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Le Salon de Montrouge

Publié le 26 mai 2011 par Marc Lenot
Le Salon de Montrouge est toujours l’opportunité de découvrir des jeunes artistes pas encore très connus, et, éventuellement de flairer quelques tendances (jusqu’au 1er juin). La déception vient en général d’esthétiques trop convenues, d’approches trop prévisibles, d’effets de mode peu créatifs. Le Salon de MontrougeParmi les artistes qui m’ont frappé (et un tel billet peut difficilement être autre chose qu’une liste), j’en ai particulièrement aimé trois, dont je veux parler un peu plus en détail, avant d’en mentionner quelques autres et de faire l’éloge des deux sections annexes. Mathilde Roussel-Giraudy, qui se définit comme une paysanne normande à New York, montre des traces : les empreintes d’un homme aimé absent inscrites dans la crispation des mains sur un oreiller, les traces d’une grand-mère disparue dans des sculptures de ses mouchoirs brodés, et les mues de sa propre peau, de son propre jeune corps qui, un jour, témoigneront nostalgiquement de sa beauté passée. Ces moulages de son corps en papier de soie sont des sculptures légères, suspendues, flottant au vent, mobiles, dansantes, vivantes, joyeuses encore, des mues plutôt que des linceuls, même si j’ai aussitôt pensé aux corps en creux à Pompéi et à l’ombre des corps désintégrés par la bombe d’Hiroshima. Ce sont des anges gardiens. Si elle répète ces moulages chaque année, aujourd’hui belle, demain enceinte, après-demain flétrie, elle constituera ainsi une archive de son corps, un témoignage de sa vie, une inscription du temps dans la matière. Le Salon de MontrougeClaire Glorieux travaille sur le langage, parfois avec humour, parfois mélancoliquement et nous en démonte les mécanismes avec une fraîcheur et une intelligence qui captivent. Ce peut être la compilation des mots qui suivent le mot ‘mort’ dans des dictionnaires de toutes sorte, 40 fois, avec 40 locuteurs, 40 séquences vidéos, 40 dictionnaires, 40 définitions, dans un processus rituel immuable. Ce peut être la recension illustrée de la centaine de mots du vocabulaire d’une jeune femme autiste que l’artiste accompagne. La pièce la plus captivante joue sur la musicalité du langage et sa matière même, c’est une histoire de famille et de piano, dite dans une langue inconnue (hongrois ? une langue du Caucase ?) , en fait du français mis à l’envers, écrit puis lu ainsi en ânonnant, puis remis à l’endroit, gagnant son sens et perdant son ton, dit d’une voix hachée par la grand-mère de l’artiste et par claire glorieux elle-même, dans un tourbillon de sens, de sons, d’efforts de diction et de compréhension qui donne le tournis., alors qu’il est question de piano et de séduction, de musique et de sensations. Le Salon de MontrougeHalida Boughriet montre les photos de trois odalisques, vieilles femmes allongées sur leur lit dans des vêtements chamarrés, sous la lumière d’après-midi tamisée par les rideaux. Deux d’entre elles nous fixent, la troisième se détourne. Ce sont d’anciennes combattantes du FLN, et c’est un beau travail de mémoire. Sa vidéo Pearl montre son beau visage cadré très serré, le regard fixe et concentré, sans un cillement : de ses lèvres émerge, comme une naissance légère et pure, une petite perle, fruit de l’agression de la nacre, fruit d’une violence faite à sa chasteté. Parmi les autres artistes remarqués au fil des allées, j’ai noté l’histoire familiale revisitée de Marcell Esterhazy, la fête foraine de Jeanne Moynot, les froides photographies sociales de Camille Roux, les flux d’images d’Anne Horel, la passion pour l’accident d’ Alexandre Gérard, les photos indécises de Viriya Chotpanyavisut, et les vues aériennes de Jérémie Lenoir. Ceci dit, je n’ai pas eu les mêmes coups de cœur que le jury, mais j’ai l’habitude. Le Salon de MontrougeUne salle est dédiée au projet sur la guerre de Jean-Yves Jouannais (mais j’aurai préféré une autre couverture du catalogue… ) qui accueille des artistes femmes sur ce même thème de la guerre : Faustine Cornette de Saint-Cyr a réalisé une très belle installation, brodant des messages de la BBC sans queue ni tête (Les sanglots longs de violons de l’automne..) sur des photos évanescentes des plages du débarquement et Hakima El Djoudi a installé une des armées de soldats en billets de banque sur un miroir cerné de sang rouge. L’école invitée cette année est celle de la Photographie à Arles : j’y ai remarqué les déambulations berlinoises de Renaud Duval, séries de répétitions formelles, bâches, colonnes, vitres, carreaux , les animaux pansés de Julie Fischer, les fragments de corps de Pierre Toussaint et les travaux avec une pellicule périmée de Lilie Pinot. Mais j’en verrai davantage lors des rencontres d’Arles en juillet. Photos 1 & 4 de l'auteur; photos 2 & 3 courtoisie des artistes

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