Magazine Handicap

On marche sur la tête!

Publié le 11 février 2008 par Philippe Barraqué

Samedi 9 février. Nous avons une conférence sur le thème Handicap, un challenge au quotidien au salon Médecine Douce, à Paris-Porte de Versailles. Cesarina a commandé un taxi accessible aux personnes en fauteuil électrique (prix de la course : 50 à 70 euros) car le transport spécialisé PAM n'est pas disponible (le prix de la course aurait été de 6 euros!). 9h30, le taxi arrive mais non accessible au fauteuil électrique. Le chauffeur est adorable et accepte de démonter le fauteuil électrique et de le mettre dans le coffre. On ne lui parlera pas aujourd'hui du rapport Attali! Cesarina se hisse tant bien que mal à l'avant car le fauteuil passager pivote mais ne recule pas (pour autant, le prix de la course ne bougera pas non plus!). Je pars de mon côté en Twingo : on n'est jamais trop prudent, il y en aura au moins un qui arrivera à bon port et assurera la conférence à 11 heures du mat. Vaille que vaille, le taxi se présente devant la barrière de la porte A du centre des expositions : le portier refuse d'ouvrir malgré le macaron "handicapé", car il faut préalablement aller chercher un laisser passer porte D. Cesarina descend sur place: le prix de la course est assez cher comme cela et Kafka attendra!

Zenplanet
Nous nous dirigeons de concert vers le hall 2 où les premiers effluves d'huiles essentielles nous ramonent les narines. La salle 4 est située au fond du hall, bien planquée, et l'estrade n'a pas de plan incliné pour accueillir un fauteuil électrique. C'était bien la peine de prévenir les organisateurs quinze jours à l'avance! La gentille animatrice nous dit qu'elle va faire "remonter nos observations". Où? - On ne sait pas, mais il est évident qu'on n'en entendra plus parler. Nous serions aux USA, les organisateurs viendraient s'excuser, trouveraient une solution. En France, nothing! c'est la débrouille, le système D, l'incapacité à se mettre, ne serait-ce qu'une seconde, à la place de l'autre. Mais, pensée positive oblige, nous commençons la conférence. La salle est clairsemée mais attentive : elle prend des notes, elle opine de la tête, elle s'indigne, elle compatit, elle prend des photos. Peu de monde? - C'est normal. C'est le salon des bobos où chacun vient soigner ses petits bobos. Alors le handicap leur est aussi étranger qu'une bonne rasade de Pommard. S'en suit une séance de dédicace sur un stand de produits "balnéo" : on fait un peu tâche parmi les bulles de savon et autres réjouissances fluidiques du SPA. Passons.

On marche sur la tête dans ce "doux" pays gaulois. Plus on s'enfonce dans la crise, plus les gens se crispent, se bousculent, se piétinent.

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  Aujourd'hui, il y a à la rubrique "faits divers", Aurore, une jeune femme handicapée, insuffisante respiratoire. Comme son fauteuil électrique n'entre pas dans l'ascenseur de son immeuble, elle avait pris l'habitude de le ranger à la cave, avant qu'un odieux automobiliste n'en bouche systématiquement l'accès. Intervention des services municipaux, de la police, en vain, ce barbare alla sonner chez sa victime expiatoire et lui asséna un coup de poing en pleine face. Bilan : mâchoire fracturée et une douleur lancinante qui s'ajoute à celle du handicap. J'ai honte de certains français.

Autre chiffre inquiétant. Le numéro vert 3977 pour lutter contre la maltraitance des personnes handicapées ou âgées, a été lancé il y a quelques jours. La moyenne est de 500 appels journaliers pour dénoncer des maltraitances dans le milieu familial (80% des appels), dans les institutions, etc. Ce chiffre montre combien la société française a des progrès à faire et l'évidence que chaque acte citoyen compte pour faire reculer ces maltraitances. Car nos silences, nos yeux trop souvent fermés sur des évidences, nous renvoient à une réalité fort désagréable : ce que nous ne voulons pas voir aujourd'hui, ce que nous feignons d'ignorer, arrivera peut-être demain à vous, à moi. Quand nous serons vieux, dépendants, déficients, nous l'attendrons, nous aussi, la voix amie au bout du fil, l'aide d'un voisin, la visite d'un anonyme. Rien de ce qui est humain ne doit nous être étranger.

Philippe Barraqué

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