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Amiante et dol

Publié le 27 mai 2011 par Christophe Buffet

Un arrêt sur ce sujet :

Un cas de dol par dissimulation dolosive de présence d'amiante :

« Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 9 novembre 2009), que, par acte authentique du 13 février 2002, les consorts X... ont vendu à Mme Y... un pavillon préfabriqué au prix de 42 685,72 euros ; qu'ayant découvert la présence d'amiante lors de travaux de rénovation, l'acquéreur a obtenu la désignation d'un expert en référé puis a assigné les vendeurs en dommages-intérêts sur le fondement de la réticence dolosive ;

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en retenant que Mme X... âgée de 82 ans lors de la vente connaissait à cette époque l'emploi d'amiante ciment et d'Eternit, matériaux contenant de l'amiante dans le pavillon vendu au seul motif que la construction avait été entreprise par la communauté des époux de sorte qu'elle avait signé et/ou eu en main les contrats, devis et factures de travaux, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants pour établir en quoi Mme X... avait la connaissance certaine de la présence d'amiante dans le pavillon vendu ; qu'elle a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en retenant que MM. X... avaient déclaré à l'expert avoir assisté à la construction du pavillon à proximité duquel ils demeuraient, la cour d'appel a encore statué par des motifs inopérants à établir la connaissance certaine qu'avaient ceux-ci de la présence d'amiante dans le pavillon vendu, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que la cour d'appel qui constatait qu'à l'époque de la vente du pavillon, le 13 février 2002, les vendeurs n'avaient aucune obligation légale d'informer l'acquéreur en matière d'amiante, qui n'avait été introduite que par décret du 5 mai 2002 dont les dispositions étaient entrées en vigueur le 3 septembre 2002, ne pouvait leur reprocher de n'avoir pas donné à l'acquéreur une information à laquelle ils n'étaient pas tenus ; qu'elle n'a pas ainsi tiré les conséquences légales de ses constatations en violation des articles 1116 et 1382 du code civil ;

4°/ que la cour d'appel ne pouvait, sous couvert d'obligation de loyauté, faire peser sur les vendeurs une obligation d'information sur la présence d'amiante dans la construction du pavillon vendu qui n'avait été introduite que postérieurement à la vente ; qu'elle a ainsi violé l'article 2 du code civil ;

5°/ que le dol doit être apprécié au moment de la formation du contrat ; d'où il résulte qu'en l'absence d'obligation légale de diagnostic amiante au moment de la vente et à défaut pour l'acquéreur d'avoir expressément indiqué dans l'acte de vente qu'elle entendait acquérir un immeuble exempt d'amiante, la cour d'appel ne pouvait, au motif que l'acquéreur avait décidé plus de deux ans après la vente la réalisation de travaux de rénovation supposant un désamiantage, retenir que son consentement avait été vicié lors de la vente par l'absence d'information donnée sur la présence d'amiante ; qu'elle a ainsi violé les articles 1116 et 1382 du code civil ;

6°/ que le préjudice constitué par le désamiantage du pavillon n'était pas certain lors de la vente dès lors en effet que les travaux de désamiantage n'étaient pas obligatoires à cette époque, que les vendeurs, qui ne s'étaient pas engagés à livrer un immeuble exempt d'amiante, n'étaient tenus d'aucune obligation d'information et que l'acquéreur n'avait pas expressément exprimé sa volonté d'acheter un immeuble sans amiante ; qu'en condamnant les vendeurs à prendre en charge le coût du désamiantage et des travaux en conséquence, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant exactement retenu que si aucune obligation légale spécifique ne pesait sur les consorts X... concernant la présence d'amiante dans l'immeuble vendu, le vendeur, tenu à un devoir général de loyauté, ne pouvait néanmoins dissimuler à son cocontractant un fait dont il avait connaissance et qui aurait empêché l'acquéreur, s'il l'avait connu, de contracter aux conditions prévues, la cour d'appel, qui a souverainement constaté que les vendeurs avaient connaissance, au moment de la vente, de la présence d'amiante dans les éléments constitutifs de l'immeuble vendu, et qui a relevé qu'il était démontré que Mme Y... n'aurait pas acheté aux conditions qu'elle avait acceptées si elle avait eu connaissance de la consistance réelle des biens, laquelle lui avait été intentionnellement dissimulée, a pu en déduire l'existence d'une réticence dolosive imputable aux vendeurs ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé qu'en dissimulant à Mme Y... les informations dont ils disposaient quant à la présence d'amiante dans les murs et les cloisons, les consorts X... lui avaient, par là même, dissimulé les risques auxquels elle serait exposée lors de la réalisation de travaux et la nécessité dans laquelle elle se trouverait de faire procéder préalablement au désamiantage de l'immeuble, la cour d'appel, qui a caractérisé la certitude du préjudice, a pu en déduire que les vendeurs devaient être condamnés à des dommages-intérêts correspondant au coût des travaux de désamiantage ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les consorts X... et Mme A..., ensemble, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts X... et de Mme A... et les condamne, ensemble, à payer à Mme Y... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat aux Conseils pour les consorts X... ;

