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Le rayon vert

Publié le 18 février 2008 par Philostrate

   Dimanche soir, lors du match de football entre Marseille et le PSG, un rayon vert s'est baladé pendant de longues minutes sur le visage de l'arbitre et des joueurs parisiens. Emise par un pointeur laser actionné des tribunes, cette tache de lumière parasite devait, dans l'esprit du courageux inconnu à son origine, contribuer à semer la confusion chez l'homme en noir et à déconcentrer les tireurs de coups de pied arrêtés.

Un incident révélateur de la volonté de certaines franges de supporters de ne plus se contenter du rôle de spectateurs passifs de l'événement. Avant, on achetait son billet, on beuglait ou non, selon son degré d'implication, puis on rentrait chez soi l'écharpe en berne ou bien on allait fêter la victoire au "Bar des Sports" du coin.   

  Maintenant, on part du principe qu'acheter un billet ou un abonnement n'ouvre pas seulement les portes du stade, mais donne aussi droit de vie ou de mort sur ceux qui s'y produisent. D'où les coups de lattes vengeurs sur les bolides des joueurs soupçonnés de ne pas assez "mouiller le maillot". Les tentatives de destabilisation nauséeuses pour faire péter les plombs à l'adversaire. Dans l'anonymat confortable des tribunes, on révise son manuel du parfait raciste, on joue du laser, on balance des projectiles sur le tireur de corner… Bref, on essaie d'avoir son petit rôle dans la tragi-comédie du sport moderne.   

  On ne s'interroge pas assez selon moi sur la dimension masochiste de ce phénomène. Car quoi, en France, les supporters ne sont pas socios, rien n'oblige les clubs à leur accorder une quelconque attention ou droit de regard sur ce qui se passe sur le terrain et en dehors. Plutôt que de beugler "Équipe de m… !" que ne restent-ils pas chez eux ces vigoureux jeunes gens ? Plutôt que de rappeler à chaque saison ratée "C'est nous qu'on paie pour voir jouer ces peintres !", que n'emploient-ils pas leurs précieux et souvent rares euros à autre chose ? Les clubs ne s'en porteraient pas plus mal, la billetterie ne représentant plus qu'une part symbolique  de leurs recettes…   

  A les voir  gaspiller tant d'énergie pour des gens qui, à les entendre, n'en valent souvent pas la peine, ou pour tenter d'obtenir par les moyens les plus odieux une victoire qui n'est belle qu'à la régulière, la question de leur motivation profonde se pose. Sans doute sont-ils à plaindre, comme ces fous qui se mettent eux-mêmes des coups de marteaux sur la tête tout en hurlant de douleur… Plutôt que ne pas exister du tout, mieux vaut s'acharner à supporter une équipe de baltringues que l'on peut insulter à volonté. Plutôt que de s'en remettre aux règles du jeu pour obtenir un succès, mieux vaut les contourner en ayant recours aux pires artifices. 

L'attitude confine au handicap social, mais est parfaitement raccord avec le clinquant d'un football professionnel, qui attire dans certaines de ses tribunes les ratés comme les lanternes les papillons de nuit un soir d'été.


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