, favorable à l’Homme, voir en « connexion spirituelle » avec lui.  Cette vision se construit en rejet des aspects techniques et scientifiques, considérés quelque part comme l’origine du mal, alors que c’est peut-être là qu’est la solution.
  2. Excès du principe de précaution : se méfier de tout est-il bon à la santé ?? Probablement pas, le stress et la peur de la maladie gâchent parfois la vie de certaines personnes, à tel point que l’on peut se demander si cet état de méfiance perpétuel face à la nourriture n’est pas nuisible en lui-même. Et quand ces craintes sont utilisées comme argument commercial, on ne peut que s’insurger.
  3. Nourrir l’humanité ? Question tabou à priori chez les « biovores », bien conscients d’être des privilégiés le plus souvent. Mais est-ce moral de diminuer la production mondiale pour manger du bœuf bio, nourrit avec du blé bio, au risque d’affamer une partie du monde ?
  4. Reine des abeilles, et ouvrières : les castes alimentaires chez l’Homme ? Manger « bio », c’est accepter l’existence d’une nourriture « non-bio », et si le bio prouve ses effets positifs sur la santé, cela revient à dire que l’alimentation conventionnelle est mauvaise pour la santé. Avec le développement du bio, les critères de qualité du non-bio vont probablement régresser puisque ces deux modes de consommation ne sont pas en réelle concurrence l’un avec l’autre : "Puisqu’il existe une nourriture réputée saine, on peut se permettre de diminuer la qualité de la nourriture réputée mauvaise". On créé alors  une alimentation à deux vitesses, reflet d’un rang social, voir d’une caste. Est-ce moralement acceptable ? A tous les privilégiés qui mangent bio, souscrivez-vous à cela ? De fait, en mangeant bio, c’est bel et bien le cas.

Pour conclure, je ne nie pas l'intérêt qu'il y a à ce préoccuper de notre alimentation, je ne nie pas non plus, que certains acteurs de la filière bio sont sincères dans leur démarche, mais à mon avis cette solution n'est pas la bonne. En l'absence d'alternative evidente, je comprends que l'on puisse se tourner vers le bio même si ce n'est pas mon cas, et je ne peux qu'inviter chacun à réfléchir, à innover. Avec un marché de 3,3 milliards d’euros par an en France, le « bio » est un produit du capitalisme caché derrière le masque de la moralité et de l’écologisme. S’il peut avoir des effets bénéfiques pour l’environnement, peut-être faut-il examiner si ces bénéfices ne sont pas compensés par des effets pervers pour nos sociétés bien plus importants? Le débat est ouvert…
Quelques coupures de presse pour nourrir le débat: Sur les bénéfices du bio pour la santé : le figaro.fr Sur le quinoa: libération.fr Sur le coût du bio: la dépêche.fr
Et je termine par une illustration de l'excellent Martin Vidberg, dont je vous invite à suivre le blog: l'actu en patates : http://vidberg.blog.lemonde.fr/

Pourquoi je ne mange pas

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LES COMMENTAIRES (2)

Par Seb
posté le 12 mai à 15:14
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Bonjour,

Bonne analyse sur une facette du bio, vous avez uniquement basé votre "étude" sur le bio industriel : Citation "(Exemple dans mon supermarché: 2 avocats bio: barquette en carton recyclé + film plastique imprimé en couleur -vs- rien pour les avocats conventionnels)"

Vous avez raison de dénoncer et de boycotter ces produits. Les supermarchés considèrent l'alimentation "Bio" comme une niche où ils peuvent faire de grosses marges. Les haricots d’Égypte, les tomates d’Israël, le miel de Chine, les céréales d'Ukraine labellisés coûtent très peu cher l'achat, la main d’œuvre étant peu chère dans ces pays. Eh bien, sur il est aberrant d'aller chercher aussi loin des produits aussi basiques.

Pour avoir une vision plus large de ce qu'est l'agriculture biologique, je vous invite à consulter ces sites : http://www.natureetprogres.org/ http://www.terredeliens.org ou encore un projet novateur (parmi d'autres) : http://aupetitcolibri.free.fr/NOTREPROJET/SyntheseFerme.html

L'idée du bio est de ménager les ressources (renseignez-vous sur les conséquences de l'agriculture intensive sur les sols et l'eau dans la Beauce par exemple (cf L. et C. Bourguignon), on économise sur les intrants, ce qui entraîne une moindre dépendance au pétrole. Et pour ce qui est de nourrir le monde, l'idée reçue que l'agriculture intensive pourra y répondre sans prendre en compte la raréfaction des matières premières et en baladant les produits de bases à travers le monde, elle est balayée par l'ONU (entre autres) : http://www.srfood.org/index.php/fr/component/content/article/1-latest-news/1174-report-agroecology-and-the-right-to-food.

Le consommateur doit pouvoir s'y retrouver sur la plan qualitatif mais aussi sur le plan économique. Tout existe pour faciliter cette consommation (filières courtes, AMAP, paniers, ventes directes, vente en vrac ...) mais bien sûr cela demande de changer des habitudes et de moins fréquenter les rayonnages des supermarchés traditionnels ...

Par tibonz
posté le 12 mai à 09:14
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Bonjour,

grand sujet et en effet je ne suis pas certain que le bio soit si rose que cela, en tous cas bien des choses se cachent derrière ce terme, bonnes et moins bonnes.

Simplement à propos de l'alimentation, oui aucunes études démontrent clairement les avantages du bio, MAIS quel est l’intérêt nutritionnel (sans même parlé d'un point de vue sanitaire) de manger des pesticides et autres produits chimiques en plus, quand on peut manger un aliment sans ces additifs. Par exemple, plusieurs analyses montrent qu'au cours d'une journée nos enfants ou les adultes consomment entre 40 et 80 substances chimiques => quel est le bénéfice nutritionnel, moi je n'y vois que des dangers potentiels ou avérés. Je ne dis pas que c'est la solution absolue, on y trouve d'ailleurs des abbérations et non-sens, mais cela à le mérite d’être une réaction/réponse à certains excès. Cela a montré la voie de la différence, et d'ailleurs maintenant d'autres projets/possibilités apparaissent et existent (je pense notamment à des filières autonomes de fabrication de pain comme d'antan : filière courte et locales de céréaliers/meuniers/boulangers indépendants qui se rémunèrent entre eux sans utiliser les courts du blés et qui font un pain excellent pour le meme prix que l'industriel MAIS sans produit chimique, au levain et avec une conservation d'une semaine).

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