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Calamity Suz à la découverte des papillons Monarques (1/2)

Publié le 22 juin 2011 par Calamitysuz

Calamity Suz à la découverte des papillons Monarques
1er au 10 mars 2008
1ère partie
Le Mexique est surtout connu pour ses plages, ses sites archéologiques et… sa tequila. Il existe pourtant un Mexique très différent, moins fréquenté par les touristes, dont la beauté et l'intérêt sont tout aussi attrayants. C'est celui du Mexique aux paysages alpins, au climat méditerranéen, à la cuisine succulente et à la vraie hospitalité du coeur, où l'adage "mi casa es tu casa" reste un principe. Valle de Bravo reste encore méconnu des touristes étrangers, abritant les maisons de week-end des riches habitants de la capitale. Un régal que de jouer les touristes dans un village où les magasins de souvenirs sont inexistants…
Valle de Bravo où se trouve l’hacienda est niché au cœur de montagnes alpines, entouré de roches basaltiques, de forêts et de pitons rocheux superbes. Valle de Bravo nomme à la fois la région, la ville et le lac, comme ça au moins c’est plus simple. Le lac en lui-même n’est pas un lac naturel, mais un lac de barrage construit entre 1938 et 1947 afin d’alimenter une centrale électrique. A l’heure actuelle la centrale a fermé ses portes et le lac est utilisé pour fournir Mexico city en eau potable, représentant près de 25% des apports. Véritable prouesse technique, l’eau doit passer par-dessus la montagne pour aller vers Mexico. Situé à 145 km (2h30 quand ça roule bien) de la capitale, le site est vite devenu le rendez-vous privilégié des riches mexicains qui y ont construit leurs maisons secondaires. Les plus riches et spectaculaires se nichent au bord du lac, sous la Peña, sorte de falaise noire d’où les aztèques effectuaient autrefois des sacrifices humains. Intéressant de se dire que des villas avec piscine, courts de tennis et marina privée sont construites sur un tas d’ossements… L’église principale San Francisco flanque le zocalo, la place principale de la ville. Débutée en 1880 (sur l’emplacement de l’église de San Francisco Temascaltepec), la construction s’arrêta pendant la révolution. Construite en étapes, elle n’a été terminée qu’en 1994… et ça se voit, vieilles pierres rongées cohabitent gaiement avec des blocs de pierre flambants neufs !1812300413.jpg
Samedi 1er mars
10h10, aéroport de Madrid, je savoure un dernier vrai café avant le truc marron du même nom dans l’avion…
Mexico, 19h50 heure locale, presque 3 heures du matin pour mon petit corps qui a assez mal encaissé le voyage. 12 heures de vol entre Madrid et Mexico, apparemment la route a été changée car une dame disait que d’habitude ça ne prend que 9h00. A ce stade, 3 heures c’est beaucoup. Je voudrais bien tenir un peu avant de me coucher d’autant que j’ai pas mal somnolé pendant le voyage, mais j’ai les yeux explosés. Côté vol, une innovation avec les traditionnelles pâtes remplacées par de la paella, mais pas d’échappatoire au poulet. Mini télés dans l’allée centrale ce qui fait que l’une est toujours trop proche et l’autre trop loin, sans compter les gens qui se lèvent et cachent l’écran. Au programme « Juno », l’histoire de l’ado qui se retrouve enceinte et décide de faire adopter le bébé, pas mal du tout, puis « Alvin et les chipmunks », seule raison de le voir : être coincée dans un vol de 12 heures…
Sortie d’avion et d’aéroport assez remarquable. 1 heure après l’atterrissage j’étais dans le taxi. Les mexicains auraient-ils perdu leur flegme traditionnel ? De même à l’hôtel étonnant d’efficacité. C’est un Best Western avec porteur qui m’a vanté les services disponibles (piscine, sauna, gym, café gratuit…). Merci mais une douche et mon lit feront l’affaire. Il fait chaud, j’ai assez de t-shirts pour la semaine, bizarre j’ai l’impression d’avoir oublié des trucs, le sac a l’air étonnamment vide et pourtant je vais en avoir de trop, je n’aurai probablement pas besoin des t-shirts à manches longues.
Dimanche 2 mars
Petit déjeuner buffet à l’hôtel, compris dans mon forfait ainsi que le taxi. Pain perdu, pancakes miniature, œufs brouillés accompagnés d’un café au lait pas terrible. Dans la pièce j’essaie de voir qui peut être dans le groupe. Les discussions en anglais m’orientent, mais l’âge m’inquiète…
Je retourne dans ma chambre et la empoignade avec ma porte qui refuse de s’ouvrir. Les clés magnétiques c’est bien… quand ça marche. Je finirai par avoir recours au garçon d’étage qui a du mal à jongler seul avec tous les bagages à descendre et les voitures à sortir du garage (ça forcément quand on fait dans l’hôtel de classe…). Je croise Eduardo notre chauffeur puis une américaine qui me dit « vous êtes dans la randonnée ? ». Pourtant mon chapeau était rangé dans mon sac… la parka rouge peut-être ? Dans le hall je retrouve l’ensemble du groupe. D’accord, je ne m’étais donc pas entièrement trompée dans la salle de restaurant, je vais être la gamine de service. Ca fait un peu club du 3ème âge et il n’y a que des américains et 2 anglais. Ils ne parlent pas espagnol mais je vais découvrir à l’hacienda que tout est fait pour eux. C’est tout juste si je ne passe pas pour une excentrique à parler espagnol. Mais bon, faut pas pousser, je ne vais pas parler anglais aux locaux !
Mexico city est une vraie ville tentaculaire et des deux heures et demie de trajet, plus d’une est consacrée à en sortir, donc côté paysage il faut attendre. On arrive enfin à Toluca et son volcan El Nevado. Après le plateau de Mexico, le paysage change et nous attaquons la montagne. Route sinueuse au cœur de la forêt de pins et sapins. Moment magique quand nous croisons nos premiers papillons. La vitesse est ralentie et la route semée de cônes oranges pour ralentir les véhicules. Mais qui a envie d’aller vite ? Il y en a des nuées autour et au-dessus de la route. Impressionnant. Les papillons recherchent la chaleur, ils ont appris que le bitume la conserve et diffuse mieux donc en cette fin de matinée, la route est particulièrement fréquentée.
