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Portrait de Claire Alary, artiste peintre

Publié le 11 décembre 2009 par Etaron
Portrait de Claire Alary, artiste peintreClaire Alary est née à Paris en 1958. Après de multiples déménagements dûs à la profession du père, receveur des Postes, elle s'installe à Angers pour suivre les cours de l'école des Beaux arts dont elle sort diplômée en 1984. Également titulaire d'une maîtrise d'arts plastiques et d'un DEA Arts plastiques de l'université Rennes II, elle donne des cours notamment à l'école des Beaux arts d'Angers. Actuellement elle vit et travaille à Savennières, petit village niché au bord de la Loire, comme peintre et plasticienne. Elle expose régulièrement ses travaux en France, en Allemagne et aux Pays Bas. L'une de ses dernières expositions a eu lieu au grand Théâtre d'Angers dans le cadre des Accroche cœurs.Enfant elle hésitait entre être Picasso ou danseuse étoile, puis la nécessité de peindre s'est faite impérieuse, d'abord comme béquille psychologique puis comme une évidence, naturellement "sans faire de choix", peut être parce qu'elle ne voyait pas ce qu'elle pouvait faire d'autre.Sa peinture parle de ses voyages réels ou imaginaires. Elle travaille des médiums aussi divers que le collage, le vitrail, la peinture, la gravure, l’image numérique, le bogolan et tout récemment la terre.Portrait de Claire Alary, artiste peintreVitrail du soir au matinTout peut prendre sens dans son travail dans la mesure ou cela sert son besoin de créer des formes, non pas nouvelles mais au contraire reconnues et reconnaissables, une femme, un arbre, des organes, un crapaud... un monde en perpétuel renouvellement, des formes archaïques qui jaillissent de la matière gravée, striée, malmenée.Je vous livre ici l'entretien réalisé dans son atelier au début du mois de décembre 2009.Portrait de Claire Alary, artiste peintrePortrait de Claire Alary, artiste peintrePourquoi peintre et pas sculpteur ou photographe ou cinéaste? :Quand je suis entrée aux Beaux Arts, je me destinais à une carrière d'illustratrice de livres pour enfants. Puis je me suis rendue compte que ce n'était pas ma voie, parce que cela m'est apparu réducteur. Je voulais m'interroger sur ce qu'est la peinture, l'acte de peindre.Portrait de Claire Alary, artiste peintremasque bogolan 1Ce qui m'intéresse c'est ce que j'appelle "la cuisine", le "faire", travailler avec la matière, les composants. On peut tout maîtriser avec la peinture sans avoir besoin de personne avec une remise en question quasi-permanente même si on peut être tenté de se reposer sur certains acquis. Je suis en recherche permanente, en questionnement sur la peinture en tant que telle. J'aime aussi le côté travailleur solitaire qui mène son travail de A à Z.Qu'est-ce qui te motive? :Se trouver soi-même. Henry Miller disait que certains se trouvaient rapidement alors que d'autres avaient besoin de chemins plus longs, sinueux, tortueux. Je n'ai pas l'impression que je peux aller au cœur tout de suite. Peut être que je m'arrêterais de peindre quand je me serais trouvée, ce qui n'est pas près d'arriver à mon sens. (éclats de rire)Portrait de Claire Alary, artiste peintreSabbat à LascauxAvec le temps, je me suis rendu compte qu’en réalité et depuis toujours, j’étais mon propre sujet.Mon expérience, ma vie, nourrissent ma peinture. Ce n’est pas par exagération ou pour faire une figure de style que je dis cela, c’est tout simplement parce que je ne peux pas penser à ma peinture sans évoquer ma vie. Les choses se sont mêlées au point que des choix de vie ont déterminé des choix de peintre et qu’inversement des choix de peintre ont plusou moins influencé ma vie quotidienne. Je n’irai pas jusqu’à dire comme l’on fait des artistes avant moi que l’art c’est la vie, mais j’aimerais bien que cela soit le plus vrai possible…Je ne cherche pas à apporter des idées neuves ou inédites et mes peintures ne sont pas