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que Michel X..., Gilberte A... et Christian X... s'étaient rendus coupables de réticence dolosive à l'occasion de la vente conclue le 13 février 2002 avec Mélina Y... et de les avoir condamnés in solidum à lui payer 27.118,29 euros à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « si aucune obligation légale spécifique d'information ne pesait sur les consorts X... concernant la présence d'amiante dans l'immeuble vendu, il n'en demeure pas moins que le vendeur est soumis, dans ses rapports avec son cocontractant, à un devoir général de loyauté ;

qu'il ne peut lui dissimuler un fait dont il avait connaissance et qui, si l'acquéreur l'avait connu, aurait empêché ce dernier de contracter, à tout le moins aux conditions prévues ; qu'il convient d'observer que les intimés sont les fils et la veuve d'André X... ;

qu'il résulte des énonciations de l'acte de vente que l'immeuble se trouve édifié sur un terrain qui appartenait en propre à André X... mais que la construction du pavillon a été réalisée par la communauté X.../A... ;

que madame Gilberte A... veuve X..., qui a donc été partie à cette opération de construction et qui a, par conséquent, signé et/ou eu en main les contrats, devis et factures de travaux, ne peut en avoir ignoré les caractéristiques techniques, et spécialement l'emploi d'amiante ciment et d'Eternit, matériaux contenant de l'amiante ;

que Michel et Christian X..., qui ont déclaré à l'expert avoir eux-mêmes assisté à la construction, à proximité de laquelle ils demeuraient, et auxquels, en tout état de cause, l'information détenue par madame X..., mère, a nécessairement été transmise en temps utile, n'ont pu davantage avoir ignoré la présence d'amiante ;

que l'expert judiciaire, qui a visité les lieux et entendu les parties, a indiqué lui-même expressément que les consorts X... ne pouvaient ignorer le risque représenté par les matériaux utilisés pour la construction de ce pavillon ;

qu'il est donc ainsi établi que les intimés avaient connaissance, au moment de la vente, de la présence d'amiante dans les éléments constitutifs de l'immeuble vendu ;

que, à la date de la vente (2002), personne n'ignorait plus les dangers de l'amiante et les risques qu'il faisait encourir, spécialement en cas de travaux ;

que les photographies versées aux débats, dont l'authenticité n'est nullement discutée, montrent que les lieux étaient particulièrement vétustes, de sorte que la nécessité de travaux de rénovation à accomplir par l'acquéreur, à supposer même que Mélina Y... n'ait pas exprimé clairement ses intentions à ce sujet, ne pouvait faire de doute ;

que, en dissimulant à l'appelante l'information dont ils disposaient quant à la présence d'amiante dans les murs et cloisons, les consorts X... lui ont, par là même, dissimulé les risques auxquels elle se trouverait exposée en réalisant des travaux et la nécessité, dans laquelle elle se trouverait, de faire procéder préalablement au désamiantage de l'immeuble, ce qui générerait un surcoût financier important ;

que les devis produits aux débats justifient de ce que les travaux engendrés par la présence d'amiante s'élèvent à plus de 23.000 € ;

que le coût de ces travaux, rapporté au prix d'acquisition de l'immeuble (42.685,72 €), dont il représente plus de la moitié, démontre que Mélina Y... n'aurait manifestement pas acheté aux conditions qu'elle a acceptées, si elle avait eu connaissance de la consistance réelle du bien ;

que la dissimulation par les consorts X... de la présence d'amiante ne peut avoir été fortuite, compte-tenu de l'importance d'une telle information, et revêt nécessairement un caractère intentionnel, tant il est certain que la révélation de cet élément aurait eu une incidence néfaste sur les conditions de la vente ;

que le silence fautif des intimés a vicié le consentement de Mélina Y... et l'a conduite à contracter à des conditions qu'elle n'aurait pas acceptées, si elle avait eu connaissance des charges financières supplémentaires qu'elle aurait à supporter ;

que le comportement des consorts X... est constitutif de réticence dolosive, au sens de l'article 1116 du code civil ;

que le droit de demander la nullité du contrat de vente par application des articles 1116 et 1117 du code civil n'exclut pas l'exercice, par la victime de manoeuvres dolosives, d'une action en responsabilité délictuelle, pour obtenir de son auteur la réparation du préjudice qu'elle a subi ;

que Mélina Y... est donc recevable et bien fondée en sa demande de dommages et intérêts ;

que Mélina Y... justifie par les devis qu'elle produit que les travaux nécessaires au désamiantage de l'immeuble et ceux de remise en état consécutifs aux précédents s'élèvent à :