Nous arrivons enfin à Valle de Bravo. La ville est posée au bord du lac, plus grande que je ne le pensais (imaginant un simple village). Les routes pavées ralentissent la vitesse et démolissent les amortisseurs. La ville est poussiéreuse, dépourvue d’arbres sauf sur le zocalo, la place centrale à côté de l’église. La saison sèche explique sans doute la poussière, mais c’est assez courant dans les villes mexicaines paraît-il. De plus, la ville est en travaux pour enterrer l’électricité ce qui crée une vaste pagaille, certaines rues étant fermées.
La ville abrite essentiellement des maisons secondaires, ville de villégiature pour les mexicains fortunés de Mexico City. Ceci a évidemment attiré l’attention de nombreux étrangers (US je suppose qui ne se contentent donc plus de Baja et de la zone frontalière) sont en train d’acheter sur place. Le Mexique va finir tôt ou tard par devenir le 51ème état des US. Les magasins sont de là-bas (Wal-Mart, McDo…), l’accent est mis sur l’apprentissage de l’anglais et jusqu’à la langue dont certains mots mexicains ont clairement des racines anglaises. Celui qui m’a frappée « rentar », « louer », directement inspiré de « rent » alors que le mot espagnol est « alquilar » (rien à voir…). Côté publicité ils ont les mêmes soucis de nutrition que nous et les publicités alimentaires affichent les mêmes placards que nous pour manger sain et faire de l’exercice. A côté de ça, sur la route j’ai vu des pubs pour que les enfants boivent du lait pour mieux grandir. Juste une publicité des coopératives laitières ou un souci alimentaire dans certains coins du pays ? Le fait de passer mes vacances dans un cocon totalement déconnecté de la réalité du pays (du moins celle du plus grand nombre) m’empêchera d’en apprendre beaucoup sur la vraie vie des gens. Les choses ont dû un peu changer depuis ma dernière visite… il y a 20 ans.
1841590993.jpgFinca Enyhe est superbe. Une immense bâtisse autour d’un patio central avec sa fontaine. Les plantes rafraîchissent l’atmosphère et les vérandas fournissent une ombre qui doit être fort appréciable en été. De petits coins salons ont été aménagés avec des fauteuils autour d’une table basse d’un côté, autour d’une table ronde de l’autre. Des hamacs sont pendus aux murs sur des crochets, faciles à étendre pour faire la sieste ou lire au calme. Deux perroquets restent indifférents à notre arrivée. Lucia et José nous accueillent à notre descente du van dans la cour. Georgina leur fille parle parfaitement l’anglais. Le personnel se charge de décharger les sacs. Les traditionnelles fiches de demande de renseignements sont posées sur les tables attendant que nous les complétions. Elles reprennent les informations demandées déjà sur internet, à savoir notre niveau équestre et forme physique (pas prévu le cas « je fais du cheval quand je peux ») et notre choix de selle (anglaise, western ou mexicaine). 3 autres personnes sont arrivées par le vol de 5 heures du matin et sont déjà installées. Ils viennent nous saluer. Ayant fini de compléter ma fiche, José, dit Pepe, m’accompagne jusqu’à ma chambre, me présente les deux chiens, un jeune berger allemand de 8 mois et un rhodésien, tous deux adorables et faisant mentir leur réputation de chien méchant (surtout le deuxième). Je partage ma chambre avec Mary-Lu. La pièce est immense. Trois lits de 140, deux armoires pour nos vêtements, un coffre sert de table basse et abrite probablement les couettes en été, un poêle à bois pour les nuits fraîches. La salle de bain en carrelage, double vasque, baignoire jacuzzi, WC, est plus grande que ma chambre… Je suis quelque peu surprise par l’accent de José mais qui s’avère de fait être l’accent mexicain. Il ne doit pas avoir l’habitude de faire la présentation des lieux en espagnol ! Il me demande de lire la brochure d’accueil comportant quelques renseignements et recommandations, puis me donne rendez-vous à 12h00 en tenue pour faire la visite des lieux et un premier test à cheval. Ca me laisse à peine de temps d’ouvrir mon sac et sortir quelques affaires.999200703.jpg
Notre chambre est précédée d’un petit salon avec cheminée (et télé cachée dans une armoire) donnant accès à une autre chambre légèrement plus petite que la nôtre. Les journées commencent à être très chaudes mais les nuits sont encore froides même si ça s’est radouci ces derniers jours. Les serviettes sont fournies, avec une différente pour la piscine, ainsi que le pichet d’eau purifiée. Une carte de la ville avec les endroits « importants » (banque, restaurants, poste…) posée sur le coffre nous montre que le centre ville n’est pas tout près. Surtout que nous sommes en hauteur, donc pour l’aller ça va, le retour est plus dur.
Le fascicule des recommandations est particulièrement insistant sur la ponctualité, ce qui me surprend quelque peu. Après tout c’est le Mexique ! Peut-être que pour justement ne pas se laisser déborder par le flegme national, ils sont obligés d’en faire de trop. Le nom de la famille est Shrevasande, nom d’origine hollandaise. Pepe me dira que son grand-père est venu des Pays-Bas et que la famille compte des français, des espagnols, « seulement 5% de sang mexicain ». Lucia a un nom bien espagnol et une maîtrise de l’anglais étonnante, avec un accent meilleur que celui de Pepe. Elle est jeune, très jolie, bien plus que sur les photos que j’avais vues. Et elle a surtout une classe folle à cheval. Elle a fait beaucoup d’obstacle et conservé cette façon de se tenir en selle, chaussant d’ailleurs plus court que les vaqueros ou son mari.