particulièrement novatrices. Elle sont à mon image, c’est à dire différentes de ce que vous feriez tout simplement parce que mon cerveau imprime les choses différemment, et que j’ai une histoire différente.Portrait de Claire Alary, artiste peintreVoyages (gravure)J’aime bien comparer mon cerveau au lit d’une rivière parce que mon vécu se superpose comme des sédiments et que ma main cherche à l’intérieur comme le pêcheur qui espère avec patience sortir un poisson de l’eau. Le pêcheur manque souvent sa prise mais il ne se décourage paspour autant. Le geste est aussi important que la prise…Quel est le point de départ d'un tableau s'il y en a un? :Cela peut être des obsessions, quelques mots qui reviennent avec insistance.D'autres fois il n'y a rien, pas d'idée, pas d'image, sans envie. C'est presque préférable. Je peux comparer cela à la graine plantée dans l'humus qui va croître, on se contente de l'arroser, la diriger. C'est à partir de cet embryon que je travaille.Peindre c'est ordonner un chaos. Je ne suis pas le médium qui retranscrit sur un écran une image qui préexisterait dans ma tête ou ailleurs. J'avais ce sentiment étant plus jeune, ma main était guidée, mais ce n'est plus ma posture. On est à l'intérieur d'un chaos et on a besoin d'ordre car on est submergé par ce qui nous entoure. Plus jeune, cela s'apparentait à un combat, j'ignorais ce qui me forçait à combattre et contre qui je me battais. Quand je dis mettre de l'ordre c'est éliminer et choisir ce que je veux garder et mettre dans mes toiles.Portrait de Claire Alary, artiste peintreIl m'arrive d'utiliser des photographies comme amorce de mon travail, comme pour la série des paysages. Pour l'une d'entre elles, je me suis inspirée de deux photographies en noir et blanc prises au Mali en pays Dogon. J'étais en haut d'une falaise où je dominais tout le paysage et où j'étais aspirée par la beauté et la grandeur de celui-ci. Sur la photo tu as l'impression d'être au-dessus comme si tu étais dans une montgolfière mais aussi presque dedans, puisque tu distingues les maisons, les détails. Ce jeu avec la perspective m'a intéressé. J'ai bien sûr modifié ce que l'on voit sur les photos, les dessins préparatoires étaient plus proches d'elles que ce que l'on voit sur la toile. Les deux perspectives figurent comme point de départ mais à la fin il ne reste plus grand chose des paysages originels. Il y a plusieurs points de vue comme si on voyageait et dans le paysage et dans la toile.Portrait de Claire Alary, artiste peintreCe que je voulais également c'était travailler avec la matière, ici le latex et la cendre. La cendre, très fine est volatile et peut se mélanger facilement avec des tons chauds mais aussi avec les froids. Au centre de la toile il y a ce que j'appelle la pierre, qui a son histoire propre puisque cette forme renvoie à une pierre qui m'a été donnée par un artiste rencontrée par hasard en Bretagne et qui en se fendant a révélé une structure de type ferreux en son sein. C'est un peu comme de la magie , comme s'il m'avait révélé quelque chose mais après coup. Je le vois comme une transmission. Dans la toile elle a un peu plus l'apparence d'un mégalithe, d'un totem mais aussi elle ressemble à une présence féminine. On pourrait y voir une femme qui descend la colline mais qui serait mariée à l'image du feu, du volcan, de la lave que m'évoquait au départ la pierre quand je l'ai reçue. Ce n'est pas le résultat d'une réflexion, je ne pensais pas particulièrement à cette forme au moment où j'ai commencé à peindre cette toile puis l'idée de la pierre est arrivée et s'est imposée. A l'origine, je ne pensais qu'à la lave, à cette idée d'île, d'obstacle qui nous empêche d'aller de l'autre côté.Est-ce que tu travailles vite?Ici, le travail a été rapide car j'ai peint ce tableau en trois heures environ. De toute façon, je travaille plutôt vite même si je retravaille certaines parties. Je ne suis pas capable d'analyser la genèse