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Enclavement au Cameroun: Mbanga Pongo, quatre ans après

Publié le 01 juillet 2011 par 237online @237online

Écrit par Le Jour   

Vendredi, 01 Juillet 2011 14:38

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Enclavement au Cameroun: Mbanga Pongo, quatre ans après
Même porté au devant de la scène, il y a quelques années, le quartier a encore tout d'un village dans l'arrondissement de Douala 3ème.
Pour ceux qui ne savent toujours pas comment se rendre à Mbanga Pongo, le voyage est loin d'être de tout repos.
On n'est pourtant pas sorti de la ville de Douala, parti du carrefour ancien Dalip à Akwa, dans une de ces voitures « cargos » qui font la ligne de « Village ». Aux heures de pointe, il faut payer 200 F.Cfa pour le trajet jusqu'au lieu-dit « borne 10 ». Aux heures creuses, c'est 150 F.Cfa, voire 100 F.Cfa. Le coût du transport vaut bien l'inconfort dans ces fourgons. Les passagers se croient bien dans une « boîte de sardines ». L'essentiel c'est d'arriver, la surcharge n'a jamais tué personne. A défaut de ces guimbardes, on peut toujours débourser 150 F.Cfa pour le bus. Là aussi, le confort n'est guère assuré. Il y a enfin le taxi. Il faut en prendre deux, tour à tour, pour atteindre « borne 10 ». C'est ici le terminus. Tout le monde descend. Un autre voyage commence. A moto, cette fois. Le seul moyen pour joindre Mbanga Pongo. Et c'est 300 F.Cfa, peu importe là où on va dans ce quartier de l'arrondissement de Douala 3ème. Bon, ce sera à « Maison blanche ». Le véhicule deux-roues s'est engagé sur une route escarpée, parsemée de nids de poule. Sans compter les crevasses. La terre en est encore à sécher depuis la dernière pluie, que déjà la poussière monte. Le périple est un véritable exercice d'équilibre sur la moto qui va à vive allure, multiplie les zigzags et les slaloms. En face, d'autres véhicules débouchent en trombe comme le vent. Vlan, vlan, vlan et encore vlan. Ces chauffards sont décidément tous fous ! Ils sont particulièrement nombreux cet après-midi. La moto dévale maintenant une pente raide du sentier. Au pied de la côte, une agglomération. C'est « King quarter ». Mbanga Pongo n'est plus loin. Et déjà le marécage. La piste est maintenant sablonneuse, boueuse ou les deux à la fois, avec de grands trous remplis d'une eau noirâtre. Le parcours devient éreintant.

A certains endroits, les creux ont commencé à se vider de la latérite versée sur la route à l'occasion de la venue à Mbanga Pongo du secrétaire général du ministère de l'Eau et de l'Energie. Le 31 mai 2011, Mickaël Ngako Tomdio devait personnellement présider la cérémonie d'électrification de cette localité. Ce jour-là, malgré le remblai, seuls les véhicules 4X4 ont pu faire le trajet, avec beaucoup de difficultés d'ailleurs. En 2007, le Premier ministre de l'époque, Ephraïm Inoni, avait lui aussi effectué le parcours du combattant, à la faveur de l'hommage rendu aux victimes du crash de l'avion de la Kenya Airways. Mbanga Pongo et son enclavement avaient alors été révélés au monde entier.

Inondations
Encore un carrefour et une énième bifurcation. Voilà « Petit Robert ». Mbanga Pongo est droit devant. Au bout de quelques kilomètres, on est enfin à destination, au lieu-dit « Maison blanche », de l'appellation du célèbre bar autrefois ouvert dans cette contrée. Le bâtiment est aujourd'hui peint en bleu. A peine le sol de Mbanga Pongo foulé, une image frappe. Plusieurs cabanes au toit de raphia dans lesquelles des hommes et des femmes savourent du bon vin de palme. « Il y a de petites palmeraies par ici. C'est là-bas que nous allons recueillir ce vin que nous vendons », explique une vendeuse. Des palmiers prospèrent derrière quelques maisons. Tout comme des champs de maïs et d'arachides.