A 12h00 nous retrouvons Lucia et nous nous installons dans le living-room pour le briefing de Pepe. La pièce est décorée de meubles en bois à l’ancienne, surchargée de bibelots « chevaux » et de livres (et quand je dis surchargée…). Elle présente surtout 3 somptueuses selles charro, travaillées en maguey et argent. Côté bibelots c’est un peu de trop (je n’aimerais pas avoir à faire la poussière), par contre la bibliothèque regorge de livres en anglais et espagnol sur les animaux, le pays, la nature. Je regretterai de ne pouvoir en profiter davantage.
Pepe nous explique le programme dans le détail, puis Lucia nous fait faire le tour du propriétaire nous expliquant que les portes sont verrouillées à 21h00 et que si nous sortons il faut donc prévenir. De même le dernier parti est prié d’éteindre les lumières (hihi ça sera moi…). La salle à manger est décorée à l’ancienne avec meubles en bois et vaisselle sur les étagères. La grande table ne peut guère accueillir plus que nous 14. La cuisine qui la borde fait rêver les femmes que nous sommes. Immense. Trois jeunes femmes sont chargées de la cuisine et du ménage. Un panier à l’entrée est prévu pour y laisser les clés de nos chambres dans la journée et les y poser le soir avant le dîner si nous souhaitons que la cheminée de la chambre soit allumée. Aux petits soins je vous dis. Nous descendons un escalier qui nous conduit à une salle de détente. Billard, vélo et marcheur pour ceux qui n’auraient pas assez du cheval, télé satellite et lecteur video. Ici à nouveau une immense bibliothèque, complétée par une deuxième le long du mur au bas de l’escalier. Les portes sont doublées de grilles de façon à fermer les pièces mais laisser entrer l’air et en l’occurrence ne pas laisser entrer les chiens interdits d’accès dans la maison. Une terrasse ombragée de glycines borde la piscine et son jacuzzi. Lucia nous en explique le fonctionnement, précisant que la piscine est chauffée à l’électricité solaire. Nous traversons les jardins arrivant à une deuxième terrasse flanquée d’une cheminée à grillade et bordée d’arbres fruitiers. De là nous surplombons la partie des écuries. Une immense cour mène de la sellerie à une arène, les boxes longent d’un côté, de petits paddocks longent l’autre mur. Au fond de l’arène d’autres boxes abritent entre autres la mule, Doña Macaria, qui nous accompagnera toute la semaine portant le déjeuner et la glacière.
Lucia nous présente l’équipe des vaqueros ou caballerantes (wranglers en anglais). Ils sont six à s’occuper de la logistique. Deux viendront avec nous, cette semaine Chicho (qui fera craquer Mary-Lu, faut dire qu’il n’est pas vilain) et Adam qui conduira la mule. Eduardo (qui lui a fait craquer Roseanne) et Mileton s’occupent de la logistique : conduire le van pour nous ramener le soir et le trailer avec la nourriture pour les chevaux, et rester dormir avec eux la nuit. Luis cumule les tâches de palefrenier et barman. Tous les soirs il nous attendait à l’entrée du patio à notre arrivée pour prendre nos commandes de cocktails ou boissons alcoolisées. Le forfait de notre séjour nous donne droit à 3 boissons alcoolisées par jour, signant un petit papier à chaque fois de façon à payer l’éventuel supplément le dernier jour.
La sellerie est à tomber. D’une propreté incroyable et littéralement envahie de matériel en tout genre. Selles anglaises, de trec, western, charro, des filets à ne plus pouvoir les compter, lassos, éperons, pièces de cuir en tout genre. Un véritable petit paradis pour amateur. Il y a même une selle d’amazone et une ancienne selle espagnole. Pepe en profite pour nous expliquer l’évolution des selles.
Les selles espagnols avec des rebords droits devant et derrière correspondaient à une utilisation locale, les espagnols travaillant leur bétail avec une longue perche. Au Mexique la présence de buissons et autres épineux a rendu la perche inefficace, donnant naissance à l’utilisation du lasso. Dès lors les rebords droits gênaient, par contre la corne fit son apparition pour y attacher le lasso. Un seul tour permet de coulisser le lasso et laisser aller la vache, un deuxième tour la coince. La corne est donc très large pour assurer la solidité, par contre il faut faire attention de ne pas y coincer les doigts. Certaines cornes sont donc plus inclinées que d’autres pour minimiser ce risque. Les texans plus soucieux de leurs doigts ont rétréci la taille de cette corne en changeant la façon d’utiliser le lasso : celui-ci était attaché à la corne, par contre il ne leur était plus possible de « jouer » à laisser plus ou moins filer la vache. Il est intéressant de comparer cette selle charro à la selle buckaroo que j’ai découverte au Nevada. Là-bas la tradition est californienne et donc clairement mexicaine. De fait, la corne est beaucoup plus large que la corne texane, destinée à une utilisation plus poussée du lasso. La corne mexicaine est donc plate sur le dessus, ronde et très grande. Pour vous donner une idée en posant la main à plat au milieu, je peux juste plier les dernières phalanges sur le bord. Du coup, cette corne est totalement inefficace comme moyen de se tenir. Mais les mexicains ne sont pas bêtes. Ils ont prévu à l’arrière de la selle, sur le troussequin des trous ovales permettant de se tenir, de manière d’ailleurs plus intelligente puisque le corps est basculé du coup vers l’arrière minimisant donc le risque de passer par-dessus la tête du cheval. Il aura fallu attendre le Mexique pour enfin trouver LA selle qui me convient ! Plus qu’à trouver l’airbag maintenant…
