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Quel théâtre pour le président ?

Publié le 21 février 2008 par Argoul

Le pire ennemi de Nicolas Sarkozy est lui-même. Rançon du pouvoir : on est seul ; rançon du pouvoir absolu : on est seul absolument. Comme dans le désert, face à soi-même, à ses désirs sans limites, à ses éventuels démons. De 57% d’opinions favorables en septembre dans le sondage BVA, le président tombe à 36% en février. Du jamais vu ? Non, le dévissage de la popularité est la règle dans toutes les démocraties d’opinion, en France comme à l’étranger. Plus on part de haut, plus la chute est forte. Celle de Nicolas Sarkozy n’est ni plus rapide ni plus brutale que celles qu’ont connues Mitterrand et Chirac.

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Mais les raisons en sont autres. Pour les précédents, c’était la situation économique qui était en cause, et les promesses sur lesquelles ils avaient cru bon de s’asseoir. Pour Nicolas Sarkozy, c’est plus subtil. Certes, la situation économique ne s’améliore pas, due à la conjoncture internationale, et deux maladresses au moins ont amplifié les revendications : le paquet fiscal inopportun en juin et l’impuissance affirmée sur le pouvoir d’achat. Mais les Français savent que des réformes sont nécessaires, qu’elles prennent du temps, et que Nicolas Sarkozy y applique une volonté. En témoigne la popularité relative du Premier ministre et le soutien à la politique suivie. Ce qui est en question est moins le fond qu’un certain style.

Si Mitterrand allait bien dans une petite rue du quartier intellectuel, près de la Seine, si Chirac se fondait dans les grandes avenues bourgeoises, Sarkozy se plante sur les grands boulevards. Avec ses paillettes et ses théâtres, ses cocottes et ses équipages. Cécilia et Carla, la photo et le SMS, le yacht et la Jordanie, la montre et les lunettes de soleil, le fils et le porte-parole – tout cela évoque Zola côté gauche et sonne Feydeau côté droit. Rappelons que Feydeau est présumé fils naturel du flambeur duc de Morny et d’une polonaise… Ce côté Napoléon III, autoritaire et vaudeville, oukases et cocottes, n’est pas le style que les Français préfèrent.

Les intellos parlent de « désacralisation » du pouvoir présidentiel, l’opposition prend l’air constipé de la morale de province, le Modem y va de ses grincements apathiques en vieux système qui cherche encore la porteuse… Comme si la pipolisation avait été inventée par Sarkozy, lui qui n’a pas accouché de sa petite dernière devant les caméras. Comme si la provocation médiatique était son originalité, lui qui n’a pas donné de baffe à un gamin cherchant à lui faire les poches (ni ne s’est soigneusement tu lorsqu’un enseignant a été gardé à vue 24 h pour en avoir baffé un qui le traitait de ‘connard’). Les dérives, si elles sont à chercher, sont dans le système médiatique. Nul n’est virginal dans cette affaire, pas plus Royal que Bayrou, experts eux aussi en poses théâtrales devant « l’opinion ».

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Mais il ne faudrait pas que le syndrome Lewinski détourne des vraies questions. Pipe n’est pas politique, pas plus pour Sarkozy que pour Clinton. Changer les règles obsolètes, les comportements corporatistes, les blocages économiques et politiques est urgent. Faute de programme à gauche, on attaque à droite la personne. C’est facile, c’est suffisamment bas pour que ça paye toujours, surtout dans les cafés du commerce où l’interdiction de fumer énerve les smicards dont on va solliciter les bulletins municipaux. Mais on n’entend guère dame Ségolène sur le rapport Attali ; on n’a guère saisit la clarté du PS sur le traité européen ; on ne lit aucune alternative concrète sur les retraites, pourtant négociées à la satisfaction syndicale… Et il faut tendre l’oreille pour capter ce que pourrait bien dire le Modem ailleurs que sur « la croyance » - dont il semble que ce soit la chasse gardée.

On le sait bien, Nicolas Sarkozy n’est pas un libéral – pas même une de ces caricatures de gauche pour effrayer les enfants. Nicolas Sarkozy est bonapartiste, interventionniste, oscillant entre néo-conservatisme et néo-colbertisme, entre Guaino et Guéant, ses deux éminences grises. Et, au fond, c’est bien cela le problème : l’image que donne le président Sarkozy. Cette confusion apparente des objectifs, la valse des maîtresses qui le figurent en « pantin » (Jean-Louis Bourlanges) ne font qu’illustrer l’écart entre l’ordre bourgeois et la transgression Mai 68. Ce qui fait tout le sel d’un vaudeville à la Feydeau, justement.

Mais quand allons-nous clore la saison des petits théâtres pour ouvrir – enfin – les portes de la Comédie Française ?


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