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Dominique Strauss-Kahn : un immense gâchis

Publié le 16 mai 2011 par Sylvainrakotoarison

L’image est forte et désastreuse : le "principal" candidat (virtuel) à la Présidence de la République française menotté à la sortie du commissariat de Harlem.
yartiDSK201103Dominique Strauss-Kahn va probablement tout perdre, FMI et Élysée, après avoir tergiversé entre les deux pendant trois ans.
Gâchis et nausée

C’est un sentiment de gâchis humain considérable qui ressort de son arrestation comme un vulgaire prévenu pour violences sexuelles. Gâchis électoral pour le PS qui pensait voir en lui l’homme qui lui ferait reconquérir le pouvoir après un François Mitterrand exceptionnel et un Lionel Jospin décevant. Mais bien plus que cela. Également un gâchis sur la scène financière mondiale car DSK était très apprécié au FMI et tous ses collaborateurs espéraient qu’il renonçât à la course présidentielle française pour exercer un second mandat de cinq ans au FMI (son actuel mandat s’achève en principe en septembre 2012).

À voir également la manière dont les médias passent en boucle cette "affaire", c’est aussi un sentiment de nausée qui envahit mon esprit : sa vie privée racontée dans les moindres détails, ramassée au peigne fin, avec les aspects les plus croustillants pour les plus voyeurs et sans doute les plus jaloux.

Mais ce sentiment de nausée peut aussi survenir dans l’autre sens, quand j’entends certains leaders socialistes quelque peu embarrassés malgré l’effet d’aubaine dont ils espèrent bientôt tirer profit, en particulier Ségolène Royal et François Hollande lorsqu’ils disent penser à l’homme, à sa famille, ses amis, ses proches, ses partisans… sans avoir une seule pensée à la victime présumée de cette affaire, une femme de 32 ans visiblement affolée et bonne employée depuis longtemps dans l’hôtel en question, situation étrange quand, dans le même temps, on veut lutter contre la violence conjugale par exemple.

Le gâchis, c’est qu’à l’évidence, Dominique Strauss-Kahn était un homme capable dans les finances internationales. Reconnu, compétent, travailleur dans son domaine, au contraire de bien d’autres responsables politiques, Dominique Strauss-Kahn a toujours montré une très bonne connaissance de ses dossiers parfois très techniques, que ce soit lorsqu’il naviguait à Bercy ou à Washington. Rigoureux pour ce qu’il avait à traiter, Dominique Strauss-Kahn l’était beaucoup moins pour son hypothétique campagne présidentielle.

L’histoire de la Porsche, qui en elle-même est assez dérisoire et est du même acabit que le Fouquet’s ou le yacht, a montré soit une grande naïveté de sa part (j’ai connu il y a une vingtaine d’années un simple maire-adjoint dans une grande ville de province qui aurait bien voulu conduire une belle voiture, il en avait les moyen, mais qui s’était contenté d’une R25 parce qu’il savait que ses électeurs ne le comprendraient pas), soit au contraire un certain cynisme en se disant qu’il est le super-héros et qu’il se moque du quand-dira-t-on.

Le simple fait que l’affaire qui vient de le terrasser est plausible lui suffit à renoncer à toute ambition personnelle. D’ailleurs, la victime présumée de l’hôtel vient de le reconnaître formellement et c’est probablement la procédure judiciaire la plus dure et la plus longue qui sera adoptée : l’accusé plaidera non-coupable ce qui entraînerait a priori un procès dans tous les cas. Le choix de deux avocats prestigieux pour défendre le directeur général du FMI n’est d’ailleurs pas anodin : William Taylor est l’un des dix meilleurs pénalistes de la capitale américaine et Benjamin Brafman a été l’avocat de Michael Jackson lorsque celui-ci était englué dans une affaire glauque.

Sauver son honneur avant tout… une affaire personnelle

Avant de sauver la France ou le monde, Dominique Strauss-Kahn va devoir maintenant consacrer toute son énergie à se sauver lui-même, car non seulement sa carrière politique s’arrête, mais sa propre vie, sa liberté, est en jeu puisque, selon certains médias, il pourrait risquer jusqu’à vingt ou trente ans de réclusion criminelle (Il a 62 ans).

Cela me fait penser, dans une moindre mesure, à Christine Ockrent, directrice générale déléguée de l’Audiovisuel extérieur de la France (France 24 et RFI) qui, le 12 mai 2011 devant une mission parlementaire, était au bord des larmes en expliquant que depuis décembre 2010, elle n’avait accès à plus aucune information de son entreprise et que concrètement, donc, elle n’apportait plus rien à celle-ci, un peu à l’instar des salariés harcelés, à la différence énorme qu’elle est mandataire sociale. Et elle expliquait que son objectif, c’était son honneur.