Pepe nous présente également l’ancêtre des chaps. Une vaste jupe de cuir était attachée à l’avant du cheval pour le protéger des épineux nombreux dans le Mexique désertique (la plus grande part du pays, cette région est la seule possédant ce type de paysage alpin). Le surplus dépassant vers l’arrière protégeait en même temps les jambes du cavalier. Avec le temps, le cuir n’a plus fait que protéger les jambes du cavalier oubliant le cheval. De nombreuses chaps sont accrochées au mur. Le système est différent de ceux que j’ai eu l’occasion de voir. Les chaps sont longues, attachées par des boutons (que l’on attache tous ou non), portées assez bas, elles sont attachées à la taille par un lacet croisé dans le dos et attaché par un nœud devant. Dès que j’ai vu que tous les locaux en portaient, j’ai sorti les miennes. Il faut dire que j’ai ressorti mes boots de classique, la fiche précisant que les bottes western risquaient d’être lourdes et moins confortables à cause de la chaleur. Je n’ai pas regretté mon choix, j’avais oublié à quel point mes boots étaient confortables ! C’est l’idéal avec une selle western/charros à cause des larges étrivières, je suis plus sceptique pour les étrivières étroites en Argentine…
189610972.jpgPendant que Pepe nous a présenté le matériel, les vaqueros ont terminé de préparer les chevaux en fonction de nos choix en termes de sellerie et de type de cheval (plutôt calme ou vif). On me présente Morro, 1.53 mètre, un mâle gris bleu (blue roan), espiègle mais calme, véritable ventre sur pattes, jouant tout le temps avec son mors. Une bûche nous permet de monter en selle sans effort. Le souci du confort est poussé si loin qu’à chaque arrêt il y aura un rocher, une bûche ou un dénivelé nous permettant de monter en selle sans avoir à fournir le moindre effort. C’est assez appréciable quand on sait qu’un cheval grandit au fur à et mesure des jours passés en randonnée (si si je vous assure c’est vrai). Lucia et Pepe prennent le temps de nous parler un par un tandis que nous faisons des tours dans la carrière afin de nous familiariser avec nos nouveaux compagnons. Lucia me dit que Morro est un cheval calme, qui n’aime pas plus que ça être devant, par contre qu’il faut tenir sur la première foulée de galop pour lui montrer que c’est moi qui décide et non lui. Je pensais qu’il ne le ferait qu’au début mais en fait systématiquement à chaque départ je devais le tenir pour qu’il ne parte pas comme un fou. Je découvrirai au cours de la semaine qu’il est tout à fait capable d’être devant, qu’il est même capable de marcher assez vite si on insiste un peu. Il a un galop très confortable et maîtrise le jog. Un superbe petit cheval avec lequel je me suis bien amusée. Seul hic, la largeur des selles. Côté musculaire on s’habitude, par contre je n’avais pas de contact au niveau des pieds. Typiquement il m’aurait fallu des éperons, mais d’abord je ne les avais pas pris et je ne pense pas que les éperons aux pieds des clients soient dans les habitudes de la maison. J’allais p’tête pas la ramener…
Après quelques tours de carrière où José prend le temps de briefer chacun d’entre nous, nous déjeunons sur la terrasse à côté de la piscine, sous les whisteria (désolée, je sais le mot français est glycine mais ça me fait trop penser à Desperate Housewives et finalement c’est un peu ce que sont ces gentilles américaines qui m’entourent). Au menu quesadilla, fromage, salade au bleu, poire et fromage. En dessert, « turron de yema », sorte de nougat à base d’œuf. En boisson, une glacière est posée à côté remplie de sodas, bière. Dans un pichet un thé glacé d’hisbiscus, appelé ici jamaica. Délicieusement désaltérant grâce à une pointe d’acidité.
Nous avons rendez-vous à 15h00 dans la carrière pour partir faire notre première balade, sous un soleil de plomb, j’ai forcé sur la crème solaire, contente d’avoir prévu l’indice 40. Je vais encore ramasser toute la poussière de la région.
Nous partons pour Monte Alto, un parc naturel dans la forêt. Nous quittons l’hacienda par les routes pavées. Morro ne va pas très vite et rattrape au petit trot, tant qu’il s’en tient au jog ça me va. Nous entrons dans la forêt, ici c’est la montagne, les sentiers montent, descendent. Les pins et chênes poussent entre des broussailles diverses qui n’ont rien de tropical ou de ce que l’on imagine pousser au Mexique. On pourrait tout aussi bien être chez nous. Bon d’accord à part quelques cactus ça et là… Les chevaux sont des chevaux de randonnée avec une fâcheuse tendance à rattraper les copains quand on prend du retard. Arrivés sur une grande clairière Lucia nous annonce qu’elle souhaite nous voir au galop. Deux par deux, menés par un vaquero, nous faisons le tour de la clairière. Une bonne façon de se rassurer et de trouver ses marques. En plus le vaquero dicte la vitesse, il n’y a qu’à trouver sa position. Ca se passe bien pour tout le monde. On voit tout de suite les différentes écoles avec les anglais en équilibre et les westerners assis. Je pars avec Cathy qui a du mal à faire partir son cheval au galop, disons surtout qu’il a des foulées bizarres. Du coup, je n’arrive pas à mettre Morro au galop qui arrive parfaitement à suivre juste au trot. Je finirai par l’arrêter pour prendre de la distance et pouvoir le faire partir dans un petit canter des plus agréables. Il est tout à fait capable de faire un galop rassemblé à petite allure très confortable. On change le cheval de Cathy et elle repart pour un nouvel essai qui s’avère concluant.
Nous repartons, pas dans le même ordre et je commence à avoir quelques soucis avec Morro. Il veut partir au galop mais quand je ne le laisse pas il me fait une sorte de piaffer très désagréable. Je finirai par découvrir que Roseanne me colle aux fesses et que ça ne plait pas du tout à mon cheval. Je lui demande de passer devant (elle a du mal à comprendre d’ailleurs, mon anglais ou la demande ?) et du coup je reprends la main immédiatement. Quand Lucia m’avait dit qu’il n’aimait pas particulièrement être devant, je n’avais pas compris que j’allais copiner avec la mule toute la semaine. D’un autre côté je pourrai parler avec le vaquero qui la mènera.
Pour ce premier essai, après 1h30 nous retournons à l’hacienda. Il fait encore largement fait soleil, il n’est que 17h00.
