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Kramer contre Kramer à Téhéran

Par Borokoff

A propos d’Une séparation d’Asghar Farhadi 4 out of 5 stars

Leila Hatami, Peyman Moadi - Une séparation d'Asghar Farhadi - Borokoff / blog de critique cinéma

Leila Hatami et Peyman Moadi

A Téhéran, Nader doit s’occuper de son père, atteint de la maladie d’Alzheimer, de sa fille de 11 ans et de sa femme qui vient de demander le divorce. Un jour, Nader se dispute avec l’aide soignante de son père et la pousse violemment en dehors de chez lui. Enceinte, cette dernière fait une fausse couche et décide de porter plainte contre Nader pour homicide involontaire. Devant le juge, Nader nie qu’il savait qu’elle était enceinte…

Chronique familiale en forme de drame intime, Une séparation oppose deux familles au rang social différent. L’aide soignante, dont le mari est au chômage, est issue d’un milieu pauvre. Très croyante, elle habite avec sa fille de quatre ans et son mari, un ancien cordonnier, à l’autre bout de la ville. Nader quant à lui vient d’un milieu social plus élevé. La caméra d’Asghar Farhadi, plantée au milieu du décor, saisit tout des affects de ses personnages (poignante scène où Nader lave son père). De la souffrance muette de la fille de Nader à celle de ces parents qui s’entredéchirent et n’épargnent rien à leurs enfants, Farhadi multiplie les (gros) plans pour insuffler du rythme, filmant d’un point de vue omniscient et réaliste ces deux familles qui s’embrasent de l’intérieur et entre elles.

Une séparation d'Asghar Farhadi - Borokoff / blog de critique cinéma

La grande réussite du film réside dans le nombre de portes par lesquelles on peut y entrer. Différentes strates, différents niveaux de lecture, d’interprétations par lesquelles on peut aborder Une séparation. Une force à laquelle s’ajoute une narration brillante, un scénario implacable, une mise en scène tendue.

Si l’on peut regarder le film du point de vue de la fille de Nader et du traumatisme suscité chez elle par le divorce de ses parents (on pense à Kramer vs Kramer), ce qui semble pus particulièrement intéresser Farhadi, c’est la question du mensonge et de la vérité. Ces deux familles, à un moment donné, vont pratiquer le mensonge pour « sauver leur peau ». Mais au final, regretté d’avoir menti.

Le personnage de l’aide soignante est sans doute le plus fouillé  psychologiquement. Tiraillée par sa religion, le poids de ses croyances, l’aide soignante refuse dans un premier temps de laver le père incontinent de Nader (sublime Ali Asghar Shahbazi), ce qu’elle pense être un pêché et qui donne lieu à une scène cocasse où elle téléphone pour demander à l’Imam si elle a le « droit » de la faire.

Peyman Moadi - Une séparation d'Asghar Farhadi - Borokoff / blog de critique cinéma

Peyman Moadi

C’est pourtant elle qui va mentir sur la cause de sa fausse couche, voulant dans un premier temps extorquer de l’argent à Nader et combler les dettes de son mari acculé. Mais la culpabilité et le poids de son pêché la feront revenir en arrière. Nader aussi a menti, qui a juré ne pas savoir que cette femme était enceinte alors qu’il a surpris une discussion où elle le disait. Par amour pour sa fille qui le supplie, dira-t-il la vérité ?

C’est une autre force du film de savoir mélanger les genres dans un scénario très abouti, avec de nombreux rebondissements. On passe du drame familial  à un quasi-polar « agathachristien » où chacun tente de démontrer la culpabilité de l’autre. Et dans cette destruction massive, l’onde de choc est terrible pour la fille de Nader dont les parents se déchirent sous ses yeux.

On peut reprocher à Farhadi, au-delà des réussites de son film, d’avoir brossé un peu superficiellement  certains personnages, notamment ceux de Nader (Peyman Moadi) et de son épouse (Leila Hatami), « bobos » iraniens un brin « clichés » comme cette aide-soignante aux allures de madone. Mais Une séparation offre un regard différent sur la femme iranienne. Loin du stéréotype de la femme en tchador condamnée aux tâches domestiques. Et à se taire…

www.youtube.com/watch?v=5cY4CahvZY8

Film iranien d’Asghar Farhadi avec Leila Hatami, Peyman Moadi, Shahab Hosseini, Sareh Bayat, Babak Karimi (2 h 03). Les deux précédents films d’Asghar Farhadi, La Fête du feu et A propos d’Elly, ressortent sur les écrans le 6 juillet.

Scénario : 4 out of 5 stars

Mise en scène : 4 out of 5 stars

Acteurs : 4 out of 5 stars

Dialogues : 4 out of 5 stars


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