- devis ATMOSPHÈRE 37 (désamiantage) : 6.741,00 € H.T,

- devis TOURLET (plâtrerie) 3.391,00 € H.T,

- devis BOURDIN (maçonnerie) 11.873.26 € H.T 22.005,26 € H.T, TVA à 19,60 % 4.313.03 €

TOTAL 26.318,29 € TTC, Que la facture de mise aux normes de l'installation électrique ne peut être considérée comme étant liée à la présence d'amiante, la nécessité de tels travaux résultant de la seule vétusté de l'installation ;

Qu'elle sera écartée ;

Que le préjudice de jouissance que subira nécessairement Mélina Y... pendant l'exécution des travaux, dont la durée doit être estimée, non à 7 mois comme le prétend l'appelante, mais, au vu des indications résultant des devis de travaux, à un mois, doit être indemnisé à hauteur de 800 € ;

Que la demande de l'intéressée sera, en définitive, accueillie à hauteur de la somme totale de 27.118,29 € ;

Que les consorts X... seront condamnés, in solidum, à lui payer cette somme » ;

ALORS QUE en retenant que Mme X... âgée de 82 ans lors de la vente connaissait à cette époque l'emploi d'amiante ciment et d'Eternit, matériaux contenant de l'amiante dans le pavillon vendu au seul motif que la construction avait été entreprise par la communauté des époux de sorte qu'elle avait signé et/ou eu en main les contrats devis et factures de travaux, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants pour établir en quoi Mme X... avait la connaissance certaine de la présence d'amiante dans le pavillon vendu ; qu'elle a ainsi violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS EN OUTRE QUE en retenant que MM. X... avaient déclaré à l'expert avoir assisté à la construction du pavillon à proximité duquel ils demeuraient la cour d'appel a encore statué par des motifs inopérants à établir la connaissance certaine qu'avaient ceux-ci de la présence d'amiante dans le pavillon vendu, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS EN TOUT ETAT QUE la cour d'appel qui constatait qu'à l'époque de la vente du pavillon, le 13 février 2002, les vendeurs n'avaient aucune obligation légale d'informer l'acquéreur en matière d'amiante, qui n'avait été introduite que par décret du 5 mai 2002 dont les dispositions étaient entrées en vigueur le 3 septembre 2002, ne pouvait leur reprocher de n'avoir pas donné à l'acquéreur une information à laquelle ils n'étaient pas tenus ; qu'elle n'a pas ainsi tiré les conséquences légales de ses constatations en violation des articles 1116 et 1382 du Code civil ;

ALORS D'AUTANT QUE la cour d'appel ne pouvait, sous couvert d'obligation de loyauté, faire peser sur les vendeurs une obligation d'information sur la présence d'amiante dans la construction du pavillon vendu qui n'avait été introduite que postérieurement à la vente ; qu'elle a ainsi violé l'article 2 du code civil ;

ALORS ENSUITE QUE le dol doit être apprécié au moment de la formation du contrat ;

D'où il résulte qu'en l'absence d'obligation légale de diagnostic amiante au moment de la vente et à défaut pour l'acquéreur d'avoir expressément indiqué dans l'acte de vente qu'elle entendait acquérir un immeuble exempt d'amiante, la cour d'appel ne pouvait, au motif que l'acquéreur avait décidé plus de deux ans après la vente la réalisation de travaux de rénovation supposant un désamiantage, retenir que son consentement avait été vicié lors de la vente par l'absence d'information donnée sur la présence d'amiante ; qu'elle a ainsi violé les articles 1116 et 1382 du Code civil ;

ALORS ENFIN QUE le préjudice constitué par le désamiantage du pavillon n'était pas certain lors de la vente dès lors en effet que les travaux de désamiantage n'étaient pas obligatoires à cette époque, que les vendeurs, qui ne s'étaient pas engagés à livrer un immeuble exempt d'amiante, n'étaient tenus d'aucune obligation d'information et que l'acquéreur n'avait pas expressément exprimé sa volonté d'acheter un immeuble sans amiante ; qu'en condamnant les vendeurs à prendre en charge le coût du désamiantage et des travaux en conséquence, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil. »


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