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Rentrons P'pa, tu veux bien ?

Publié le 25 juin 2011 par Perce-Neige
Rentrons P'pa, tu veux bien ?C'est pour bientôt ! Après l'inédit, publié récemment sur D-Fiction, voici un deuxième extrait de ce texte, à paraître, prochainement ici...
Sur la banquette arrière, les deux garçons gesticulaient maintenant de manière assez convaincante, il faut bien le dire, puisqu’ils s’enthousiasmaient de plus en plus ouvertement dès lors que se profilait l’ombre d’un fuselage nacré, juste avant que le grondement sourd des réacteurs ne décuple soudain leur hystérie. Oui, c’est alors, à cette seconde précise, - il s’en souviendrait longtemps -, que Paul-Henri avait effectivement entrevu le rivage, la nuit étoilée, la crique de galets et de rochers, la flottille de barques colorées. Tout, je vous assure. Vraiment tout… Peut-être parce qu’il venait de réaliser combien, alors, Violaine était heureuse. Et peut-être même, à cet instant-là, légèrement exaltée. Un peu inquiète, aussi, à l’idée d’avoir ne serait-ce que trente secondes de retard sur l’heure exacte, et précise, dont elle avait fini par convenir, avec Paul-Henri lui même, quand il s’était, tout à fait spontanément d’ailleurs, proposé de la conduire à l’aéroport. Légèrement exaltée… Un euphémisme, en vérité ! Mais peut-on, raisonnablement, le lui reprocher ? Car, franchement, comment ne pas se sentir - littéralement - pousser des ailes en apprenant, soudain, qu’un type de l’envergure de Jean-Charles Verdier, ni plus ni moins, semble brusquement s’intéresser à votre misérable existence au point de vous convoquer rapidos dans son bureau, à sept heures quarante du matin, au vingt deuxième étage du Siège, et juste après vous avoir invité, d’un bref sourire, à vous approcher un peu plus, ou à vous asseoir là, ou à vous mettre à l’aise, les yeux toujours rivés sur son écran plasma et l’oreille droite peinant visiblement à saisir le sens d’un lointain message, vous confier, Dieu sait pourquoi, en moins de quatre vingt dix secondes chrono, la délicate mission d’aller négocier, illico, à Tananarive, Bombay ou Mexico, un contrat de la plus haute importance pour l’équilibre financier de la filiale européenne, rien que ça. Et ce jour là, croyez moi, il ne suffit nullement d’être légitimement considérée, par toutes vos collègues enthousiastes, ou à peu près, comme une juriste hors pairs, particulièrement compétente en droit international et d’une redoutable efficacité en affaires, - si si… - pour s’en sortir, grosso modo, sans dommage apparent… Il est proprement impératif, en effet, de savoir, un minimum, se contrôler. Ce qui suppose de savoir répondre à brûle pourpoint quelque chose d’à peu près sensé sans bafouiller le moins du monde et alors même que, pourtant, inexorablement, le sol semble se dérober sous vos pieds. Oh, Bon sang… Oui, croyez moi, il est réellement impératif, en pareil cas, de parvenir à ne pas s’éterniser plus que de raison quand Jean-Charles Verdier, presque chaleureux, presque enclin à vous écouter, s’enhardit alors à vous tapoter gentiment l’épaule. Ou à se fendre d’un vague encouragement à peine audible mais signifiant, néanmoins, qu’il accepte en toute connaissance de cause de prendre le risque de vous faire aveuglément confiance. Car le retour au bercail, naturellement, est une épreuve terrible. Le sentier broussailleux qui permet de s’extraire du bureau et de gagner le refuge paisible, et anonyme, du couloir longe des abymes terrifiants. Vous avancez. Vous marchez ou vous courez mais c’est, juste, pour éviter la chute. Chancelante… Evitant, par miracle, on ne sait comment, l’effondrement final. Le drame absolu. Le malaise intégral. Un ultime soupçon de vertige et vous voilà, enfin, complètement hors d’atteinte. Un rien d’apesanteur, une dernière pirouette, un triple saut périlleux en arrière et, Aouahhhhou, vous pouvez, cette fois, vous féliciter vraiment de ce qui vous arrive ! Ne pas en revenir. Mais s’efforcer surtout de reprendre votre respiration. On ne peut pas vivre indéfiniment ainsi, non ? Souffler… Violaine… Ca vaa ? Tout c’la vous convient ? Vous n’avez pas d’aut’ question ? Jean-Charles Verdier vous avait demandé tout cela avec, en vérité, une très légère pointe d’inquiétude dans la voix et tout en vous tenant à peine le bras, et tout en vous raccompagnant, assez lentement, au fond, jusqu’à la porte de l’ascenseur. Tout c’la vous convient ? Et comment ! Sûr que ça lui convenait. Et même très bien. Sûr qu’elle en trépignait d’avance. Sûr qu’elle avait, déjà, croyez-moi, une idée très précise de ce qu’il fallait absolument exiger de tous les loustics qu’on ne manquerait pas de lui mettre entre les pattes dès lors qu’il s’agirait de commencer à négocier. Une idée très précise de ce que l’on pouvait, mine de rien, sans trop de dégâts, accepter gentiment de lâcher. En douce. 

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