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Solaire : la loi littoral et le caractère agricole d’une zone sont opposables aux projets de centrales au sol

Publié le 28 juin 2011 par Arnaudgossement

éolien, solaire, littoral, montagne, tribunal administratif, montpellier, urbanisme, environnement, permis de construire, gossement, avocatPar jugement du 24 février 2011, le Tribunal administratif de Montpellier a annulé, sur le fondement notamment de la loi littoral de 1986, la révision simplifiée d’un POS destinée à permettre l’accueil de quatre centrales solaires au sol. Une décision qui rend plus que jamais nécessaire un audit d’urbanisme rigoureux de tous les projets d’énergies renouvelables.


A titre liminaire, il convient de noter que ce jugement a été publié dans le dernier numéro de la revue Environnement & Développement durable (Lexis Nexis) et commenté par M Marcel Sousse (p 26).

Les faits

Au cas présent, le conseil municipal de la Commune de Marsillargues avait approuvé, par deux délibérations du 14 décembre 2009, la révision simplifiée du POS de la Commune de manière

  • D’une part, à créer un sous secteur NDp au sein d’une zone NC ;
  • D’autre part, à créer un sous secteur NDp, au sein d’une zone NC.

Cette délibération a fait l’objet d’un déféré tendant à son annulation, déposé par le Préfet de l’Hérault, devant le Tribunal administratif de Montpellier.

Le respect du caractère agricole de la zone

Le Tribunal administratif va faire droit à la demande du Préfet de l’Hérault et annuler les délibérations d’approbation de la révision simplifiée du POS, au motif, tout d’abord, que le sous secteur  NDp ne pouvait être créé en zone NC du POS.

Pour le Tribunal administratif de Montpellier, la création d’un sous secteur destiné à permettre ultérieurement l’accueil de centrales solaires au sol, est contraire à la vocation agricole de la zone NC. De plus, le Juge a ici tenu compte des dispositions du schéma de cohérence territoriale applicable, lequel identifie également les secteurs litigieux comme correspondant à une zone d’agriculture.

Ce faisant, ce jugement est conforme à la doctrine dégagée par la circulaire ministérielle du 18 décembre 2009, laquelle avait considérablement restreint la possibilité d’établir des projets solaires PV en zone agricole. Au surplus, aux termes de cette circulaire, une autorisation d’urbanisme pour la création d’une centrale solaire ne peut être délivrée qu’à la condition notamment d’un changement de destination de la zone d’implantation. Or, à la suite du jugement ici commenté, ledit changement de zone va devenir plus délicat et la pratique consistant à créer des sous secteurs plus incertaine. Reste qu’il s’agit bien entendu d’un jugement de première instance et qu’un appel est possible.

La loi littoral est opposable

Le Tribunal administratif de Montpellier va également annuler les délibérations d’approbation de la révision simplifiée du POS au motif d’une violation des prescriptions de la loi littoral de 1986.

Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier précise en effet :

"(….) Considérant qu’aux termes de l’article L.146-4 du code de l’urbanisme : « I – L’extension de l’urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. / Par dérogation aux dispositions de l’alinéa précédent, les constructions ou installations liées aux activités agricoles ou forestières qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées peuvent être autorisées, en dehors des espaces proches du rivage, avec l’accord du préfet après avis de la commission départementale des sites, perspectives et paysages. Cet accord est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux paysages (…) ; que, compte tenu de leurs caractéristiques, les projets de centrales solaires photovoltaïques qui, outre la couverture de l’essentiel de 80 hectares de deux sous-secteurs considérés par des panneaux photovoltaïques, nécessiteraient la réalisation de nombreuses constructions techniques directement liées au fonctionnement des parcs, pour une surface totale de plus de 750 m² selon les chiffres additionnés de la notice de présentation du projet d’intérêt général, constituent une extension de l’urbanisation au sens de l’article L.146-4 du code de l’urbanisme précité ; qu’il ressort des pièces du dossier que les deux sous-secteurs NDp sont situés au sud de la commune, à plusieurs kilomètres de l’agglomération ; qu’il suit de là que ces sous-secteurs ne sont pas délimités en continuité avec les agglomérations et villages existants ; que, par suite, le préfet de l’Hérault est également fondé à soutenir que les révisions simplifiées attaquées ont été approuvées en violation des dispositions précitées de l’article L.146-4 du code de l’urbanisme (….) » (TA Montpellier, 24 févr.2001, Préfet Hérault, n° 1002299).

Ainsi, aux termes de cet arrêt, un projet de centrale solaire PV constitue une opération d’urbanisation. Ce faisant, les dispositions de l’article L.146-4 du code de l’urbanisme leur sont applicables. Les installations solaires doivent alors être implantées en continuité avec les zones urbanisées existantes. Contrairement à ce que prévoit la loi montagne de 1985, presqu’aucune dérogation à ce principe n’est possible.

Or, au cas présent, les sous secteurs destinés à l’accueil d’installations solaires « ne sont pas délimités en continuité avec les agglomérations et villages existants ». En conséquence, la délibération entreprise est annulée.

Les suites de la jurisprudence « Leloustre »

La solution retenue par le Tribunal administratif de Montpellier s’inscrit dans le prolongement de la jurisprudence « Leloustre » du Conseil d’Etat.

Par arrêt rendu le 16 juin 2010, la Haute juridiction administrative avait en effet jugé que le permis de construire d’un parc éolien est soumis au respect des dispositions de la loi Montagne :

« Considérant que, pour demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, M. A soutenait notamment que les permis de construire litigieux, relatifs, comme il a été dit, à la réalisation de plusieurs éoliennes, avaient été délivrés en méconnaissance des dispositions du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme ; qu'en écartant ce moyen comme inopérant au motif que l'implantation d'éoliennes, eu égard à leurs caractéristiques techniques et à leur destination, ne constituait pas une opération d'urbanisation au sens de cet article du code de l'urbanisme, alors qu'en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu interdire toute construction isolée en zone de montagne et a limitativement énuméré les dérogations à cette règle, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. A est fondé à demander l'annulation de l'article 3 de l'arrêt attaqué »

Dés l’instant où la loi montagne est opposable à un permis de construire éolien, la loi littoral l’est également, comme l’a jugé la Cour administrative d’appel de Nantes, par arrêt rendu le 28 janvier 2011. Reste que la loi littoral ne prévoit pas les mêmes dérogations que la loi montagne.

Les projets d’énergies renouvelables sont donc confrontés à la difficulté suivante : d’une part ils doivent être éloignés des zones urbanisées, voire des zones simplement destinées à l’habitation, d’autre part cet éloignement démontre une rupture dans l’urbanisation qui rend incertaine leur compatibilité avec les dispositions des lois montagne et littoral. L’intervention du législateur serait la bienvenue pour mettre un terme à cette contradiction.

L’urbanisme : un levier de régulation des énergies renouvelables

Dans cette attente, il convient de souligner que le droit de l’urbanisme acquière une importance croissante dans la régulation du développement des énergies renouvelables. Cela est particulièrement vrai en matière d’énergie solaire depuis le décret du 19 novembre 2009 et la circulaire du 18 décembre 2009. La loi « Grenelle 2 » du 12 juillet 2010 et la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, qui propose de lutter contre la consommation d’espace agricole, ont également contribué à un « verdissement » de l’urbanisme qui va bientôt d’une réforme profonde par vois d’ordonnance.

S’assurer de la faisabilité juridique d’un projet d’installation d’énergie renouvelable au vu des contraintes urbanistiques et environnementales applicables est donc indispensable.


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