Magazine Culture

#33 - Sur les nerfs

Par L3ctro

33 - Sur les nerfs

Dimanche 16 novembre 2008 – 13h21
Phoenix, Etats-Unis

   Julian sonna à la porte de l’immeuble du 23, Evergreen Street, sur le bouton désignant « 4b - Frank Digger » pour la troisième fois sans réponse. Commençant à s’énerver, il vit le voisin de Frank, Mr. Applewick, un vieil homme veuf d’une quatre-vingtaine d’années, apparaître au tournant des escaliers. S’accrochant péniblement à la rampe d’escalier, il descendit les marches prudemment, ses os n’ayant plus la solidité qu’ils avaient pu avoir autrefois.

Julian attendit qu’il descende toutes les marches avant de lui demander de lui ouvrir la porte. Une bonne minute passa, et Mr. Applewick réussit enfin à descendre la dernière marche. Sans jeter un œil à la porte, il s’approcha des boîtes aux lettres, en sortant une clé de sa poche, la main tremblotante. Julian frappa contre la vitre de la porte d’entrée, en faisant signe d’ouvrir la poignée, mais le vieillard ne se retourna pas, occupé à sortir son courrier.

Alors qu’il commençait à revenir sur ses pas, vers l’escalier, la concierge de l’immeuble arriva derrière Julian et inséra sa clef dans la porte.

-   Ah, Bonjour, lança-t-elle. Vous venez voir Frank ?

-   Oui, mais il ne répond pas à l’interphone.

-   Vous êtes sûr qu’il est là ?

-   Il est en repos aujourd’hui. Je vais aller jeter un œil.

La femme acquiesça, et lui ouvrit la porte. En entrant, elle se mit à crier :

-   Bonjour, monsieur Applewick !

Celui-ci, presque arrivé au niveau de l’escalier, se retourna, croyant entendre quelque chose, esquissa un sourire, puis reprit sa route, lettres à la main.  Julian se hâta à tenter de passer devant le vieil homme, mais celui-ci était déjà en train de gravir la première marche.

Dix minutes plus tard, Julian arriva au quatrième étage. Il se dirigea vers la porte de l’appartement de Frank, sur laquelle étaient posés les caractères « 4b » en lettres dorées. Julian se positionna sur le paillasson, frappa à la porte, sans réponse.

-   Frank, ouvres, je sais que tu es là !

Après un deuxième essai non concluant, Julian sortit une clé de sa poche, l’introduisit dans la serrure, et entra dans un appartement silencieux et sombre. Il se dirigea vers le salon, où il ouvrit les rideaux jaunes moutarde, faisant subitement pénétrer une grande luminosité dans la salle, à tel point que Julian cligna des yeux plusieurs fois, avant de retrouver la vue.

Discernant peu à peu les formes dans la pièce, Julian vit que Frank était couché sur le canapé, sous une couverture, immobile. Il vint s’asseoir sur le fauteuil, tout près du canapé. Le contact entre le cuir du manteau et du meuble provoqua un grincement désagréable, auquel Julian s’empressa de mettre un terme en retirant son manteau.

Bongo, le labrador de Frank, était couché là, sur le tapis, près de la table basse, et regardait Julian d’un air vide. Les deux se contemplèrent un moment, jusqu’à ce qu’un élan d’énergie conduisit Bongo à soupirer.

En même temps, Frank se redressa et s’assit correctement. Ses yeux étaient injectés de sang, et une barbe de trois jours commençait à pousser.

-   Ça va, vieux ? lança Julian.

Frank le regarda, passa la main sur sa figure.

-   J’ai pas réussi à dormir, répondit-il.

Julian vit une bouteille de whisky, sur la table basse, un verre à côté.

-   Tu t’es remis à boire ?

-   Non. J’ai pas été aussi bête.

Il bailla, marqua une pause, puis reprit.

-   Vous pouvez pas me forcer à prendre un jour de congés, comme ça. J’ai besoin… de trouver Bentham. C’est ma vie, ce boulot.

-   Écoute…

-   J’en ai marre, putain ! Tout va de travers ! On dirait qu’il y a une sorte d’entité qui se déchaîne sur moi, jour après jour depuis trois ans ! J’en viens à me demander ce que j’ai fait pour mériter ça !

-   C’est pas ta faute, Frank…

-   Elle est morte, Julian, lança Frank, désespéré, au bord des larmes. Elle est morte, et depuis, plus rien ! Je fous tout en l’air, je…

-   Tu t’en sors très bien, Frank. Beaucoup de gens auraient pété un plomb après ce qui t’es arrivé.

-   On a une liste, Julian ! On a une liste, ça n’a jamais été aussi facile, dans une enquête ! On sait qui sont ses cibles, mais on ne peut pas l’arrêter !

-   Je…

Frank se leva d’un coup, énervé, fatigué, abattu.

-   Deux morts ! Deux sont morts dans mes bras, sans que j’ai rien pu faire ! Jamais, jamais, je te le dis, moi vivant, jamais il s’en sortira !

Julian ne savait pas quoi faire. Un air compatissant se lisait sur son visage, et, voyant Frank perdu, il reprit la conversation :

-   Quoi qu’il en soit, j’ai des nouvelles.

Frank se tourna vers Julian.

-   Les composés chimiques ayant servi à abattre les cinq premières victimes présentent de nombreuses ressemblances. Mais il est tellement compliqué que les experts n’ont pas encore réussi à totalement le comprendre. C’est totalement nouveau, et certains composés sont extrêmement rares.

Frank réfléchit.

-   Comment un simple garagiste ayant purgé une peine de vingt ans de prison a-t-il pu y avoir accès ? lança-t-il.

-   C’est toute la question, répondit Julian.

-   C’est… c’est bizarre quand même, lança Frank en se rasseyant.

-   De quoi ?

-   J’ai revérifié le dossier du procès. C’était foireux. Apparemment, personne n’était convaincu de sa culpabilité, jusqu’à un jour où tout le monde est tombé d’accord. Neuf personnes basculant d’avis en un jour, ça me paraît bizarre… Imagine, il y a eu trucage dans ce procès. Bentham est innocent, il apprend qu’une des personnes du jury a truqué le procès. Vingt ans plus tard, il pète un câble et tue chacun des jurés… Mais pourquoi avec des composés chimiques ? Tu crois qu’on essaie encore une fois de lui faire porter le chapeau ?

-   J’en sais rien. Mais tu sais que tes théories se tiennent, des fois ?

Frank se mit à sourire.

-   Ah, enfin, un sourire. Bon. On a localisé trois des quatre jurés restants. Un a Phoenix, un autre en Californie, un dernier à New-York.

-   Et le quatrième ?

-   Vera Lemmin. Elle habite en Allemagne, mais a pris récemment un vol pour Tokyo.

-   Ca offre une certaine sécurité.

-   Oui, je l’ai eu hier au téléphone, mais depuis elle est injoignable. J’ai envoyé deux policiers sur place mais ils ne la trouvent pas.

-   Bon. Et bien je crois que l’on va réserver deux places pour le Japon.

Chapitre précédent
Chapitre suivant

Dernier chap pers
prochain chap pers gris


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


L3ctro 8 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog

Magazines