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Des dés pipés

Publié le 20 juin 2011 par Malesherbes

Après l’arbitrage rendu dans l’affaire opposant Bernard Tapie et le CDR, structure de défaisance du Crédit Lyonnais, la Cour des comptes a publié un rapport fort critique et le procureur général près la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, a rédigé une note tout aussi sévère. J’ai évoqué ces textes dans deux billets précédents. Le site Médiapart a publié il y a quelques jours plusieurs analyses mettant en évidence une autre anomalie troublante de cet arbitrage et je tente d’en faire une synthèse ici.

J’ai pu lire dans certains documents que les arbitres devaient être indépendants des deux parties soumises à l’arbitrage. Cette formulation n’est pas tout à fait exacte. En fait, les arbitres doivent révéler s’ils sont déjà intervenus dans le dossier faisant l’objet de l’arbitrage et s’ils sont intervenus en qualité d’arbitre dans quelque procédure concernant l’une des parties de l’arbitrage.

En fait, le 3 novembre 2008, le président du CDR a informé son conseil que Maître Maurice Lantourne, avocat de Bernard Tapie, avait réglé 12.060 francs avec, selon la Cour, « comme justificatif de la dépense, un rendez-vous avec M. Estoup le 30 juin 1999 et une note à M. Estoup le 3 juillet 1999 ». Or M. Pierre Estoup, premier président honoraire de la cour d'appel de Versailles, est l’un des trois arbitres ayant jugé cette affaire.

En 2001, Pierre Estoup, à la demande de Maître Maurice Lantourne, a aussi participé en 2001 à un deuxième arbitrage. Même si « deux consultations rédigées par des universitaires spécialistes de l'arbitrage ont conclu au non-respect de l'obligation de révélation étendue », la récusation de l’arbitre n’avait pas été demandée.

M. Estoup a accepté de répondre au téléphone à Médiapart. Lorsque le journaliste lui rappelle que l’obligation de « révélation étendue » lui imposait de déclarer, parmi ses relations avec les avocats, également ses relations avec les avocats, il répond, candidement : « Je n’y avais pas pensé ». Lorsque votre participation à un arbitrage peut vous rapporter 300.000 euros, il est en effet difficile de vous rappeler de mentionner tout ce qui pourrait vous empêcher d’être retenu.

Et lorsque Médiapart demande à Maître Lantourne pourquoi il n’avait pas été mentionné que, à sa demande, M. Estoup avait été désigné comme arbitre dans un autre arbitrage en 2001, l’avocat répond : « cet arbitrage avait été défavorable à mon client… ». Ahurissant ! Il n’y aurait donc une relation qu’en cas de succès. Sinon, ce ne serait que mondanités et causeries.

Si l’on considère les 240 millions d’euros de réparation versés à MM. Tapie et surtout si l’on compare les 45 millions d’euros pour préjudice moral aux sommes versées à des accidentés ou des victimes d’erreurs médicales ou judiciaires, il y a de quoi être horrifié.

Le 10 juin, la Commission des requêtes de la Cour de justice de la République a reporté au 8 juillet sa décision sur la demande de Jean-Louis Nadal. Philippe Bilger s’est vigoureusement étonné de ce délai qui, sans doute fort opportunément, repousse cet obstacle après la nomination du nouveau Directeur général du FMI et permettra en outre d’être affranchi de Jean-Louis Nadal, parti en retraite fin juin. Car, comme l’écrivait dans Le Monde du 3 juin Maître Charrière-Bournazel : « Le doute est permis à la défense, même si l’accusation est au-dessus du doute. Cela étant, la France risque-t-elle, pour ce mauvais procès, de voir lui échapper la présidence du Fonds monétaire international ? ». Cette mâle déclaration appelle quelques commentaires, mais ils seront pour un autre jour.


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