Magazine Beaux Arts

Cette salope de Clytemnestre.

Par Abdesselam Bougedrawi @abdesselam

Cette salope de Clytemnestre.

C’est une répugnance démesurée qui dure depuis des millénaires envers une femme qui n’a probablement jamais existé. Son tort avoir commis « un seul crime » alors que les crimes, les guerres,  les perfidies, les trahisons étaient une norme des usages de l’époque.
Ce crime fut considéré comme le symbole de la monstruosité. L’étrangeté est qu’il continue de l’être de nos jours.
Il s’agit de crime de Clytemnestre, personnage de la mythologie grecque qui assassina son mari Agamemnon. Elle-même sera assassinée par son fils Oreste auquel on  accorde la sympathie malgré un monstrueux matricide.

Rappel mythologique :

1 la malédiction des Atrides :

Thyeste conteste le pouvoir de son ferre Atrée. Thyeste séduit Aerope la femme de son frère. Il sera chassé par ce dernier. Lors d’une fausse réconciliation Atrée, offre à son frère un banquet.  Mais par représailles le repas est en fait composé des propres enfants de Thyeste.  Quand Thyeste comprit  ce qu’il avait mangé, il maudit toute la famille. Cette  malédiction va suivre toute descendance d’Atrée.
Elle conduira a la guerre de Troie.

2 la guerre  de Troie :

Atrée eut deux enfants : Agamemnon et Ménélas. Ils épousèrent deux sœurs Helene et Clytemnestre.
Helene épouse  Ménélas et Agamemnon Clytemnestre.
Helene s’éprend de Paris un troyen et s’enfuit avec lui. Pour laver l’honneur de son frère Agamemnon lance une expédition contre Troie.
Pour avoir les faveurs des dieux, Agamemnon assassine sa fille Iphigénie.
Clytemnestre ulcérée par la perte de sa fille lui en voudra à vie.
Agamemnon vainquit Troie, la détruisit et ramena Helene. Il sera assassiné par sa femme Clytemnestre et son amant.
Ce crime sera considéré comme un acte diabolique a l’époque et la polémique continue de nos jours.
Les  Grecques anciens revivaient avec délire  dans les Théâtres le crime de  Clytemnestre.
Euripide et Sophocle Eschyle écrièrent  des pièce de théâtre  sur ce thème .
Jean Paul Sartre en fit le sujet de sa pièce de théâtre « Les mouches » : Ici ce crime est à l’origine de la malédiction et de la culpabilité qui s’abattent sur la ville d’Argos.
Oreste accomplit le geste libérateur en assassinant sa mère.

Clytemnestre a-t-elle existé ?

Probablement pas. En fait ce qui importe c’est la croyance ferme des Grecques en son existence.

Pourquoi tant d’aversion envers Clytemnestre.


Clytemnestre a  commis un crime unique et sera maudite tandis que d’autres commettront des carnages et seront louangés. C’est la un paradoxe incompréhensible par sa vigueur et sa résistance au temps.
L’explication tient probablement au fait que Clytemnestre est une femme. Mais une femme qui a osé défie la puissance masculine. Un symbole qu’il fallait faire taire de peur de contagion.
Circonstances atténuantes pour Clytemnestre et aggravante Agamemnon Oreste et Electre.


Clytemnestre a commis un seul crime odieux il est vrai, mais motivé avant tout par l’assassinat  de sa fille Épigénie.
En sacrifiant sa fille Agamemnon a commis un crime d’autant plus odieux qu’il s’agissait  de plaire aux dieux pour mener une guerre et  libérer  une femme adultère
Oreste poussé par sa sœur a assassiné  sa mère. Il s’agit d’un matricide acte grave dans toutes les cultures.
Oreste et Electre n’ont pas cherché à connaitre  la vérité ni a venger la mort de leur sœur Épigénie.

Réhabiliter  Clytemnestre.

Clytemnestre était une « honnête épouse » durant quinze ans  c’est l’assassinat de sa fille Epigénie qui la poussera à la vengeance.
Mais les préjugés ont la vie dure et le mythe de Clytemnestre odieuse criminelle persistera  défiant toute raison.
Voilà ce qu’écrivit  Giraudoux dans sa pièce Electre.  C’est la meilleure défense de Clytemnestre :

« CLYTEMNESTRE s’adresse à sa fille Electre qui lui reproche l’assassinat de son père Agamemnon :
«Oui, je le haïssais. Oui, tu vas savoir enfin ce qu’il était ce père admirable ! Oui, après vingt ans, je vais m’offrir la joie que s’est offerte Agathe !… Une femme est à tout le monde. Il y a tout juste au monde un homme auquel elle ne soit pas. Le seul homme auquel je n’étais pas, c’était le roi des rois, le père des pères, c’était lui ! Du jour où il est venu m’arracher à ma maison, avec sa barbe bouclée, de cette main dont il relevait toujours le petit doigt, je l’ai haï. Il le relevait pour boire, il le relevait pour conduire, le cheval s’emballât-il, et quand il tenait son sceptre, et quand il me tenait moi-même, je ne sentais sur mon dos que la pression de quatre doigts : j’en étais folle, et quand dans l’aube il livra à la mort ta sœur Iphigénie, horreur, je voyais aux deux mains le petit doigt se détacher sur le soleil ! Le roi des rois, quelle dérision ! Il était pompeux, indécis, niais. C’était le fat des fats, le crédule des crédules. Le roi des rois n’a jamais été que ce petit doigt et cette barbe que rien ne rendait lisse. Inutile, l’eau du bain, sous laquelle je plongeais sa tête, inutile la nuit de faux amour, où je la tirais et l’emmêlais, inutile cet orage de Delphes sous lequel les cheveux des danseuses n’étaient plus que des crins ; de l’eau, du lit, de l’averse, du temps, elle ressortait en or, avec ses annelages. Et il me faisait signe d’approcher, de cette main à petit doigt, et je venais en souriant. Pourquoi ?… Et il me disait de baiser cette bouche au milieu de cette toison, et j’accourais pour la baiser. Et je la baisais. Pourquoi ?… Et quand au réveil, je le trompais, comme Agathe, avec le bois de mon lit, un bois plus relevé, évidemment, plus royal, de l’amboine, et qu’il me disait de lui parler, et que je le savais vaniteux, vide aussi, banal, je lui disais qu’il était la modestie, l’étrangeté, aussi, la splendeur. Pourquoi ?… Et s’il insistait tant soit peu, bégayant, lamentable, je lui jurais qu’il était un dieu. Rois des rois, la seule excuse de ce surnom est qu’il justifie la haine de la haine. Sais-tu ce que j’ai fait, le jour de son départ, Électre, son navire encore en vue ? J’ai fait immoler le bélier le plus bouclé, le plus indéfrisable, et je me suis glissée vers minuit, dans la salle du trône, toute seule, pour prendre le sceptre à pleines mains ! Maintenant tu sais tout. Tu voulais un hymne à la vérité : voilà le plus beau ! »



Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Abdesselam Bougedrawi 116 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte