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Malika Matoub. Présidente de la fondation Matoub Lounès «On ne sait toujours pas comment Lounès est mort»

Publié le 28 juin 2011 par Medzaher

Malika Matoub. Présidente de la fondation Matoub Lounès «On ne sait toujours pas comment Lounès est mort»
Dans cet entretien, Malika Matoub, la sœur du chanteur assassiné le 25 juin 1998, revient sur le procès de l’affaire qui serait programmé pour la mi-juillet.

- Treize ans après l’assassinat de Matoub, où en est l’affaire ?

Treize ans après, l’affaire piétine toujours. Ils sont dans la même logique et le même scénario du début. On est en 2011 et c’est ce même scénario qu’ils veulent maintenir. En somme, c’est le statu quo ! Je trouve qu’il est vraiment dommage que 13 ans après, l’on ne sait toujours pas – avant d’arriver à qui a tué Lounès – comment il est mort. Aucune étude balistique, aucune reconstitution des faits, rien n’a été fait. Sans reconstitution des faits, je ne vois pas comment la justice va déterminer les coupables.

- Pas de nouveaux éléments donc par rapport à l’enquête initiale…

Il n’y a rien de nouveau dans cette affaire par rapport à l’enquête initiale. Ce que la famille avait demandé, c’est l’audition des acteurs politiques et culturels de l’époque. On a présenté une liste de 51 personnes et on a demandé aussi à ce que la reconstitution des faits se fasse en présence des 3 victimes, à savoir ma belle-sœur et ses deux sœurs (présentes avec Matoub le jour de son assassinat, ndlr). Ce qui n’a jamais été fait.


- Vous avez déclaré, avant-hier, que le procès prend une tournure politique…


Dès le départ, c’était un procès politique, sinon je ne vois pas pourquoi toute cette lenteur à répondre aux exigences de la famille. Ce dossier a été beaucoup plus réglé sur le plan politique. L’assassinat de Matoub Lounès a été aussi géré plus politiquement que judiciairement.
C’est pour cette raison qu’on se retrouve aujourd’hui dans cette situation où il y a amalgame et anarchie totale. Or, si l’on revient au point de départ, il y a eu assassinat, donc la justice s’autosaisit d’office. Et dans une affaire criminelle, tous les indices et autres déclarations sont les bienvenus. Cependant, il faudrait que le juge instructeur se décide à auditionner toutes ces personnes.


- Qu’est-ce qui bloque, selon vous, la tenue de ce procès ?


A mon sens, c’est parce qu’il n’y a pas d’élément à l’intérieur de ce dossier. C’est une coquille vide. Il s’agit d’une affaire criminelle qu’on ne peut pas juger sans éléments précis. En tant que partie civile, ma mère et moi avons exigé, dès le départ, au risque de me répéter, la reconstitution des faits. C’est capital. Il ne peut pas y avoir de procès Matoub sans qu’on sache comment il est mort. Je défie quiconque de me dire comment il est mort. Jusque-là, ce ne sont que des spéculations. Il n’y a aucun rapport de médecin ou de police scientifique qui dise : voilà, il a été tué par un sniper ou un amateur, on ne le sait pas encore ! Cette question de comment Matoub a été assassiné ne soulève pas une autre question politique, à savoir si c’est tel groupe ou tel autre qui l’a tué. Pourtant, c’est quelque chose de très  simple : il faut faire une étude balistique en tenant compte des déclarations de Nadia (la belle sœur), Ouarda et Farida et en tenant compte, surtout, du premier rapport de gendarmerie qui pose problème.
Mon souhait est que les gendarmes soient aussi présents à ce procès pour nous expliquer comment ils ont rédigé leur premier rapport, en insistant sur le fait que ce n’est pas Ouarda qui était présente, mais Brahmi Fatma, sa grande sœur. On ne peut pas se tromper de nom et de date de naissance. Il faudrait donc une clarification. Par la suite, on peut arriver à qui a tué Lounès. On ne sait  pas encore s’il s’agit d’un faux barrage, d’une embuscade ou d’un guet-apens. On est dans le flou total depuis 13 ans. Pour nous, toutes les thèses sont discutables, mais je ne peux pas accorder de chèque en blanc ni à une thèse islamiste ni à une thèse militaire. Il n’y a que l’enquête qui pourra la déterminer.


- En parlant de Nadia Matoub, pourquoi ne faites-vous pas cause commune dans ce procès ?


La famille s’est constituée partie civile, si elle veut se joindre à nous, il n’y a pas de problème. Nous n’avons aucun a priori.
Ce qu’on a dit dès le départ, c’est qu’elle a subi des pressions pour qu’elle désigne le GIA comme étant l’auteur de l’assassinat. Ces personnes doivent être auditionnées. Dans l’interview accordée en 2000 à Libération, elle avait reconnu avoir subi des pressions du RCD pour obtenir des visas pour ses sœurs. Et quand il y a des pressions sur des témoins, il est légitime que l’autre partie (ma mère et moi)  prenne avec des pincettes ce qui vient de Nadia. S’il y a pression, il y a forcément confusion. C’est à la justice d’effacer cette confusion en procédant à une véritable enquête, en convoquant les auteurs des pressions. Il est légitime que la défense de Chenoui et Madjnoun demande la programmation du procès, mais ce n’est sûrement pas le procès Matoub. Qu’ils les jugent, mais on n’en est pas encore au stade des auteurs de l’assassinat. Je ne vois vraiment pas de lien.
 

Par Ahcène Tahraoui

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