Direction la piscine pour quelques longueurs et le jacuzzi pour masser les muscles et se réchauffer, l’air commence à se rafraîchir. Je profite dès ce premier intermède de jacuzzi pour tester la margarita. Luis nous les sert dans des verres en plastique à la piscine, de vrais verres dans le patio. Moins dangereux, surtout quand le berger allemand vient pour jouer à « lance moi le bâton ». Tout étant prévu, Luis apporte en même temps que le talon à signer une petite serviette pour nous essuyer les mains. C’est pas du luxe tout ça ?559596575.jpg
Je pars prendre une douche rapide et m’installe sur la terrasse pour écrire et finir ma margarita (non non l’écriture est lisible, je vous rassure, la tequila est passé à proximité plus que dans le verre). Le froid et le manque de lumière me chassent de la terrasse et je retrouve le reste du groupe dans le patio intérieur. Discussion assez animée et sympathique autour des voyages rêvés ou déjà faits, des destinations à faire avant d’être trop vieux (c’est bien, ça me laisse de la marge). Dîner entre nous avec Lucia en bout de table qui nous explique qu’elle ne dîne pas, mais nous détaille ce que nous avons dans l’assiette. Soupe en entrée tous les soirs, très agréable à 19h30 quand le temps commence à sérieusement se rafraîchir. Ce soir elle est à la courgette, avec du maïs, des morceaux de tacos (ça remplace nos croûtons) et du fromage (j’avais oublié à quel point il y a du fromage partout dans la cuisine mexicaine), soufflé aux légumes avec salade de soja et pousses, mûres à la crème fraîche en dessert.
Pepe n’est pas avec nous, nous apprenons qu’il est parti ramener sa fille à Mexico. Elle a suivi l’école à Valle de Bravo mais le lycée n’est pas terrible, du coup elle va au lycée américain à Mexico city et vit chez les parents de Lucia pendant la semaine.
Lucia nous parle un peu d’elle et de leur vie. Ils ont construit la propriété il y a une dizaine d’années en s’inspirant des vieilles haciendas, mais de fait c’est totalement neuf. Les parents de Pepe étaient déjà dans le milieu équestre, propriétaires d’un centre équestre. Eux ont pris la relève en organisant des randonnées dans l’ouest et venant ici pour entraîner les chevaux. Jusqu’au jour où ils en ont eu assez de faire la navette et se sont installés. Pepe a dessiné les plans et ils ont construit finca Enyhe. Vu le personnel, je me dis que les affaires vont plutôt bien pour eux. Il y a 3 filles en cuisine (Lucy, Luz et je ne me souviens plus du nom de la troisième) qui font aussi les chambres et j’imagine le ménage de cette immense bâtisse puisqu’il y a 7 chambres d’invités, le salon, la salle de billard/TV, le patio, la salle à manger, la cuisine, un bureau. Au-dessus des écuries se trouve une autre partie de la maison où je pense vivent Lucia et Pepe. A l’arrière de la cour d’entrée un autre bâtiment sert à stocker la paille au rez-de-chaussée mais est l’habitation de l’un des vaqueros (avec sa famille), un autre vit dans les appartements au-dessus de l’écurie se trouvant au bout de la carrière.
A 20h15, le dîner se termine et tout le monde part dans sa chambre. Dormir déjà ? Attendez, c’est moi qui ai le décalage horaire ! Je découvrirai par la suite que certains vont lire, Mario et Shlomi jouer au billard, d’autres effectivement dormir.
20h30, je suis dans le salon à écrire mon journal, tous couchés comme des poules et on n’est monté qu’1h30, ça promet pour la suite.
Les terres que nous allons parcourir autour du lac sont en partie privées et en partie « ejido ». L’ejido ce sont les anciennes terres coloniales qui lors de la révolution ont été données aux paysans. En fait ceux-ci n’en sont pas propriétaires, mais peuvent les travailler et les exploiter. Depuis une quinzaine d’années le gouvernement est en train de les distribuer moyennant la preuve que le paysan a effectivement travaillé et exploité la terre qu’il souhaite acquérir.
21h00, je vais aller me coucher histoire de finir de rattraper mon sommeil en retard. Ma voisine de chambre m’a prévenu qu’elle ronflait. Décidément… J’ai bien fait de prévoir les boules quiès.
Lundi 3 mars
Réveillée à 3h30, pas trop mal, ça fait du 10h30. Les bouchons d’oreille sont vraiment indispensables et pas que pour les ronflements très bruyants de ma voisine. Les fenêtres ne se ferment pas, un battant est effectivement fermé, mais l’autre est remplacé par une moustiquaire, nous profitons donc pleinement du « doux silence de la campagne ». J’aimerais bien savoir qui est l’abruti qui a sorti cette expression. Franchement, silencieux la campagne ? D’accord on n’entend peut-être pas de voitures mais il est faux que les coqs chantent avec le lever du soleil. Les coqs mexicains s’y mettent dès 4h30, et puis il y a les chiens, les oiseaux… Ah oui et j’ai oublié, des coqs à l’hacienda il y en a 8, ils s’en servent pour des combats amicaux qui nous seront montrés le dernier jour. Un bon coq au vin…
Je prends une douche rapide (on ne va pas se priver alors qu’on en a la possibilité) et je pars vers la salle à manger, où pensant être l’une des premières (il est 7h28), la plupart des gens sont déjà là. Va falloir arrêter cette ponctualité irritante, c’est le Mexique ici ! Sur la table est déjà posée une superbe assiette de fruits frais et locaux : mangue, papaye, banane, kiwi. Ce sera l’un de mes plus grands plaisirs du matin. Sur le buffet à l’arrière, le plat chaud et les thermos de boissons chaudes. Aujourd’hui des œufs brouillés à la ranch, des haricots (eux seront là tous les matins), une sorte de feuilleté sucré très léger (très sucré aussi, je n’en reprendrai plus après le premier essai de ce matin), pain pour faire des tartines (le grille pain est à disposition), yaourt et céréales (pour les inconditionnels du petit déjeuner européen). De quoi donc se faire un petit déjeuner mexicain ou garder ses bonnes vieilles habitudes. Typiquement, nous mixerons les deux. Sur la table dans des paniers, les tortillas chaudes sont également là.
