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Chloé Mons – Walking

Publié le 15 juillet 2011 par Bullesonore

walking

Quand on m’a proposé une écoute du nouvel album de Chloé Mons et de gribouiller quelques lignes dessus, j’avais juste répondu « Tant que ce n’est pas un album de Mélanie Laurent…« . Parce que franchement, les actrices-chanteuses qui sortent un disque entre deux films, on en voit des tonnes et la plupart ont soit une voix affreuse, une écriture insipide, un charisme d’huître ou une culture musicale qui se résume à Elvis, Johnny et la star académy. Et au final, qu’est ce qu’on retient ? Qu’est ce qu’on garde ? Rien d’intéressant de ces dits « artistes-chanteurs-mannequins » (jetables). N’est pas  Marlene Dietrich qui veut !

Par contre Chloé Mons, du talent elle en a (il suffit d’écouter ses albums « Chienne d’un seul » et « Par la rivière », tu ne t’en sortiras pas indemne) ! L’indienne blonde m’avait ensorcelé avec ses rythmes presque chamaniques, cette manière de crier les mots, de mettre un peu de poésie dans nos coeurs sourds. Comme une étoile filante (rare et décalée), elle aurait pu être un mélange de Béatrice Dalle et Lhasa de Sela. Un univers à part, des albums ovnis, lo-fi et hantés. En écoutant « Par la rivière », je fus envoûté par la voix bouleversante, voir un peu perturbante (dans le bon sens) de Chloé. Ses cris d’indienne possédée m’ont rendu ivre … d’émotion et laissant quelques larmes faire leur boulot sur « Poreuse« . Il y a de ces albums qu’on doit écouter avec les tripes, et ceux de Chloé en font parties.

Chloé Mons – Walking

Née dans une famille bohème où le rock’n'roll et l’art contemporain sont omniprésent, Chloé Mons a fait ses classes en fac de lettres et au conservatoire de théâtre de Lille tout en jouant les muses pour le photographe Tom Sewell qui l’a un peu embarqué dans son univers. Puis vers 1997, Jacques Audiard la retient pour le clip de La nuit je mens, d’Alain Bashung. Coup de foudre. Ils se marient … Le reste de l’histoire, tu dois surement le connaitre.

Mais sa vie ne se résume pas qu’à cette rencontre, il y a SA musique. Et ce que je préfère chez elle, c’est qu’elle n’est pas là pour écrire des chansons « aux gens », mais pour elle. Chloé met ce qu’elle ressent sur du papier, sans qu’elle ne se censure. Certainement, on arrive à se reconnaître dans son univers poétique, dans cet endroit où il n’y a pas de provocation gratuite ou de mots dénués de sens, juste de la poésie, de la magie, de la sincérité et un peu de la vie. Chloé écrit comme elle respire, chante comme elle respire … Une artiste libre !

Chloé Mons – Walking

Cette année, après avoir beaucoup voyagé en Afrique et aux USA, Chloé part à Kingston dans l’état de New York pour enregistrer son nouvel album avec Malcolm Burn (qui a travaillé entre autres avec Bob DylanIggy Pop, ou Emmylou Harris). Il s’agit de Walking, disque aux influences blues et tribales. Un rêve sonore qu’on écoute avec son coeur et ses tripes. Un bel album qui nous raconte ce voyage à travers l’Afrique, à travers l’Amérique.

Le compositeur William Christopher Handy (considéré comme le père du blues) a raconté dans son autobiographie que, dormant dans un train, il avait été réveillé par :

« …un homme noir tout maigre, [qui] avait commencé à jouer de la guitare près de moi alors que je dormais. Ses vêtements étaient des chiffons. Son visage portait la tristesse des âges. Pendant qu’il jouait, il a appuyé un couteau sur les cordes de la guitare. … L’effet était inoubliable. [C'était] la musique la plus étrange que j’avais jamais entendue. »

Chloé Mons a fait le voyage à l’envers, en partant du rock jusqu’aux racines du blues en Afrique. D’ailleurs c’est surprenant comment elle arrive à nous emmener vers ailleurs avec sa chanson « Bapalaye« , chantée en dioula et issue du folklore africain.

Chloé Mons – Walking

Walking, un disque audacieux, un poil atypique où se mêlent guitares électriques, piano, ukulélé, percussions, etc. avec des mélodies entêtantes et incandescentes. L’artiste joue avec sa voix comme d’un instrument à part entière, tantôt rauque tantôt sensuelle, et nous offre une reprise assez étonnante de « Hot Stuff », bien loin de la version disco d’origine de Donna Summer. Si Morrison était vivant, il se serait laissé emporter dans cette danse tribale envoûtante qu’on retrouve dans le captivant « Tough People« , du bon rock-blues tout droit venu du grand sud américain.

Une artiste qui avance malgré tout, telle est Chloé. D’un « Straight in the tempest » au seul morceau interprété en français « Fugue« , l’indienne blonde nous conte tout en douceur et en poésie son long voyage. Mère Afrique nous invite à faire un détour par la gambie avec « Three Days In Banjul » ou la Guinée-Bissau avant de rejoindre les USA et « Alcatraz« . A l’arrière d’une berline américaine, des fantômes ivres de liberté nous guettent.

Chloé Mons nous a offerte un album exquis, envoûtant et ensorcelant. C’est bien dommage que dans les oreilles de certains sourds, elle n’est que « la femme de …». Réduire son talent à cette étiquette, c’est agaçant. En tout cas, ce n’est pas cela qui l’empêchera d’avancer.

Je me rappelle d’une interview de Brian Molko, chez Bernard Pivot, qui disait qu’il aimerait que dans un aéroport au lieu de filer son passeport, il leur donnerait, en échange, son disque. Tu veux connaitre Chloé Mons ? Ben écoute son album, laisse toi bercer par ses sonorités troublantes, … Tu ne seras pas déçu !

Crédit Photo : Delphine Ghosarossian
Crédit Photo Album Walking : Pierre Terrasson


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