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La diaspora congolaise et la révolution du Ndombolo

Publié le 26 juin 2011 par Africahit

Si le vent de révolte qui souffle sur le Maghreb a visiblement du mal à traverser le Sahara, l’onde de choc provoquée par les mouvements sociaux de ces derniers mois dans la partie nord du continent africain inspire les communautés congolaises dans différents pays européens. Tout part d’un appel au boycott lancé par un certain «collectif de la surveillance de l’éthique et de la morale», un groupe d’immigrés congolais, pour la plupart réfugiés, vivant un peu partout en Europe. Principale revendication: désapprouver le double jeu auquel se livreraient les grands ensembles musicaux du pays. Ces derniers seraient payés par le pouvoir pour apaiser la population, afin d’éviter l’insurrection.


La diaspora congolaise et la révolution du Ndombolo

Un concert de Papa Wemba, le 21 juillet 2000. REUTERS/STR New

Le 19 février 2011 à Paris, les artistes Papa Wemba et Werrason sont interdits d’accès à l’Elysée Montmartre par des manifestants, alors qu’ils doivent faire un concert prévu de longue date. Le 5 mars à Bruxelles et le samedi 12 mars à Genève, Werrason se voit également bloquer l’accès aux salles dans lesquelles il doit se produire. Même scénario au Zénith de Paris où Fally Ipupa doit faire face à une bataille rangée entre ses fans et des partisans du boycott. La police Intervient alors pour rétablir le calme. Le concert n’aura finalement pas lieu.
Plusieurs autres concerts et certaines rencontres religieuses ont été annulés, dans les jours qui ont suivi la révolution tunisienne, à Paris, Bruxelles et dans d’autres villes européennes. Pour cause, les rapports jugés ambigus entre hommes politiques et certaines stars congolaises.

Cecil Hammond, Fally Ipupa, Trey Songz & D'banj au BET AWARDS

Griots propagandistes au service du pouvoir

«Je suis en France pour fuir la misère et la guerre au Congo, rappelle Jonas Mbangu, membre du fameux collectif. Je ne vois pas pourquoi nous devrions payer des disques ou des places de concert pour donner de l’argent à ces musiciens grassement payés par les hommes politiques pour faire danser la population qui croupit dans la misère.»

«Si la musique du pays est désormais jugée indécente par mélomanes de la diaspora, c’est à cause de la politisation de ses acteurs, incapables d’aborder les vrais problèmes de la société. Nos artistes s’improvisent griots et propagandistes. Lorsqu’ils ne font pas l’apologie du régime du président Joseph Kabila, ils observent une neutralité complice», ajoute-t-il.

La longue crise congolaise a donné naissance au commerce des chansons dédicacées, qui est désormais le principal gagne-pain des artistes. Premiers clients de ce marché, les émigrés se font désormais voler la vedette par les hommes politiques, de plus en plus friands des «mabanga», surtout en période électorale.
Vainqueur de l’élection présidentielle de 2006 et actuel président de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila a su se servir de l’audience des grandes stars de la musique. En pleine campagne électorale, le camp du président-candidat organise une rencontre avec tous les ténors de la musique congolaise. Ces derniers se précipitent tous en studio dans les jours qui suivent, et appellent à voter pour celui qui se présente alors comme «l’artisan de la paix». C’est suite à des désaccords quant au partage du butin que l’opinion congolaise apprendra que l’appel unanime à voter pour le candidat Kabila n’était pas désintéressé.

Une réunion du même type rassemblera par la suite les dirigeants des principales églises évangéliques. Résultat: certains de ceux que les Congolais nomment affectueusement «hommes de Dieu» appellent à leur tour à voter pour Joseph Kabila. Pari réussi, ce dernier sera réélu à la tête d’un Congo qu’il dirige déjà depuis l’assassinat de son père en 2001.

Réponse du berger à la bergère

«Seuls les Congolais présents sur le territoire national pourront voter lors des prochaines élections» en novembre 2011, stipule la nouvelle loi sur l’organisation des élections, adoptée par une majorité des parlementaires. Une exclusion perçue comme une réponse musclée du pouvoir face à l’insubordination de la diaspora.

Si les Congolais de l’étranger sont supposés prendre l’avion pour aller s’enrôler et ensuite remplir leur devoir civique, les candidats potentiels sont également visés par le texte. Pour être éligible, tout candidat doit produire une attestation de sa situation fiscale des deux derniers exercices. Cela revient à devoir résider en RDC pour prétendre à des fonctions politiques.

L’utilisation très limitée des réseaux sociaux, conséquence d’une faible pénétration d’Internet en RDC, est la principale entrave à l’exportation du mouvement de protestation qui agite actuellement la diaspora. La RDC est l’un des derniers pays africains à ne pas être connecté par fibre optique. Le coût très élevé des connexions satellite fait qu’Internet reste inconnu au sein des classes populaires. Très peu présents sur Facebook et Twitter, la plupart des jeunes ignorent tout de ces outils qui ont joué un rôle déterminant dans les révoltes au Maghreb.

Difficile à ce stade d’espérer que la protestation atteigne le territoire congolais. Mais patience. Internet finira bien par se démocratiser, même si la RDC tergiverse encore dans la mise en œuvre du projet West Africa Cable System (WACS). Le câble sous-marin de fibre optique déployé par l’opérateur MTN est déjà arrivé à Muanda, sur le littoral de l'océan Atlantique. Il ne reste plus qu’à attendre l’arrivée du réseau dans les ménages. Et après quelques années d’apprentissage, le vent venu du Maghreb et qui a tendance à souffler vers le nord, changera peut-être de direction pour atteindre le cœur du continent noir. Wait and see…

Cédric Kalonji


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