Le rendez-vous pour le départ est à 8h30 dans la cour d’écurie. A 8h25, presque tout le monde est déjà là. M’enfin ! Les fontes ont été installées à l’arrière de nos selles. Une gourde est prévue pour chacun et il y a même une cape de pluie par sécurité (c’était bien la peine que je prenne la mienne…). Les chevaux ayant été sellés, nous sommes vite tous prêts à partir. Il nous faut réemprunter les rues pavées pour quitter la ville, une chance que nous en soyons en lisière. Ceci dit, la randonnée « relaxed », qui ne prévoit que 3 heures par jour avec des balades pas trop loin et retour à l’hacienda quotidienne, moi ça me gonflerait vite de faire les pavés tous les jours… Là je suis contente, je sais que je ne les reverrai que samedi prochain ! Nous reprenons le début de piste d’hier, mais très vite nous bifurquons, direction plein ouest. Le paysage alterne entre forêt de pins et sous-bois jonchés d’épines. La forêt s’écarte pour laisser place à des clairières et prairies plus ou moins grandes où se nichent de petits villages. Les vaches sont souvent attachées, de même que les chevaux et quelques moutons. A voir la terre sèche et la végétation jaunie on se demande ce qu’ils mangent. Les attaches évitent le besoin de clôtures et les zones pâturées sont ainsi mieux contrôlées. Nos chevaux sont parfaitement habitués à leur environnement et restent imperturbables aux aboiements et parfois agressions des chiens. Une petite chienne nous accompagne. Elle a adopté la finca en décembre et est de toutes les randonnées. Les ricains l’ont surnommée Toto (vous savez le chien du Magicien d’Oz). Elle se glisse entre les jambes de nos chevaux sans aucune difficulté. Pepe nous dira qu’elle pense être un cheval et les suit plus volontiers que les humains.
Il y a beaucoup de dénivelés même si globalement nous allons plutôt vers le haut pour arriver jusqu’à 1800 mètres au bout de notre journée. Côté galops je suis un peu frustrée, seulement deux lancés par Lucia et Pepe dans des terrains plats, ouverts, à l’allure contrôlée. Il faut dire que nous sommes si nombreux qu’il faut faire attention, par ailleurs le terrain étant assez escarpé, les conditions ne s’y prêtent pas forcément. Mais les occasions de se faire de courts galops personnels sont assez nombreuses, surtout pour moi qui suit en fin de ligne et donc toujours à la traîne (et couverte de poussière, oui comme d’hab’). Par ailleurs, ils savent exactement où ils sont sensés galoper, ce qui ne les empêche pas de se tenir parfaitement et d’être tout à fait contrôlables au niveau de la vitesse que l’on souhaite donner à son galop. Seul mot d’ordre : interdit de doubler Lucia qui est à l’avant. Nous avons de la chance, cette semaine nous aurons les deux avec nous. Normalement Lucia ne monte que le vendredi, mais cette semaine Pepe habitue un nouveau cheval au circuit et donc Lucia doit « veiller sur lui ». Morro a plus tendance à trotter qu’à galoper (par rapport à d’autres chevaux devant moi qui se lancent facilement en foulées de galop). Je sens aussi qu’au galop il aimerait aller plus vite, en tout cas au départ, après il se met dans un canter souple très sympa. Comme mon action des jambes est quasi nulle, j’ai un peu de mal à mettre des jambes pour le mettre au galop quand il part sur un trot allongé rapide. Seul truc un peu gênant son habitude de mâchonner son mors, jeu qu’il fait également au galop donnant donc des coups de tête parfois désagréables. Mais une fois canalisé sur un galop, je peux lâcher les rênes et il ne bouge pas, là c’est le pied total. Et je me demande comment ceux en selle anglaise peuvent prendre du plaisir avec un galop en équilibre, alors qu’on est si bien à se laisser bercer confortablement assis, les mains relâchées. Son jog est lui très agréable, mais comme il est à la traîne il a tendance à l’accélérer et là c’est moins fun, même si franchement je n’ai pas à me plaindre, c’est vraiment un bon petit cheval.
Le déjeuner est un moment royal. Nous longeons un bout de champ pour aller vers une colline boisée où nous attachons nos chevaux aux arbres (ou plutôt les vaqueros attachent nos chevaux, bon c’est des sapins ça met plein de résine dans les doigts, on va pas se plaindre). Les repas sont importants pour les descendants hispaniques de ce continent, on ne va pas se contenter d’un bout de jambon entre deux tranches de pain ! J’en parlais avec Lucia qui me disait qu’effectivement elle l’avait vécu « un minuscule sandwich, une pomme, hop dans le tupperware et dans tes fontes ». Ceci dit vu ce qu’elle mange… bon quand on voit sa silhouette on comprend. Je propose mon aide qui est gentiment refusée. Adam sort une gourde d’eau pour nous laver les mains (bon, pas besoin de lingettes) et là je suis contente d’avoir lu la liste des affaires à prévoir « un bandana dans la poche est utile pour mettre autour du cou ou s’essuyer les mains », et ben voilà, essuyer les mains c’est très bien (parce que mon foulard blanc autour du cou au bout de deux jours il me faisait un peu honte). On sort la nappe, les tupperwares plein de différents plats, des planches à découper et chacun s’attèle à la préparation du repas. Lucia écrase l’avocat pour le guacamole. Pepe prépare les saucisses, Adam et Chicho font chauffer la viande puis les tortillas. On nous demande de ne rien jeter à terre, un sac est prévu pour la poubelle, et de ne pas nourrir le chien.
Le circuit est programmé dans ses moindres détails. Pepe nous avait expliqué lors du briefing qu’après 1 heure environ, nous faisions une halte. « Nous avons installé des rubans bleu et rose dans les buissons ». Le coin est tellement prévu que la traditionnelle bûche est là pour nous permettre de nous remettre en selle sans difficulté. Idem ici pour le déjeuner. A se demander s’ils n’en n’ont pas assez au bout d’un moment. Moi je me lasserais (dit-elle s’apprêtant à partir pour la 5ème fois en Argentine…). D’autant que Lucia et Pepe sont tout le temps devant, discutant de temps à autre avec un cavalier mais pas plus que ça. Une fois sur la piste, Pepe a sorti son gros cigare. Ca lui donne un sacré look. Il porte le chapeau en paille typique de la région, des chaps en cuir cru traditionnel, une chemise avec une petite cravate et un gilet sans manches. Nous nous avons chaud, mais eux peut-être moins. Les vaqueros ont de superbes chemises western avec découpe et boutons que l’on trouve sur toutes leurs affaires, en forme d’amande.