Je veux bien comprendre que l’honneur d’une personne soit important à laver de tout soupçon, mais en pratique, les contribuables (ou les électeurs) se moquent un peu de l’honneur des personnes qui sont censées prendre leurs responsabilités, ce sont leurs actes qui comptent et pour l’AEF, Christine Ockrent aura du mal à faire comprendre pourquoi elle s’accroche et ne démissionne pas, ce qui, de toute évidence, juste ou injuste, est la seule issue dans une situation aussi conflictuelle.

Qu’il soit coupable ou qu’il soit victime d’une fausse accusation, Dominique Strauss-Kahn n’est pas, lui non plus, en mesure de poursuivre son travail au FMI ni d’envisager un instant sa candidature à l’élection présidentielle. Car son combat, cela va être son honneur, essentiel pour lui, dérisoire pour l’intérêt de la France.

Dans les médias

Dans les médias, les réactions politiques sont très timorées à l’exception de Marine Le Pen. L’UMP a choisi à l’évidence le silence modeste pour éviter toute gaffe (à l’exception de Bernard Debré). Les proches de Dominique Strauss-Kahn se sont montrés évidement attristés avec des éléments de langage assez difficiles à tenir : en gros, c’est de dire que cette affaire ne correspond pas à l’homme non violent qu’ils connaissent. Que peuvent-ils dire d’autre ? Jean-Marie Le Guen a montré sa réelle émotion et lui, évidemment, pense avant tout aux éventuelles années de prison d’une éventuelle condamnation (les États-Unis ne rigolent pas avec les histoires de mœurs).

Parmi les laudateurs de DSK, il y a malheureusement des partisans dont il se passerait bien. Par exemple, Michèle Sabban, vice-présidente du Conseil régional d’Île-de-France, qui a dit bêtises sur bêtises, affirmant sans preuve qu’il s’agirait d’un complot contre le FMI.

Complot ?

Face à une information incroyable, il peut y avoir aussi une réaction de déni. Elle a eu lieu parfois pour les attentats du 11 septembre 2001, mais également pour les déportés qui rentraient des camps d’extermination en 1945 et qui n’avaient pas osé raconter leur calvaire car on ne les aurait pas crus, tellement c’était impossible dans l’imaginaire humain.

Alors, éliminons quand même les supputations de "complot" dans cette "affaire".

Complot contre le FMI alors que la situation de la Grèce est désastreuse ? Très sagement, le FMI s’est doté très vite, dès le 15 mai 2011, d’un directeur général par intérim en la personne du numéro deux, John Lipsky, premier directeur général délégué, dont le mandat se termine en août prochain et dont il ne demandera pas renouvellement. Donc, le FMI peut fonctionner sans perte de temps ni d’efficacité.

Complot contre le PS ? L’intérêt de l’UMP, si complot il y avait, aurait été d’attendre que DSK fût désigné lors de la primaire et de le faire exploser en plein vol en automne, le PS aurait été alors dans une situation inextricable. Là, heureusement pour lui, le PS est capable de réagir et de préparer sérieusement un autre candidat. Quant à l’intérêt des autres candidats à la primaire socialiste, je vois mal l’utilisation d’une frappe si effroyable alors que ses rivaux pouvaient quand même espérer des "bouts de gras" en cas d’élection de Dominique Strauss-Kahn.

Complot par simple vénalité de la victime présumée ? La méthode existe aux États-Unis mais le simple fait que DSK plaide non-coupable casse la probabilité de cette hypothèse. Si l’objectif était de faire chanter un personnage riche, le principe voudrait que l’affaire judiciaire se termine en plaider coupable et qu’une transaction ait lieu. De plus, la forte pression que va subir la victime présumée ne "plaide" pas en faveur de cette option.

La suite…

Dans les conséquences politiques de cette affaire consternante, il y a une incertitude levée sur les candidatures socialistes. François Hollande se retrouve comme par enchantement dans le rôle maintenant du favori et il entend sans doute ne pas en rajouter, lui qui a axé tout son comportement dans une candidature anti-bling bling.

Le FN pourrait-il être favorisé par ce scandale ? Je ne le pense pas car contrairement aux scandales financiers où il est facile de crier ensuite "tous pourris", un scandale sexuel (sur un acte avéré ou pas) ne peut pas vraiment être généralisé et dire que toute la classe politique serait violente, cela n’aurait pas beaucoup de sens. Une agression sexuelle est un acte isolé et individuel.

En terme de ciblage électoral, il me semble clair que sans DSK, l’électorat centriste se retrouve avec un volant de choix beaucoup plus ouvert que la semaine dernière. Et si Jean-Louis Borloo peut vraisemblablement être conforté dans sa démarche d’autonomie, il faut noter cependant que cette affaire a éclaté en plein milieu du 111e congrès du Parti radical valoisien qui a décidé de son divorce à l’amiable avec l’UMP …dans la plus totale discrétion. Il n’y a eu aucune retombée médiatique de cet important congrès pour cause de strauss-kahnite aiguë dans les médias.

Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (16 mai 2011)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
2012 : DSK out !
Y a-t-il un encore un strauss-kahnien dans la salle ?

yartiDSK201104
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/dominique-strauss-kahn-un-immense-94038
 


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