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Contre le mariage homosexuel au nom du libéralisme

Publié le 25 août 2011 par Copeau @Contrepoints

L’article d’Aurélien Véron sur le mariage homosexuel n’a pas fait l’unanimité et Jan Larmaan, conseiller national du Parti Libéral Démocrate, nous a communiqué son article en contrepoint: également au nom des idées libérales, il s’oppose au mariage homosexuel. Voilà pourquoi.

Contre le mariage homosexuel au nom du libéralisme
Cette histoire de mariage homosexuel présente bien des traits qui devraient déclencher l’anti-virus des logiciels libéraux.

Une fois de plus, les hommes de l’État cherchent à changer le sens des mots. Ils nous ont déjà fait le coup avec la monnaie, maintenant c’est avec le mariage. Le mariage, c’est le contrat conclu entre un homme et une femme pour unir leurs vies et tâcher d’élever des enfants. Je peux désirer partager la vie de mon meilleur ami : ça s’appelle de l’amitié, pas un mariage. Je peux même vouloir mettre les conditions de cette vie commune avec lui sur le papier d’un contrat, sans qu’il soit nécessaire de forcer le sens des mots. Le PACS, au moins, ne tombe pas dans ce travers.

Il y a une autre raison de se méfier : les libéraux ont horreur que les hommes de l’État bricolent avec des institutions humaines qui sont nées sans eux. Sous prétexte d’améliorer les progrès de la recherche, on nous a fait le CNRS. Pour avoir prétendu moderniser l’agriculture, on se retrouve avec la PAC sur les bras. Et voilà que pour rendre les homosexuels encore plus heureux, ils auraient le mariage? La société n’est pas un mécano. Les grands maîtres du libéralisme nous apprennent que la Grande Société est le résultat d’une évolution, d’une tradition. Personne ne peut dire par quel chemin historique nos ancêtres en sont venus à sélectionner telle ou telle règle de conduite. Pourquoi la bigamie plutôt que la polygamie? Pourquoi confier les enfants à leurs géniteurs plutôt qu’à une institution collective? Pourquoi contraindre les époux à la stabilité? On peut se mettre en quête de raisons parfois très ingénieuses pour expliquer comment ces règles assurent liberté et prospérité aux groupes humains qui les ont adoptées. Mais ce sont des raisons de convenance, trouvées a posteriori.

Un exemple : si on confie l’éducation des enfants aux parents et pas au gouvernement (contrairement à ce que recommande tout un courant collectiviste à la suite de Platon), ça a pour conséquence de susciter un espace privé, des savoirs, des valeurs et des histoires autonomes du gouvernement ; c’est même une condition du pluralisme scientifique. Mais ce principe a très probablement été inspiré par une règle religieuse (« tu honoreras ton père et ta mère »), et pas par des considérations épistémologiques. Cette loi des conséquences inattendues est très prisée par les libéraux quand ils contestent les prétentions des constructivistes étatiques ; je propose que nous nous en souvenions au moment de vouloir toucher à une institution de liberté aussi importante que le mariage.

Dans une de ses tribunes, Aurélien Véron affirme que « la position qui fédère l’ensemble des libéraux, conservateurs ou non, c’est le fait que le mariage est une affaire privée dont l’État ne devrait pas se mêler ». Je pense qu’il se laisse entraîner trop loin par ce qui est vraiment commun aux libéraux, c’est-à-dire une colossale méfiance de l’État. Nous sommes méfiants, mais pas anarchistes. Les libéraux ne pensent pas que l’ordre social dont l’État est le protecteur soit une nuisance. La recherche de l’excellence dans l’éducation ne se fait pas au détriment des ignorants. La propriété privée n’est pas là pour protéger les riches. La justice n’a pas pour soin de persécuter une classe sociale. La nation n’entretient pas la haine de l’immigré. Et réserver le mariage à un homme et une femme n’est pas l’obstacle à la félicité des homosexuels. Prenons donc garde aux séductions d’un certain progressisme tout à fait étranger à la tradition libérale.

Je vois ce qui peut gêner : être contre le mariage homosexuel, ce serait faire preuve de conservatisme étriqué. Mais depuis que les libéraux ont vu leurs acquis s’effriter un par un pendant le XXème siècle, leur attitude a pris par nécessité un tour conservateur : il faut défendre les lois et les institutions en place, car elles garantissent l’ordre libre.

Il reste une raison capitale à mentionner. Modifier le mariage en l’ouvrant aux personnes de même sexe constitue une tentative de plus dans la destruction de la famille traditionnelle ou bourgeoise. Les libéraux se sont dans le passé alliés à la gauche pour dissoudre toutes les communautés naturelles qui opprimaient les forces individuelles : corporations, liens féodaux, censures, familles claniques. Mais aller à l’échelon inférieur et ajouter un clou dans le cercueil déjà bien fermé de la famille nucléaire, c’est de trop. Cette institution mérite un soin extrême de notre part. La destruction de la famille par les socialistes ne vise pas à libérer l’individu, mais à préparer son embrigadement dans les structures utopiques qui sont le but du socialisme. Détruire la famille, c’est détruire la personne libre, ce par quoi le libéralisme existe.

Le philosophe Philippe Nemo en résume les principales raisons.
D’abord, pour être libre il faut savoir observer la loi, donc avoir atteint la rationalité adulte. Sans maîtrise rationnelle de sa personnalité, l’enfant ne peut pas vivre dans l’état de droit, la société de liberté. Avant cela un enfant doit donc rester sous l’autorité stricte de ses parents.
Ensuite, c’est dans la famille que se construit la vraie personnalité psychologique. On y construit sa dignité durant les longues années de fréquentation confiante avec ceux pour qui on est unique et irremplaçable : parents, frères et sœurs. C’est de son père et de sa mère qu’on apprend ce qu’est être homme ou femme, d’où les réticences à accéder à une autre demande de ce débat : l’homoparentalité. Seul l’environnement familial permet cette délicate construction de l’individualité. Ajoutons que cela se poursuit quand on devient père ou mère, car c’est en ayant des enfants qu’on bâtit sa personnalité de parent.
De plus, seule la famille peut transmettre un patrimoine, matériel ou immatériel, ce qui nous permet de nous lancer dans la vie pour y réaliser les initiatives et les entreprises qui nous sont chères. Là aussi fleurit l’idée de propriété privée, mais plus largement celle d’espace privé. Personnalité et patrimoine forgent ce domaine hors d’atteinte de l’État, où prospèrent des légitimités qui échappent au groupe.

En dissolvant l’institution familiale, on fabrique des individus sans individualité, des électrons qui n’ont de cesse d’aller se fondre dans des masses informes aisément asservies par les hommes de l’État. C’est pour cela qu’il faut assumer les réalités juridiques propres à la famille et au mariage, comme la non-liberté de ses membres : le divorce doit être contraignant, les enfants ne doivent pas s’échapper de chez eux sans que le gendarme les y ramène ou que le juge soutienne l’autorité parentale, l’école ne doit pas imposer les programmes des syndicats, l’infirmière scolaire doit s’interdire toute intrusion dans l’éducation sexuelle familiale.


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