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Freedom – Jonathan Franzen

Par Livraire @livraire

Éditions de L’Olivier
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Anne Wicke
ISBN : 978-2-87929-657-9
Titre original : Freedom

Freedom – Jonathan Franzen
Quatrième de couverture :
Patty sera la femme idéale, c’est décidé. Mère parfaite, épouse aimante et dévouée, cette ex-basketteuse a fait, en l’épousant, le bonheur de Walter Berglund, de St. Paul (Minnesota). En devenant madame Berglund, Patty a renoncé à son goût pour les bad boys, à commencer par Richard Katz, un rocker dylanien qui se trouve être aussi le meilleur ami de Walter. Freedom raconte l’histoire de ce trio amoureux et capture le climat émotionnel, moral et politique des États-Unis entre entre 1970 et 2010 avec une incroyable virtuosité. Anatomie d’un mariage, ce livre propose une méditation sur les déceptions et les compromis auxquels se trouvent confrontés ces baby-boomers qui avaient voulu changer le monde. C’est aussi l’acte d’accusation le plus féroce qu’on ait vu depuis longtemps sur ce qu’est devenue l’Amérique. Mais sa plus belle réussite est sans nul doute le personnage de Patty. Telle une héroïne sartrienne égarée dans un roman de Tolstoï, elle cherche à se libérer – mais de quoi ? –, tandis que les États-Unis livrent en Irak leur propre guerre napoléonienne, en tentant d’imposer la démocratie par la force. Paru aux États-Unis à l’automne 2010, ce livre magistral a connu un immense succès critique et public (plus d’1 million d’exemplaires vendus), après avoir valu à son auteur la « une » du magazine Time. Il est traduit (ou en cours de traduction) dans 36 pays.

Mon avis :
N’ayant jamais lu Jonathan Franzen et après avoir eu un aperçu des critiques dithyrambiques sur son dernier roman, je me suis dit qu’il serait bon que je découvre cet auteur à mon tour, tenant peut-être là de nouvelles lectures nourrissantes.
La déception est malheureusement à la hauteur des compliments que ce roman semble avoir reçu un peu partout. La lecture lénifiante et abrutissante d’un narrateur morne qui débite à la chaîne des phrases descriptives qui écrasent impitoyablement le moindre relief intéressant que pourrait contenir l’histoire.
Le récit est scindé en plusieurs parties, tout d’abord une sorte d’introduction qui présente en une rapide rétrospective, l’histoire de la famille Berglund et plus particulièrement, Patty et ses obsessions ménagères, de l’éducation des enfants à la vie citoyenne au sein d’un quartier plutôt miteux tel qu’il est décrit au début jusqu’au clash (définitif ?) avec le fils. C’est plus de quinze ans d’une vie de famille sans intérêt, que cette partie intitulée De bons voisins nous résume. Changement total de point de vue ensuite avec la vie de Patty Berglund racontée par elle-même sur les conseils de son thérapeute, où l’on découvre par couches informes son background familial, le viol dont elle fût victime à l’adolescence et le refus, d’une indolence odieuse, par ses parents de reconnaître, de considérer ce viol. Puis viennent le récit de la fac, la rencontre avec la fausse bonne amie menteuse et droguée qui aboutit sur la rencontre de Walter et de Richard, une épopée avortée vers New-York, un mariage, des enfants, un adultère.
Vient ensuite une partie intitulée La colère de l’homme gentil, qui, après un rapide survol, semble raconter comme Walter Berglund décide de se mettre à avoir ce qu’il pense être du caractère et va piquer un sacré coup de sang en apprenant que sa grande basketteuse de femme chérie a couché avec son meilleur ami, le fameux Richard qu’on ne cesse -les personnages, le narrateur- de nous décrire comme un musicien tantôt has been, tantôt sur le retour qui prend un malin plaisir à se saboter lui-même, plutôt nocif pour toutes les femmes avec lesquelles il a des semblants de relations. Le dit Walter Berglund va donc flanquer sa femme à la porte et s’envoyer en l’air avec Lalitha, son assistante de vingt-cinq ans, pétrie d’admiration pour le génie écologique du brave quadragénaire. J’ai finalement reposé le livre à la page 374, lisant en diagonale la suite, au cas où. En pure perte.

Tout le patakès précédemment énoncé est décrit avec la vigueur d’un canari aphone et entrecoupé de ce qui pourrait être des copiés-collés de Wikipédia habilement mélangé à la tonne de connecteurs logiques, tout ce petit monde peinant à rendre l’histoire intéressante.

Ce qu’il manque à ce récit, c’est un supplément d’âme. On a l’impression de lire un exercice d’écriture que l’on a étiré jusqu’à ce qu’il en devienne indigeste. L’écriture de Franzen ne manque pas de structure, de sujet ou de maîtrise, non, elle manque d’impact.
L’histoire en elle-même a pourtant beaucoup de potentiel et par moment, on perçoit ce que ce livre aurait pu devenir. Freedom serait une sorte de fresque de l’Amérique de ces trente dernières années : parlez-nous de nous, il n’y a que cela qui nous intéresse. L’exploration d’un triangle amoureux n’a certes rien de novateur, mais là, c’est soporifique et convenu, parsemé de ces petites phrases faussement crues pour rendre ce qui devrait être une petite turgescence mais qu’un usage largement répandu a rendue convenu et aussi banal qu’une rentrée des classes. C’est effectivement une belle fresque sociale, celle d’individus vivant dans un certain confort qui passent leurs vies à se créer des problèmes qui n’en sont pas.

Tout n’est cependant pas à jeter : les analyses des états d’âmes et des problèmes relationnels sont faites avec autant de finesse dans leur construction que de platitude dans leur énonciation. Tout le style de Freedom, c’est une longue énumération fatiguante. La matière du roman entier aurait pu être intéressante (notamment en ce qui concerne l’écologie et la surpopulation), mais trop de structure, trop d’effet narratif et trop de problèmes de sociétés rendent l’ensemble indigeste. Cela aurait pu être un chef-d’œuvre, effectivement, mais l’effet est loupé. Dommage.

Avec Freedom, c’est aussi une question intéressante qui se pose : les livres sont-il des réussites parce qu’ils le méritent ou parce qu’on les présente au public dans une période faste, avec tous les honneurs et les applaudissements de la critique, et que chacun se sent obligé de le lire et de l’aimer, tant et si bien que le lecteur finit par se dire que s’il n’a pas aimé, c’est parce qu’il n’a pas compris ?


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