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En route pour un jeûne genevois, arrêt 1 chez Egon Müller

Par Mauss

Vous allez me dire in petto, pour ceux qui connaissent cette fête genevoise se déroulant le premier jeudi suivant le premier dimanche de septembre, que de passer hier soir par Wiltingen chez Egon Müller, puis ce soir chez Jacky et Marité Barthelmé avec dîner au Chambard de Ribeauvillé, sans oublier un petit bonjour à Hubert Trimbach, c'est non seulement arriver en retard pour le Jeûne Genevois (JG), mais c'est relativement éloigné des sages principes calvinistes ou zwinglistes chers au Grand Jacques.

Bon : mes amis helvètes qui m'attendent à côté de Loisieux (pays de Gex) me pardonneront ce décalage spatio-temporel, ayant pratiqué plus d'une vingtaine de JG au plateau des Glières où frémissaient, sur les instruments ad hoc, près de la petite chapelle au milieu du plateau, quelques grands filets de saumon ou douzaines de cotelettes d'agneau, le tout largement arrosé de crus suisses de noble origine pour la bonne douzaine d'amis qui ne manquaient jamais cette festivité unique.

Toute une époque… du temps du Grand Charles :-)

Donc, hier soir, arrêt sur la Scharzhof Strasse, chez Egon Müller (ICI), rentré le matin même de 15 jours de déplacement en Asie et Australie. Un dîner de qualité, avec cette simplicité de classe, une seconde nature dans cette famille de très grands vignerons.

Nous avait rejoint Madame Annegret Reh-Gartner, propriétaire du domaine Reichsgraf von Kesselstatt (ICI) dont la parfaite connaissance du français (comme d'ailleurs celui d'Egon et son épouse), a fait honte à mes 9 ans d'allemand de ma jeunesse dont ne me restent que quelques bribes de Goethe ou Schiller, et un amour de Heildeberg, une petite ville qui m'a toujours fasciné.

ON sait qu'Egon Müller, avec Gaja, Aubert de Villaine, Alain Vauthier et Pablo Alvares sont les 5 Parrains du WWS. Voilà des vignerons d'exception auprès desquels on apprend des choses non dites ailleurs, où on ressent l'incessante recherche des qualités extrêmes tant ils savent tous que s'ils sont au sommet, c'est s'y maintenir qui est leur graal quotidien.

Egon Müller est un homme véritabelement singulier. Il ne produit qu'environ 60.000 bouteilles par an de son riesling Scharzhof (versions Kabinett, Spätlese, Auslese, Beerenauslese, Trockenbeerenauslese (TBA) et Eiswein). Sur le marché mondial, c'est un chiffre liliputien et donc tout se vend sans aucun problème, mais il s'oblige à parcourir le monde pour rencontrer ses amateurs, soutenir ses importateurs, bref, porter la bonne parole. C'est coûteux et fatiguant. Mais, me dit-il, il y apprend beaucoup.

Exemple : son importateur australien voulait un bouchage des bouteilles à capsule-vis, tant c'est devenu la règle dans ce continent de vins. L'éventuel point qui pouvait faire hésiter Egon était de mettre en place une telle singularité pour un trop petit volume exporté là-bas. Mais comme la commande était conséquente, et naturellement après pas mal de recherche sur la chose, il a donc accepté, pour ceux qui le veulent, d'expédier des bouteilles capsulées (sauf pour les TBA et Eiswein).

Essayez juste une seconde d'imaginer la fascinante Madame Anne-Claude Leflaive prenant une telle décision; ou le Comte Lafon; ou JFCD ! Je ne parle même pas d'Olivier Humbrecht ou Dauvissat. Domaine Vernay ? Là, peut-être… mais pas demain :-)

Nous discutons alors des particularités apportées par un tel système remplaçant le bouchon. Et là, un paquet de petites surprises (pour bibi).

- avec capsules, les bouteilles doivent rester debout en cave, donc il faut tout réorganiser en fonction de cette position qui est de règle pour réduire à son minimum la surface d'échange air-liquide, soit le haut de la bouteille

- avec capsules, le vin évolue plus lentement

- avec capsules, la réduction est plus forte, plus sensible (un point qui ne déplait pas à Madame Reh-Gartner)

- avec capsules, la cave doit être plutôt sèche qu'humide, histoire d'éviter une venue de rouille sur les capsules

Si le Très Haut me prête vie encore dix ans, RV a été pris pour une dégustation à la propriété, à l'aveugle, d'une cuvée dont une partie aura été mise sous bouchon, l'autre sous capsule, chose que le GJE a déjà faite pour un grand cru de dix ans du Domaine Blanck, où 9/10 ont préféré le vin sous capsule !

Bref, français ! N'ayez pas peur de ceux qui vous menancent de ne plus rien acheter s'ils n'entendent pus le sympathique pop du bouchon qu'on libère ! La capsule a aussi un futur.

Les vins dégustés ce soir là :

- un riesling Scharzhof "Kabinett" 1971 : simplement une référence absolue dans cette catégorie, plein de jeunesse, de fraîcheur, et toujours avec ce faible degré alcoolique qui devrait apporter tant de succès aux grands vins allemands. 

- un auslese 88, probablement le "format" qui a ma préférence dans l'échelle des vins de ce type. Là, on pouvait parler de majesté, avec une longueur impressionnante.

- deux rouges bourguignons : un tout beau Corton 1990 Bonneau du Martray, somptueux en bouche, me rappelant ce que Michel Bettane m'a toujours dit sur l'exposition plus "froide" de cette partie du terroir de Corton, et un plus difficile, plus "vert" Clos St Denis de Dujac

- un beerenauslese 93, d'une richesse confondante. Une luxure sauvage, un péché en majeur. Une quasi-honte réjouissante à laquelle on n'hésite pas de resuccomber en veux-tu, en voilà ! Les grandes orgues là où avant, un quatuor suffisait.

Inutile de vous dire que voilà une soirée, un dîner, qui restera dans ma mémoire, alors que le même soir, certains de mes zozos s'éclataient en Belgique, chez Van Hoof avec les crus suivants :

Dom Perignon 2002
Clos St. Hune 1986
Puligny Pucelles 1999 Domaine Leflaive
Montrachet 2000 DRC
 
Cheval Blanc 1990
Latour 1982
Vosne Cros Parantoux 1993 Henri Jayer
Echezeaux 1993 Henri Jayer
 
Yquem 1991 avec le fromage

Faut-il préciser qu'il n'y a aucun doute sur la soirée de mon choix, eusse-je dû choisir  ? On devient si sage avec l'âge :-)

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Egon Müller, hier soir : même pas 55 printemps ! (Désolé pour l'horreur du flash)

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Que du riesling. Merci ne pas oublier : il y a le riesling, rien, puis les autres… 

Bon, il est parfaitement inutile de prendre cela pour parole d'évangile… mais vous pouvez, vous pouvez…


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