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La chimie que l’on respire

Publié le 08 février 2008 par Lagrandeinvasion

Une critique de La grande invasion dans Le Monde daté de vendredi 8 février, signée Gaëlle Dupont.

Une fois n’est pas coutume. On peut très bien commencer le livre de Stéphane Horel par la fin. L’auteure donne le dernier mot de son ouvrage consacré à la pollution chimique aux scientifiques qu’elle a interrogés. Chacun donne ses recettes pour réduire au maximum son exposition. L’un “aère en grand au moins une demi-heure par jour”, l’autre mange bio “aussi souvent que possible”, un troisième “ne met jamais de récipients en plastique au micro-ondes”, un quatrième a remplacé son déodorant par de l’eau et du savon, un cinquième fait son ménage au vinaigre blanc…

Ces quelques phrases rappellent une réalité encore ignorée : les produits chimiques sont partout autour de nous. “Nous les respirons, les mangeons, les touchons. A notre insu, des dizaines de milliers de substances chimiques partagent notre vie quotidienne, nichées dans la nourriture et l’eau, incrustées dans les détergents, les plastiques ou les tissus, invisibles et partout à la fois”, détaille l’auteure. Ils sont aussi en nous, dans nos corps. Et nous ne savons que bien peu de chose de leurs conséquences sur la santé des hommes et de l’environnement. “Bien évidemment, les substances chimiques ont amélioré nos existences, prévient Stéphane Horel. Il ne s’agit pas de revivre en peaux de bêtes (…). Mais si certaines d’entre elles peuvent nuire à notre santé, nous ne pourrons pas éviter le débat.”

Journaliste indépendante, l’auteure n’écrit ni en militante ni en scientifique. Elle joue les intermédiaires, rendant accessibles des connaissances éparpillées, introuvables, et - quand elles sont disponibles - difficiles à lire, car leur technicité les rend incompréhensibles à l’état brut. Sur la piste des alkylphénols, phtalates, parabens et autres perméthrines, elle a décrypté des centaines d’études et de documents officiels (cités en annexe) avec pour objectif de répondre en langage clair à deux questions : où sont ces produits ? Quels sont leurs effets connus ?

Pas facile d’obtenir des réponses. “Des messages que personne n’écoutera jamais sont laissés sur des boîtes vocales anonymes, des interlocuteurs partent en congés, visiblement pour toujours, on se défausse et se renvoie la balle à une lenteur tout à fait remarquable”, rapporte l’auteure.

Le livre n’assène pas de réponses péremptoires sur les conséquences de ces pollutions pour l’environnement et la santé, car ces réponses n’existent pas. Il est très difficile de mettre en évidence un lien entre une substance précise et une maladie : la santé d’une personne est conditionnée par de multiples facteurs (hérédité, comportements individuels comme le tabagisme, choix alimentaires, exposition à des pollutions multiples tout au long de la vie).

Mais des études scientifiques, qui sont autant de sonnettes d’alarme, justifient que l’on s’interroge davantage, selon Stéphane Horel. Ces travaux montrent des changements de sexe chez les poissons, l’augmentation des malformations de l’appareil génital des petits garçons, la baisse de la concentration de spermatozoïdes…

L’augmentation récente du nombre de cancers dans la population fait l’objet d’une controverse dans les milieux scientifiques : peut-on l’attribuer à la pollution ? “Moins de 50 % des cancers sont expliqués par des facteurs connus”, rappelle une chercheuse de l’Inserm, citée dans le livre. Une question centrale est posée. “Comment aborder intelligemment les causes du cancer dans un pays qui ne possède pas de registre national des cancers ?, interroge Stéphane Horel. Les statistiques françaises sont établies à partir de données ne couvrant que 14 % de la population, essentiellement en dehors des zones urbaines.” En tout état de cause, explique-t-elle, il n’est pas possible d’affirmer que ces produits n’ont aucun effet sur la population. Il est plus juste de dire qu’on ne les a pas cherchés.

LA GRANDE INVASION. ENQUÊTE SUR LES PRODUITS QUI INTOXIQUENT NOTRE VIE QUOTIDIENNE de Stéphane Horel. Ed. du Moment, 314 p., 19,95 €.

Gaëlle Dupont
Article paru dans l’édition du 08.02.08


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