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L’impossible portrait (Arles 5)

Publié le 06 juillet 2011 par Marc Lenot

L’impossible portrait (Arles 5)Après quelques déceptions et quelques quarts d’enthousiasme, c’est bien la première exposition de ces Rencontres de la Photographie d’Arles (jusqu’au 18 septembre) qui me transporte, qui me séduise, qui me fasse à la fois rêver et réfléchir. Le nom de Cy Twombly est bien sur l’affiche (et, sortant de l’exposition, j’apprends son décès), mais il vous faudra aller à (en) Avignon pour voir ses photographies. Par contre il y a là deux artistes que Twombly avait invités, et tous deux travaillent sur la disparition de l’image, sur l’impossibilité de représenter un visage, sur la fin du portrait, sur la mort des stars aussi peut-être. L’un utilise la photographie (mais est-il photographe ?), l’autre pas, mais est-ce si important ?

L’impossible portrait (Arles 5)
De Douglas Gordon, je connaissais les yeux crevés devenus reflets, les visages aveugles perdant toute expression, le vertige qui nous gagnait à contempler ces yeux vides. Mais les portraits présentés ici vont bien au-delà. Ce n’est plus simplement le regard qui est oblitéré, mais ce sont des pans entiers du visage qui ont été brûlés, mutilés ; la peau/papier a été arrachée, les trous oculaires mangent la face. Les personnages ainsi défigurés, gueules cassées d’aujourd’hui, sont des acteurs célèbres, de ceux que, dans ma génération, on punaisait aux murs d’une chambre d’adolescent(e) : on s’efforce de deviner leur identité avant de lire le cartel, de reconnaître tel détail, telle coiffure crantée, tel maxillaire arrogant. Mais le geste sacrilège de destruction d’un visage est aussi une re-création : dans les zones lacunaires du portrait de la star détruite apparaît le miroir, et dans ces bouts de miroir apparaît le nouvel héros, le spectateur. Photographiant l’œuvre, j’y apparais (délibérément), m’incluant dans ces Self-Portrait of You + Me, déstabilisant ma relation à l’œuvre, remettant en cause ma passivité en tant que spectateur (Madeleine Renaud, en haut, et Jean-Louis Trintignant, ci-dessus, ont peut-être en effet été sur les murs de ma chambre : retrouvailles). Peut-être y a-t-il trop d’œuvres de ce type ici, une dizaine aurait suffi, ensuite on se prend un peu trop au petit jeu de devinettes, on se dissipe, m’a-t-il semblé.

A l’étage, c’est l’occasion de (re) voir 24 Hours Psycho, l’étirement sur 24 heures par Gordon du film de Hitchcock, et à la librairie d’Actes Sud, d’acheter le roman de Don DeLillo, Point Omega, dont ce film est l’alpha et l’omega.

L’impossible portrait (Arles 5)
Face aux portraits détruits et recréés de Douglas Gordon, Miquel Barcelo peint des anonymes : visages non plus détruits mais défaits, yeux non plus absents mais décomposés, non plus un vide rempli de reflet, mais une descente vers le bas, une fonte des traits, un dégel de formes délavées. Barcelo peint avec de l’eau de Javel sur des toiles de lin noir et les visages deviennent des ombres, des fantômes, des esprits (Alberto). On en arrive ainsi peut-être au constat de l’impossibilité du portrait.

Photos de l'auteur. Barcelo étant representé par l'ADAGP, la photo de son oeuvre sera ôtée du blog à la fin de l'exposition. 


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