1783681446.jpgAu menu d’aujourd’hui, côtelettes marinées, butifarras (sorte de chipolata locale), sorte de ratatouille à base de courgette, tomate et maïs, guacamole, fromage. Pour remplacer les assiettes, les célèbres tortillas toutes chaudes que l’on remplit des différents ingrédients selon son goût. Le plus compliqué étant de réussir à manger proprement sans en mettre partout, car une fois qu’on mord dans la tortilla ça coule de partout ! Et saviez-vous qu’une tortilla ça a deux faces (non je n’ai pas abusé de la tequila) ? Il y a deux côtés différents, l’un plus « hermétique » que l’autre, celui qui a été en contact avec plaque. Ainsi le côté plus spongieux est réservé pour l’intérieur où les sauces vont pouvoir entrer sans en ressortir de l’autre côté. Malin non ? En attendant que les plats chauds soient prêts, aujourd’hui en apéritif des noix de cajou. La glacière contient des sodas (sans eux les américains ne survivraient pas), bière, eaux pétillante, le tout très frais. Ils ont même prévu des ballons en plastique gonflables pour combler l’espace vide une fois les canettes consommées et donc éviter que celles-ci ne soient secouées sur le dos de la mule et fassent du bruit (oui, ils ont vraiment pensé à tout). Elle est bien chargée cette pauvre bête.
Il fait super bon, le vent souffle dans les sapins. C’est le pied total. Tout est remballé, il ne reste aucune trace de notre passage et nous repartons.
L’après-midi sera plus court car c’est le premier jour. Nous laissons les chevaux à Los Saucos, un village croisé sur la route quand nous arrivions le premier jour. Des box rustiques attendent nos chevaux. Dès que nous mettons pied à terre les vaqueros nous prennent les chevaux et les y conduisent. Du foin et un seau d’eau les attendent. Chip un peu inquiète demande si on desselle les chevaux, on lui répond que non ça n’est pas la peine puisqu’il faut les resseller le lendemain. Polie elle ne dira rien mais n’en pensera pas moins. Ce sera le sujet de toutes les plaisanteries quand Pepe lui expliquera qu’il s’agissait bien sûr d’une plaisanterie. C’est comme ça que peu à peu il s’est révélé avoir un sens de l’humour fou, adorant taquiner les gens. Doña Macaria, la mule, a droit à sa propre cabane en bois. On l’appelle « doña » car elle est importante, il faut la respecter. Et c’est vrai qu’elle est importante, elle porte les provisions !! Deux vaqueros resteront dormir sur place pour veiller sur les chevaux, Toto aussi reste là, mais ses croquettes suivent également avec les provisions des chevaux.705219302.jpg
Dans les villages nous croisons les paysans, les gardiens de moutons, souvent bien jeunes, les enfants qui jouent et nous regardent passer amusés, les mamans qui semblent passer leur vie à faire la lessive. Il y a partout du linge étendu à sécher. Parfois on les voit préparant les tortillas. En fin de parcours nous avons commencé à croiser pas mal de papillons monarques. Nous ne sommes pas loin du site où ils se trouvent et où nous irons les voir demain.
14h30 la journée est terminée. Sniff, c’est un peu court Monsieur Cadbury. Je prends quelques photos des environs, aujourd’hui l’appareil n’est pas beaucoup sorti de sa pochette, il faut bien que je prenne mes marques avec mon cheval d’abord. Je me rattraperai ne vous inquiétez pas ! Les plus rapides prennent les dernières canettes dans la glacière. Une fontaine est disponible pour nous laver les mains et ils ont même installé une petite tente carrée pour nous servir de WC (d’accord, rustique le WC : un trou au milieu de la tente). Nous reprenons la route, croisons les enfants qui sortent de l’école et disent bonjour à Pepe qui semble connaître tout le monde. A cause des travaux sur la route il nous faut près de 45 minutes pour rentrer.
Mario et Shlomi me proposent d’aller en ville avec eux. Je pose mes affaires, fait un brin de toilette et nous voilà partis vers Valle de Bravo. Ils sont à la recherche d’un magasin vaguement indiqué par Lucia où nous pourrions trouver des accessoires de cheval, leurs filets tressés en autres. Nous ne trouverons jamais ledit magasin, mais la traversée du marché avec ses couleurs et odeurs est des plus intéressante. Ce qu’il y a de bien c’est que nous ne sommes pas dans une ville touristique, c’est une ville mexicaine pour les mexicains. Bien sûr nous détonons, mais nous ne sommes pas du tout harcelés par les vendeurs, c’est un vrai régal que de pouvoir déambuler en toute quiétude. Ca n’est tellement pas touristique, que je n’ai pas vu une seule carte postale (Lucia nous indiquera LE magasin où en trouver).
La maison étant dans les hauteurs et le chemin escarpé, nous prenons un taxi pour rentrer.
Au dîner, soupe de céleri, boeuf à la sauce avec pommes de terre, courgette à la mozzarella, fraises au jus d’orange. Pepe nous a donc expliqué toute l’histoire des papillons et à 21h00 la plupart sont partis se coucher. Moi je suis partie vite noter tout ce qu’il nous avait dit avant d’oublier (ça fait désordre de sortir son cahier à table…). Apparemment les postérieurs font un peu souffrir et les échauffements sont de mise le long des cuisses ou des mollets.
Dans les années 60, un groupe de scientifiques américains et canadiens commencèrent à se demander où disparaissaient les papillons monarques pendant l’hiver. Ils décidèrent alors de marquer les papillons afin de les suivre, avec un système simple de pastille avec un numéro de téléphone. Après plusieurs années ils reçurent enfin un appel du Mexique. Le scientifique en charge de l’étude parti pour le Mexique et prit tout de suite conscience de l’ampleur de la découverte. Il décida de garder secret le site où les papillons hibernaient, si bien que l’article paru dans National Geographic fut pour le moins vague en ce qui concernait la localisation. Mais quelques indices permirent aux plus malins de retrouver l’endroit. D’abord grâce à une photo du guide mexicain qui portait le chapeau traditionnel de la région, ensuite le fait que c’est l’un des seuls endroits où les sapins poussent à une telle altitude.