de cette forme que j'ai travaillée pour qu'elle ne figure pas un trou mais un plein intrigant, avec sa part de mystère.Dans presque toutes mes toiles en ce moment je m'aperçois qu'il y a une forme qui s'impose alors qu'elle ne devrait pas être là. Cela peut être du zinc, où là des pieds.Je m'arrête quand je sens que le tableau est fini mais je me trompe parfois. C'est seulement quelques années plus tard que l'on sait si on avait raison. Je ne peux pas revoir certaines toiles. Elles ne me satisfont plus alors que d'autres vont garder une certaine valeur à mes yeux. Encore qu'il soit difficile d'être pleinement satisfaite par ce que je peux produire. Mais certaines ont tellement de manques qu'avec le temps, les imperfections me sautent aux yeux.Portrait de Claire Alary, artiste peintreTotemIl m'est arrivé de ne pas reconnaître un tableau qui était accroché chez quelqu'un. C'est rare que je sois complètement détachée d'une œuvre. Ainsi quand je me suis retrouvée chez un collectionneur qui me montrait les dommages subis par un tableau j'ai éprouvé une véritable souffrance presque physique alors que j'avais oublié cette toile. D'une manière générale je suis gênée de me retrouvée face à un de mes tableaux lorsque je dîne chez des amis. J'ai envie de le regarder sans arrêt, de tout changer.Comment caractérises-tu ta peinture? :Pour moi, ma peinture est figurative. Mais quand on me posait cette question il y a une dizaine d'années je répondais abstraite et pourtant c'était tout le contraire. Maintenant je réponds figurative. C'est de la figuration.Portrait de Claire Alary, artiste peintreJ'ai eu, comme beaucoup, des maîtres ou du moins j'ai été influencée par des peintres, notamment par Kandinsky, Alechinsky, Dubuffet, mais l'influence n'est pas forcément directe. Par ailleurs, je donne également des cours et à ce titre je visite l'œuvre de peintres qui, au départ, ne m'attirent pas particulièrement comme Soulages par exemple. Plus je parcours son œuvre plus il m'intéresse et cela ne me laisse pas indifférente. Il y a, a contrario, des peintres que j'aime comme Matisse mais je ne suis pas certaine qu'il ait eu une influence sur ma production. Certains tableaux m'ont impressionnée comme" L'enlèvement des Sabines" mais je ne saurais pas analyser ce que cela provoque en moi.Il y a ceux qui m'ont accompagnée longtemps comme "L'île des morts" d'Arnold Böcklin.Portrait de Claire Alary, artiste peintre Ce tableau me fascine et m'intrigue. Il y règne quelque chose d'étrange, d'intemporel, de magique; le temps, l'espace n'existent plus car l'île est au loin et on a l'impression d'y être presque. L'espace est à la fois clos et ouvert, cela me fascine. Pourquoi avoir envie d'aller sur cette île car il n'y a rien puisqu'il y a que des morts et pourtant, elle nous attire. Le tableau garde tout son mystère. Ce paysage m'est revenu à l'esprit en peignant dernièrement.Longtemps j'ai eu peur que le monde environnant ne vienne me perturber dans ma façon de peindre, je me protégeais mais ce n'est plus le cas maintenant. Je peux regarder les choses, affronter ce qui se produit dans le monde même si c'est très violent.Est-ce que l'on retrouve ce monde dans ta peinture? :Dans certaines toiles, l'extérieur est venu s'immiscer mais l'actualité non. Je ne sais pas faire une peinture militante et cela ne m'intéresse pas. Je ne suis pas ancrée dans le social ni dans le politique. Je m'intéresse plus aux individus qu'aux mouvements sociaux. L'intériorité, l'aspect mystique m'attirent davantage que le côté temporel. Le débat sur la place de la peinture aujourd'hui, son utilité, sa mort annoncée ne me passionne pas non plus.Portrait de Claire Alary, artiste peintreJe m'ouvre aux autres médiums comme la sculpture, le land art mais je suis toujours attirée par une réflexion sur l'homme. Je peux transposer ma problématique à travers un autre outil mais je ne veux pas parler de la nature en tant que telle si