Un autre cliché, saisissant cette fois. Une immense mare empêche pratiquement l'accès à un centre de santé. Les restes de la pluie tombée il y a deux jours. Il faut contourner la devanture du centre pour y avoir accès. La gérante qui vit tout près déclare que « les inondations vont s'accroître avec les grandes pluies. » « Lorsqu'il pleut plusieurs jours durant, poursuit-elle, il n'y a plus moyen de sortir des domiciles. Particulièrement dans les zones proches de la mangrove. Les eaux de ruissèlement débordent sur les routes qui sont parfois coupées. Il n'y a pas de drains pour canaliser le torrent ».

La faute aux constructions anarchiques. « Vous bâtissez votre maison en laissant une rigole. Mais le voisin construit dessus. Ainsi de suite », se plaint la dame. En tout cas, l'eau trouve toujours sa voie, quitte à se déverser partout. Et bienvenue au royaume des étangs, verdâtres, remplis de nénuphars qui étalent en surface leurs larges feuilles. Ces petits lacs hideux qui jouxtent les habitants et bordent les sentiers. Tant de mares aux grenouilles et crapauds. Autant de nids de moustiques et autres bestioles qui font rage dès la nuit tombée. En saison sèche, les inondations font encore plus de ravages, lorsque le Wouri est en crue. « Nous craignons davantage les marées hautes car, le fleuve se répand dans nos maisons. Il devient même impossible de sortir du quartier », affirme un habitant. Le chef de Mbanga Pongo, Melinga Abate, compare cette localité à une presqu'île. « Nous sommes entourés par trois cours d'eau : le Wouri, la Dibamba et la Missipi. »

Où est l'Etat ?
Si Mbanga Pongo baigne dans l'humidité, l'eau courante y manque cruellement. L'agglomération est ignorée par La Camerounaise des eaux, la société nationale de distribution du précieux liquide. Il est impossible de consommer le produit des puits construits dans ce marécage. Quelques habitants ont installé des canalisations assez rudimentaires permettant d'avoir de l'eau courante à partir des forages situés dans les quartiers voisins. La denrée coûte chère. 20 litres à 50 F.Cfa et au prix double en saison sèche. La pénurie d'eau, ajoutée à un environnement malsain, les conditions sont réunies pour l'émergence des maladies. « Nous accueillons essentiellement des cas de paludisme, de typhoïde et de dysenterie », affirme la tenancière d'un centre de santé. Un miracle qu'on ne parle pas encore de choléra.

Parler de centres de santé à Mbanga Pongo est un abus, tellement ces établissements sont sommaires et fonctionnent dans la clandestinité. Il y en a quatre au total. Ce sont en réalité des extensions de domiciles. Une ou deux paillasses font l'affaire. « Les malades ne sont pas internés. Ils peuvent occuper un lit le temps d'une perfusion. Puis ils rentrent chez eux pour la suite du traitement », explique la responsable d'une de ces maisons de soins. « Je soigne uniquement les maladies bénignes, poursuit la dame. Dès qu'un cas grave arrive, je conseille au malade de se rendre dans un hôpital. » Seulement, les véritables établissements sanitaires ne sont pas tout près. L'hôpital de district de Nylon et les formations sanitaires privées de Douala 3ème sont tous éloignés de l'enclave Mbanga Pongo. Idem pour les établissements scolaires secondaires. Le bled perdu ne compte que des écoles primaires privées, parfois bâties en planches.

Adieu les ténèbres, bonjour la lumière
Mbanga Pongo attend toujours sa première infrastructure publique. Ce sera peut-être le dispensaire dont le bâtiment existe déjà. Le quartier a enfin été connecté au réseau électrique de la société Aes-Sonel. Les lignes ont été disposées, les branchements suivront. « Adieu les ténèbres, bonjour la lumière », peut-on encore lire sur une des banderoles érigées pour célébrer l'arrivée du courant électrique le 31 mai dernier. En attendant le raccordement des domiciles, les gens continuent de s'éclairer la nuit à la lampe tempête, à la bougie ou tout autre moyen. Certaines maisons sont néanmoins électrifiées, grâce aux connections pirates à partir des quartiers environnants. De vieux câbles électriques, de qualité douteuse, portés par des piquets, pendent au-dessus des têtes et vont dans tous les sens. Dès le coucher du soleil, Mbanga Pongo plonge dans le noir. Les deux lampadaires installés il y a quelques semaines brillent toutes les nuits certes, mais ne constituent qu'une lueur dans l'obscurité généralisée. Encore que toute l'agglomération ne sera pas électrifiée. Le projet couvre 120 hectares. Et Mbanga Pongo est de loin plus vaste, selon le chef Melinga Abate, même s'il ignore lui-même la superficie du quartier.

