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D'Anna Calvi à Valérie Donzelli : la guerre est déclarée

Par Petistspavs

D'une journée à Rock en Seine (le dimanche, sous un ciel clément après les pluies torrentielles de la veille), je retiendrai une foule apaisée (où sont les festivals rock d'antan...), un service d'ordre à l'entrée un peu nerveux (au fait, c'est le genre de manifestation où on vous pique le bouchon de votre bouteille d'eau sans vous dire pourquoi...), une programmation plutôt excitante (The Kills, The Foo Fighters, Austra - une de mes découvertes de l'année, Deftones ou Likke Li, surprenante), une Kilkenny servie en 50 cl dans des verres estampillés Rock et l'envie de revenir dans un an en se demandant bien qui pourra tenir la tête d'affiche à ce moment. La routine, en somme.

Puis vint le moment attendu, qui avait justifié en fait le déplacement de Boulogne : le set du trio d'Anna Calvi. Je n'ai pas pris les photos ci-dessous (j'ai utilisé celles du site de Rock en Seine), trop occupé à jouir des 50 minutes environ de la prestation. Mais la Belle était (au moins) aussi belle que ça.

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Sans très grande surprise, le concert a suivi, à peu près, le cheminement de l'album Anna Calvi qui, depuis le début de l'année, accompagne mes rêveries diurnes et nocturnes et les rend plus désirables.

Devant un public de curieux, attiré jusque là par la perspective d'accéder à des groupes plus "lourds" (comme Deftones ou Archive), Calvi, après s'être promptement, et sans chichi, mise en place (elle restera dans le petit coin de la scène qu'elle s'est assignée, sur la gauche, non comme la Star qu'elle n'est pas encore, mais comme le membre actif d'un groupe, rôle qu'elle assume entièrement), elle égrène les volutes d'électricité sèches et abruptes de Rider to the sea, dont les derniers arpèges nerveux annoncent No more words.
L'idée qui vient assez vite, après quelques titres est que tous sonnent aujourd'hui comme des classiques, après seulement quelques mois d'écoute. Ensuite, les minuscules défauts relevés au Trianon (concert vu, non en salle, mais sur Arte) se sont dissous dans une aisance nouvelle 
au service d'une autorité douce qui s'exerce non seulement sur les deux autres musiciens du trio (Stan le batteur et Mally, multi-instrumentiste), mais désormais sur le public.


Desire,
dans une version d'il y a quelques mois,
déjà très belle. 

Cette musicienne formée au violon classique dès l'âge de 6 ans est en train, non de perdre ce contrôle sur elle-même qui pouvait trahir chez elle à ses débuts (si proches...) un caractère hautain, une nature de glace un peu caricaturalement british, mais d'en maîtriser les effets. Hiératique plus qu'hautaine (la hauteur qu'elle semble revendiquer est la signature du sérieux avec lequel elle aborde la musique, d'une sorte de probité foncière dans l'approche de son métier, d'un certain refus du statut de saltimbanque), Anna Calvi redéfinit le rock comme un art de l'intégrité absolue. Son rock est violent, il surfe sur des codes historiquement établis (les basses "à la Duane Eddy"), mais il est profondément intègre, honnête, sincère. Le trio a appris de l'Experience d'Hendrix qu'un petit nombre d'individualités jouant juste et très fort un rock inspiré peut installer le chaos. Le set d'Anna Calvi a des allures de chaos organisé, maîtrisé, voulu, désiré. Ses solis (elle utilise uniquement une Fender Telecaster hors d'âge) ont quelque chose de nécessaire, d'urgent, sa voix est volontiers orgasmique.
A Boulogne, le concert trop court (mais tellement dense !) se termine sur Jezebel. Impressionnant.

L'intégrité dont il est question ici a aidé la jeune artiste à se libérer du fardeau d'un buzz délirant ayant lesté ses premiers pas au grand jour. Starifiée avant même d'enregistrer son premier album solo, elle a su mettre entre l'apparence d'une gloire aussi suspecte que précoce et la réalité de son talent, une armure faite de travail, de volonté et de modestie. Il va être temps de la libérer désormais des glorieux mais pesants oripeaux qui plombent son image de créatrice, de Patti Smith à Polly Jean Harvey, de Jeff Buckley à Edith Piaf. Anna Calvi est Anna Calvi et, mieux, elle va vraiment devenir Anna Calvi, ce qui est tellement mieux que la réincarnation de telle ou tel.

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Très soutenue par Les inrocks (lire ce papier du 2 novembre 2010, puis cette belle interview de février 2011, la jeune anglaise sera du prochain Festival des inrocks (le 7 novembre à l'Olympia).

Le site "officiel" d'Anna calvi, CLIQUER ICI.

Avis,
Ce mercredi 31 août,
La guerre est déclarée

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ENFIN !

Ce n'est pas tous les mardis qu'un film fait la Une et donne matière au Dossier (5 pages) de Libération. Ce fut le cas ce mardi 30 août avec La guerre est déclarée, le nouveau et merveilleux film de et avec Valérie Donzelli (dont ce blog ne sait plus comment faire l'éloge, depuis qu'il s'est mis au service de son talent) avec la participation hyper-active de son (ex ?) compagnon, Jérémie Elkaïm.

Film accessible, élégant, généreux, drôlétriste et furieusement politique (ne jamais accepter l'inacceptable, telle semble être la devise du couple Donzelli-Elkaïm), La guerre est déclarée devrait être l'événement de la rentrée cinématographique française. A moins de désespérer du public français, ce que je ne saurais croire.

Plutôt que la bande-annonce (aussi belle soit-elle), je vous propose un entretien entre Jérémie et Valérie et un journaliste (désolé, je le connais pas...) à Cannes, à propos du film ; ça pourrait s'intituler La guerre est déclarée ou le cinéma en tant que principe de plaisir ; ça montre aussi, dans ce couple tellement agréable de cinéma, qui maîtrise le langage et qui, au final, a la parole.

Pour Valérie, comme pour Anna Calvi, il semble que la guerre est déclarée. La guerre de la reconnaissance dans des milieux, celui du cinéma, celui du show biz, durs aux âmes tendres. Et la guerre contre la médiocrité ambiante. Bientôt gagnées, pour l'une comme pour l'autre. 


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