on prend l'exemple du land art. Ainsi j'ai un projet appelé "Les arbres zingués" où les arbres se retrouveront affublés de corsets en fer. Il y a un sens, ils auront une double peau les protégeant et les emprisonnant à la fois, ce n'est pas qu'esthétique. Je ne me reconnais pas non plus dans la peinture de Morellet, ou de Vasarelly qui est à mon sens loin de l'homme et plus proche des mathématiques.Portrait de Claire Alary, artiste peintreJe ne me sens pas proche non plus de certains artistes femmes qui adoptent une posture féministe, alors que je suis d'accord avec les revendications mais la question de la place de la femme dans notre société ou dans l'art m'est étrangère. Ce n'est pas cette mise en danger qui me motive. Je trouve les travaux de Louise Bourgeois intéressants car il y a une problématique disons féministe mais pas uniquement, il y a de l'universel dans son art. La féminité ou la condition féminine sont transcendée comme le faisait Niki de Saint Phalle au début. Ce qui me gêne c'est l'étalement pur et simple même si je comprends tout à fait que l'on puisse utiliser ce moyen de s'exprimer mais il ne me correspond pas en tant qu'artiste.Est-ce que le lieu où tu peins a une importance?Portrait de Claire Alary, artiste peintreLe fait d'avoir un nouvel atelier a modifié ma manière de peindre puisque je peux utiliser des formats beaucoup plus grands qu'avant, plus haut , plus larges aussi. Je suis libérée de certaines contraintes. J'ai pu ainsi utiliser un châssis qui était hors service à cause de ses dimensions.Cela concorde au début des travaux sur le paysage.Portrait de Claire Alary, artiste peintreTes toiles ont-elles toujours un titre?Oui, toujours. Le titre apparaît à la fin, parfois longtemps après. Il sert à plusieurs choses,la nommer pour pouvoir s'en souvenir, l'identifier,et à préciser ton idée. Rarement pendant l'exécution sauf pour la toile que j'ai nommée "Au dessous du volcan" en référence au roman de l'écrivain britannique Malcolm Lowry. J'y ai pensé pendant que je travaillais, dans le livre on a le sentiment que quelque chose va arriver, que quelque chose va éclater, il y a un bouillonnement perceptible que je voulais retrouver sur la toile, quelque chose qui se cristallisait.Je peins sur d'anciennes toiles que j'ai gardées et qui ne me satisfont plus. Là dessous, il y a une femme monstre comme on peut en retrouver dans certaines peintures aborigènes, personnage radiographié avec des membres qui se dirigent dans plusieurs directions. Avant encore, il y avait un cerveau.Restent-il des traces? :Oui, ces vibrations de couleur, ces sommets qui émergent des toiles précédentes. C'est ce contenu sous-jacent qui intrigue et attirPortrait de Claire Alary, artiste peintree le regard. Les pieds proviennent d'une autre toile intitulée "Les pieds bleus" mais ces derniers étaient en bas et c'est en retournant la toile que cette vision des pieds en haut de la toile s'est imposée. En fait, là on peut dire qu'une toile en a amenée une autre.Pour les dernières toiles j'ai envie de dire qu'elles sont venues à moi car au départ ce n'est pas ce que je voulais faire. Il devait y avoir des formes organiques d'où sortaient des formes vitales. On y voit un noyau avec un jaillissement qui m'a échappé lors de la réalisation. Puis quand je l'ai retravaillé la vision de L'île des morts de Böcklin s'est interposée et cela explique cette perspective écrasée.ExPortrait de Claire Alary, artiste peintrepositions récentes :Grand Théâtre d' AngersMusée de Norden (Allemagne)Résidence "la source"Galerie Peinture fraîche ParisBiennale de Douala (Cameroun)Galerie WBZ, Norden (Allemagne)Commande de Sea France pour le ferry Berlioz

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Par Claudine Chambaud
posté le 24 juillet à 15:06

Bonjour, nouveau concept d'exposition sur le web www.icidexpos.com bonne visite amicalement Eddie.

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