Il y a du terrain à vendre par ici. En témoigne la démographie galopante dans ce terroir. Le projet d'électrification a permis d'effectuer trois recensements des constructions depuis 2008. 825 cette année-là, 1.500 en 2010 et environ 3.000 aujourd'hui. Certaines personnes ont trouvé leur métier dans la vente des terrains. « Il y a des démarcheurs comme moi. Si vous souhaitez acheter un terrain, nous nous entendons sur le prix et je vous conduis auprès du propriétaire. Dès que la vente est conclue, je perçois ma commission », explique Blandine, installée à Mbanga Pongo depuis 10 ans. La terre coûte de plus en plus chère selon cette jeune femme. « A l'époque, j'ai acheté 400 m² à 400.000 F.Cfa. Aujourd'hui la moitié de cet espace vaut 1.200.000 F.Cfa et on en trouve difficilement dans les zones habitées. Là où il y a déjà quelques habitations, les mêmes 400 m² sont vendus entre 500.000 et 700.000 F.Cfa. Avec 400.000 F.Cfa, on peut trouver un espace dans les bandes isolées et les marécages. » Dans tous les cas, l'acquéreur fera comme tous ceux qui l'ont précédé. Il trouvera le moyen de s'installer, quel que soit l'endroit. Comme quoi la maison bâtie par chacun n'est ni trop mauvaise ni trop éloignée. A chaque oiseau, en effet, son nid est beau.

Assongmo Necdem

Le village perdu des pêcheurs

Clichés. Nigérians et Camerounais venus d'horizons divers, installés sur les berges du Wouri, vivent des ressources du fleuve.

C'est un campement de neuf familles. Une trentaine de personnes au total. Des maisons en planches au toit de chaume. Bref, des habitations villageoises sous des arbres sauvages, au bord d'une crique du fleuve Wouri. Voilà résumée la pêcherie de Mbanga Pongo. Ses habitants se sont installés il y a bien des années, en provenance d'horizons divers. Janvier Ndo, 66 ans, originaire de Nanga Eboko dans la région du Centre, s'est déporté ici en 1987, avec femme et enfants. Une deuxième famille est venue de Nanga Eboko. Il y a des Yambassas venus également du Centre, des Bassas débarqués de tout près, des Bamilékés partis de la région de l'Ouest et des Musgums « exilés » du lointain nord Cameroun. Sony Korube, âgé de 45 ans, est d'origine nigériane. « Mes parents sont arrivés du Nigeria dans les années 1960. J'ai toujours vécu ici où j'ai fondé ma famille », déclare-t-il. Sony assure l'intérim du chef du campement parti en voyage.

La langue commune c'est le pidgin. Tous ces hommes sont venus pêcher du poisson dans le Wouri. Ils vivent d'ailleurs de la pêche, bon an mal an. « Nous n'allons pas en haute mer car nous disposons de pirogues à pagaie. Nous pêchons dans les criques où il y a du poisson d'eau douce comme le machoiron (le silure), la carpe, le tilapia, le mulet, etc », affirme Janvier Ndo qui compte parmi les pêcheurs les plus expérimentés. Le produit de la pêche est vendu en vrac. Soit sur place auprès des commerçants qui se déplacent pour acheter, soit au marché de Youpwè situé à quelques encablures de la pêcherie. « Quelle que soit la prise, le produit de la vente d'une personne ne peut excéder 15.000 F.Cfa. Généralement, c'est 5.000 F.Cfa. Parfois, c'est 1.000 F.Cfa quand on n'est pas rentré bredouille », explique Sony. Les habitants du campement vont à la pêche quand la marée le leur permet. En sus, ils doivent affronter d'autres pêcheurs qui utilisent la gamaline, un produit nocif pour les poissons certes, mais pour les hommes aussi. Les querelles virent parfois à l'affrontement physique.

Les habitants de la pêcherie de Mbanga Pongo ne peuvent compter que sur leurs forces, car le campement est totalement isolé du reste de l'agglomération. Les quelques trois kilomètres qui y mènent sont un véritable parcours du combattant. Peu de conducteurs de mototaxi acceptent d'y aller, quand ils n'exigent pas 1.000 F.Cfa. Evidemment, il n'y a aucune adduction d'eau potable. Le hameau est exclu du projet d'électrification. Le réseau téléphonique est difficilement accessible. Un sacré bout du monde.


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