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"Tu n'as rien vu à Fukushima" de Daniel de Roulet

Publié le 21 mai 2011 par Francisrichard @francisrichard

Serait-il du dernier cri d'écrire un petit texte, plus grand qu'un article, moins long qu'un livre, pour exprimer ce que l'on pense d'un sujet ?

Emboîtant le pas de Stéphane Hessel, qui a tracé le chemin avec son Indignez-vous, Daniel de Roulet a écrit une vingtaine de pages sur le nucléaire, intitulées Tu n'as rien vu à Fukushima, publiées par Buchet-Chastel ici.

Le titre provient d'une réplique d'un acteur japonais à Emmanuelle Riva dans le film Hiroshima mon amour, laquelle y joue le rôle de la Française venue tourner un film. Cette réplique signifiait que le malheur, qui avait suivi le lâchage de la bombe américaine sur Hiroshima, ne regardait pas les étrangers et devait rester affaire strictement nippone.

Ces vingt pages prennent la forme d'une lettre écrite par l'auteur à une jeune japonaise, Kayoko, rencontrée tout juste un an auparavant à Tokyo. C'est l'occasion pour l'écrivain suisse Daniel de Roulet, militant anti-nucléaire de longue date, de succomber aux amalgames faciles que dénonce Claude Allègre dans son dernier livre [voir mon article du 19 mai 2011 sur Faut-il avoir peur du nucléaire ?].

Au moins ne sera-t-on pas surpris par l'ensemble des propos de l'auteur, qui verse dans le catastrophisme de bon ton chez ses semblables. Ce catastrophisme adopté, après l'accident survenu à Fukushima, par l'ensemble des médias, qui ne suscitent d'intérêt chez les lecteurs qu'en leur faisant peur, repose sur la double ignorance scientifique de ceux qui écrivent et de ceux qui les lisent.

D'avoir travaillé dans une centrale suisse, dans un service informatique, ne donne évidemment aucune autorité scientifique à l'auteur sur le nucléaire. Aussi est-il contraint de jouer davantage dans le registre du coeur que de la raison, en ne soulignant que les aspects négatifs d'une technologie énergétique qui aura pourtant fait au total moins de victimes que d'autres. La mémoire ne se fait-elle pas curieusement courte pour le besoin de certaines démonstrations ?

Quand un écrivain joue dans ce registre de l'émotion, il lui échappe bien évidemment des sentences propres davantage à séduire le lecteur par la force du verbe qu'à le convaincre par la réflexion. Ainsi Daniel de Roulet écrit-il cette phrase reprise partiellement en quatrième de couverture :

"Nous sommes pris à notre piège, nous avons collaboré à un système que nous savions porteur d'une mort atroce et nous n'avons eu qu'un courage intermittent pour nos propres idéaux."

Le propos de la missive de l'auteur s'y trouve résumé, y compris le sentiment de culpabilité que cultivent volontiers certains suisses.

Il va tout de même beaucoup trop loin pour demeurer crédible - il s'en rend compte d'ailleurs, ce qui n'est pas une excuse - quand il écrit :

"Je sais ce qu'il y a d'indécent à dire que les camps de concentration sont les monuments de la folie de la première moitié du XXe siècle et les centrales ceux de la démesure de sa seconde, mais c'est exactement ce que je ressens malgré - ou à cause de - l'ordre et la rationalité qui président à leur architecture."

Qui disait que ce qui est excessif est insignifiant ?

C'est pourquoi en dépit de qualités littéraires indéniables le lecteur, surtout s'il a vu à Fukushima autre chose que ce qu'y a vu Daniel de Roulet, se réjouira-t-il de ne pas avoir trop passé de temps à lire son opuscule, tant il est vrai que les meilleures plaisanteries macabres sont les plus courtes.

Francis Richard


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