Magazine Juridique

En exclusivité sur la télévision nationale égyptienne, la « drama » historique de ramadan…

Publié le 08 août 2011 par Gonzo

En exclusivité sur la télévision nationale égyptienne, la « drama » historique de ramadan…Rien à faire, le cœur n’y est pas ! Cette année, les téléphages arabes ne montrent pas le même appétit pour leurs séries pourtant étroitement associées aux soirées de ramadan. A peine une petite polémique à propos d’un feuilleton qui raconte, assez maladroitement semble-t-il, la vie du poète palestinien Mahmoud Darwich et qui irrite prodigieusement les fans du poète, agacés par la manière dont la culture populaire traite leur idole (c’est vrai qu’il fait un peu niais sur cette photo qui illustre un article dans Al-Akhbar). Et tout juste la rituelle controverse à propos du caractère, licite ou non, des feuilletons religieux dans lesquels des acteurs, humains trop humains, interprètent les grandes figures de la religion. On a déjà eu l’occasion d’en parler : les points de vue divergent sur cette question, notamment entre chiites et sunnites. Une divergence théologique qui prend une dimension politique (voir « Le croissant chiite » et la guerre des images saintes), d’autant plus aiguë que l’offre télévisuelle reste malgré tout en partie déterminée par les goûts du public, apparemment friand de ce type de production (voir La religion des feuilletons : côté « images pieuses mais sacrilèges »). Cette année, l’objet du scandale se nomme Hassan, Hussayn et Moawiyya (anciennement Al-Asbât), drame historico-politique qui, comme le dit cet article sur le site d’Al-Arabiya, revient sur la plus dramatique fitna de l’histoire musulmane à l’origine, au VIIe siècle, de la divergence entre chiites et sunnites.

Incontestablement, les consommateurs arabes n’ont pas autant besoin cette année de leur dose annuelle d’opium télévisé parce que l’actualité leur offre, avec le printemps arabe, un feuilleton aux péripéties autrement fascinantes. Mercredi dernier, l’Egypte tout entière, et une bonne partie du monde arabe, s’est assemblée devant les postes de télévision pour regarder un épisode historique, qui n’est pas près de se renouveler. Après la très détestable téléréalité, sous le regard complaisant des soldats US, de l’exécution de Saddam Hussein (repris, par les bons soins de la BBC, en vraie série télé tournée en… Tunisie avec dans le rôle principal un acteur… israélien : on a vraiment changé d’époque !), la révolution égyptienne met donc en scène le procès de l’ancien président, avec comme générique cette séquence d’anthologie : dans la « cage des accusés » on voit successivement entrer les différents accusés, une borchette d’anciens ministres, les deux fils de Hosni Moubarak et l’ex-président de la République en personne. Le plus impressionnant, c’est peut-être le silence qui règne entre les commentaires de la speakrine, un vrai silence comme il s’en fait lors des tragédies les plus poignantes : il permet d’imaginer les pensées de millions de personnes en cet instant

Comme dans les « vrais » feuilletons, la bande-son a la plus grande importance. C’est elle qui, en quelques phrases musicales, résume toute l’ambiance de la drama. Pas de mélodie pour cette série dont les téléspectateurs arabes attendent certainement la suite avec impatience, mais un dialogue que nombre d’Egyptiens ont téléchargé sur internet pour en faire leur sonnerie de portable (pour la décharger, cliquer ici) :
— Premier accusé, Mohammad Hosny Al-Sayyid Moubarak.
— Votre Honneur, je suis là !
— Tu1 as entendu les accusations formulées contre toi. Qu’as-tu à dire ?
— Toutes ces accusations, je les nie en bloc.

(La scène se répète avec les deux fils.)

La suite du procès, c’est en principe le 15 août… D’ici là, bonnes soirées de ramadan (avec peut-être d’autres guest stars pour le grand feuilleton des révolutions arabes !)

  1. Non, ce n’est pas un tutoiement révolutionnaire, c’est usuel en arabe, même si le juge aurait pu trouver une formule pour éviter d’avoir à user de la deuxième personne… Il a choisi de ne pas le faire.

Retour à La Une de Logo Paperblog