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Osez le clito: pour ne pas s’en foutre

Publié le 23 juin 2011 par Vogelsong @Vogelsong

“Non mais cette affiche, on dirait une illustration pour des steaks de Dindonneau” Un commentaire sur Twitter le 21.06.2011

L’association “Osez le féminisme” a lancé une campagne d’affichage dont la controverse va au-delà des luttes intestines aux mouvements féministe, des jalousies ou des règlements de comptes politiques. À se demander si les instigateurs du projet ne voulaient pas saborder purement et simplement la cause. La trichromie placardée sur les murs de la capitale, par son aspect “cheap”, ses traits simplistes, presque naïfs défient les canons de la communication politique moderne. Car au premier abord, “Osez le clito” par ce design archaïque rappelle une affiche d’agit-prop gauchiste. Dans le slogan, l’image, hors du réel. Pas de quoi, apparemment, fédérer autour du sujet : “Le plaisir féminin”. Pourtant, cet idéogramme en forme de maison au centre du monde, tout à fait inattendu, remplit parfaitement sa mission. Faire parler, choquer. En d’autres termes, oser (faire) aborder le sujet.

Osez le clito: pour ne pas s’en foutreL’affiche d’“Oser le clito”, si on veut bien s’en donner la peine, rappelle que le féminisme est consubstantiel à la Politique. Que l’on ne peut aborder les rapports de soumission dans la société sous l’angle irénique du dialogue consensuel. Un rapport consensuel qui prend une certaine forme, un standard contemporain de la publicité. Comment casser le cadre de la propagande urbaine en affichant sa rupture hors des codes employés pour les campagnes consuméristes ? Et ce, en montrant des vagins. Comment sur la forme s’affranchir des archétypes de la femme au parfum du papier glacé ? Les commentateurs déçus, en particulier féministes (les opposants au féminisme n’attendent rien de toute façon) auraient espéré une image plus fédératrice et moderne. Ce véhicule (moderne et fédérateur) d’ailleurs existe déjà puisqu’il est publié à des centaines de milliers d’exemplaires dans les magazines féminins. On connait les résultats. Des magazines qui au lieu d’afficher des vulves sur les murs des métropoles se contentent de cosmétiques pour lèvres pulpeuses. Des vecteurs de standardisations d’images de la femme qui ont colonisé l’univers mental de certains progressistes eux-mêmes.

Osez le clito: pour ne pas s’en foutreRevenir au plaisir du clitoris, c’est s’en prendre au dernier maillon de la chaîne de domination mediatico-sexuel, le pornographique. Quoi que l’on puisse en penser, cette industrie s’attache essentiellement aujourd’hui à faire jouir les hommes. Un univers glabre, de muscles parfaitement cliniques. Dans ce contexte, la toison frisée de l’affiche “Osez le clito”, vient au réel. Dans ce réel notamment, où on a vu jusqu’où on ne pouvait aller trop loin. Veet, multinationale de l’épilation, dealer mondial des galbes parfaits, a voulu convertir une génération d’adolescentes au rasage intégral grâce à une campagne de publicité très ciblée intitulée “tout doux mon minou”. Le projet avorta, mais la tentative de ralliement au modèle industriel du « porno » est là. Un modèle industriel où tout est marchandise, même les comportements épilatoires et les fétichismes.

De là à affirmer que l’affiche “Osez le clito” touche juste ? En tout cas, elle produit un effet. En écartant le consensus esthétique globalisant. Si on se donne la peine d’y voir autre chose qu’une publicité pour de la viande. Dans un Spectacle qui confond trop souvent belles représentations de choses et représentations de belles choses. En l’occurrence une symbolique imparable grâce à quelques traits. Comme l’éloge au minimalisme dans un trop-plein de glamour sur papier glacé. Cette affiche alors n’est ni archaïque, ni moderne, mais dans la gueule du spectateur.

Le féminisme est politique, de gauche, progressiste et subversif. Car il s’agit d’aller à l’encontre des forces de dominations sociales. Qui ont colonisé la plupart des vecteurs informatifs. Trouver donc un interstice de communication dans la logorrhée visuelle contemporaine relève du challenge. Loin du consensus, cette campagne, néanmoins, permet d’entrer dans la problématique du plaisir strictement féminin (et au regard de celui de l’homme). Pour ne plus s’en foutre.

Vogelsong – 22 juin 2011 – Paris


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