Les papillons monarques vivent entre 4 et 6 semaines, le mâle mourant après la reproduction (normal, il ne sert plus à rien), les femelles mourant après la ponte des oeufs. A l’automne le manque de luminosité empêche les papillons d’arriver à maturité sexuelle. Ceux-ci vont donc entreprendre fin octobre la grande migration qui va leur faire couvrir plus de 4000 kilomètres depuis l’est des Etats-Unis et du Canada, pour arriver à la chaîne néovolcanique où ils passeront l’hiver. Ils couvrent la distance en 20 à 30 jours se servant des courants chauds pour aller vers le sud. A noter que chaque soir ils se posent pour dormir. Ils arrivent au Mexique tout début novembre d’où la légende qui veut que les papillons soient en fait les âmes des défunts venus pour la fête de la célébration des morts du 2 novembre (fête traditionnelle où les mexicains vont pique-niquer dans les cimetières sur les tombes pour honorer les morts). Les mexicains voyaient passer les bancs de papillons (ils passent même dans les jardins de la finca) mais ne savaient pas où ils disparaissaient ensuite (d’autant que personne ne voit repartir les papillons !). En effet les papillons vont nicher dans la forêt d’altitude, au cœur des sapins dans des endroits finalement assez peu fréquentés par les habitants, surtout en hiver quand les températures sont plus fraîches. Entre 60 et 90 millions de papillons arrivent tous les ans sur les mêmes sites. Pendant 4 mois, les papillons vont trouver à boire et à manger dans la forêt, ne volant qu’une fois la température suffisamment élevée. Ils s’amassent en grappes sur quelques arbres, en couches successives, les couches extérieures protégeant la vie des papillons à l’intérieur. Environ 25% des papillons mourront pendant l’hiver à cause de la pluie, du froid, du vent.
Avec l’arrivée du printemps, les papillons arrivent à maturité sexuelle, se reproduisent, les mâles meurent et les femelles entament leur long chemin de retour. Le 21 mars tous les papillons ont disparu. Les papillons partis du Mexique ne feront pas toute la route jusqu’à destination. Arrivés au sud des Etats-Unis, au Texas principalement, les femelles pondent leurs œufs sur les asclepias, plante vénéneuse dont se nourriront les larves. Cette plante rendra les papillons vénéneux pour les oiseaux et la couleur orange en avise les prédateurs éventuels. A noter que certains papillons non vénéneux ont copié la couleur afin de se préserver. Seul un oiseau a découvert que les papillons ne sont vénéneux qu’en surface et donc ont appris à les aspirer pour en manger l’intérieur. La nouvelle génération va poursuivre sa route pendant les 4 à 6 semaines de leur durée de vie jusqu’à destination, et le cycle se poursuit pendant tout l’été, jusqu’à l’automne suivant. On ignore totalement quel est le moyen utilisé par les papillons pour retrouver leur route et retourner exactement aux mêmes endroits tous les ans. Chez les animaux migrateurs, un « ancien » montre généralement la route mais ici les papillons faisant le trajet ne sont jamais les mêmes. Quantité de théories sont étudiées mais pour l’instant le mystère reste entier.
La découverte des américains a quelque part sauvé de l’extinction les papillons et à l’heure actuelle les trois pays, USA, Canada et Mexique, travaillent en commun pour préserver les sites. Au Mexique, on a créé les « sanctuaires des papillons », les sites étant protégés par des cordes pour empêcher les gens de s’approcher de trop près. On a développé l’éco-tourisme, les paysans jouent les guides pour les touristes et gagnent de l’argent, et les paysans sont sensibilisés pour qu’ils n’abattent pas les arbres. Aux Etats-Unis on pousse les gens à planter les fleurs recherchées par les papillons pour leur fournir des sites de ponte. Le nombre de papillons a fortement diminué, mais la race n’est plus en voie d’extinction.
Pendant leur hibernation les papillons se déplacent ne nichant pas tous les soirs sur les mêmes arbres. Ils sont donc un bon indicateur de la météo à venir aux locaux qui prennent le temps de les observer. A noter qu’avec le réchauffement climatique, les papillons ont quelque peu changé leurs habitudes, ils ne restent plus à un seul endroit mais se déplacent ayant apparemment du mal à anticiper la météo (en fonction des températures ils nichent à plus ou moins d’altitude). De même, comme ils recherchent la chaleur ils ont appris à venir voler autour des routes en goudron qui renvoient la chaleur.
Il y a 5 sites d’hibernation répartis dans la chaîne des volcans. Valle de Bravo est la zone la plus petite avec seulement une soixante d’arbres « habités ». Du coup, moins de gens viennent ici pour les papillons et la visite est plus agréable, à l’écart des hordes de touristes. En plus comme nous y allons à cheval, nous gagnons les 45 minutes de marche nécessaires du point de départ de la route jusqu’aux arbres.
Pepe nous prévient qu’on ne sait jamais où sont les papillons. Il y a 15 jours ils ont dû grimper pendant plus d’une demi-heure, la semaine dernière ils ont descendu pendant 10 minutes (ce que nous allons découvrir c’est que si l’on descend, il faudra bien remonter à un moment !).
En descendant dans la chambre je me suis arrêtée voir les garçons (Mario et Shlomi) jouer au billard et du coup ils m’ont proposé de jouer. Pas gagné, la dernière fois que j’ai touché une queue de billard, c’était chez mes oncles en Espagne au village, je devais avoir une quinzaine d’années. Bien amusée pendant quelques parties, quelques beaux coup de chance du débutant et une réflexion de Shlomi « j’adore jouer avec des femmes, elles ont toujours des pauses superbes ». Pas macho pour deux sous le monsieur. Couchée à 22h30.


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