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Trois questions à Joëlle Dublanchet

Publié le 23 février 2008 par Aurialie

Le 9 février était remis à Joëlle Dublanchet le 2e Prix Russophonie, récompensant la meilleure traduction du russe vers le français. A cette occasion, elle a accepté de répondre à quelques questions sur son métier.

Pouvez-vous nous raconter comment vous avez travaillé sur ces traductions ? Avez-vous rencontré les auteurs ? Si oui, que cela vous a-t-il apporté ? Quel travail avez-vous effectué en amont ?

En ce qui me concerne, je n'ai pas de théorie de la traduction, je n'ai jamais suivi aucun cours qui m'aurait expliqué comment aborder une œuvre en langue étrangère, et les traités divers et variés sur le sujet m'ont toujours prodigieusement ennuyée. Je n'ai qu'un seul credo : fidélité au texte, à son contexte, et recherche permanente du mot juste, et surtout, du ton juste.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées ? Zakhar Prilepine et Andreï Guelassimov utilisent-ils des expressions qui leurs sont propres, spécifiques ?

Les deux romans pour la traduction desquels j'ai obtenu le prix Russophonie n'avaient en commun que d'avoir été écrits par des écrivains jeunes, et d'être enracinés dans leur temps. Mais les problèmes traités étaient radicalement différents, et le style ne l'était pas moins. Dans L'année du mensonge, Andreï Guelassimov dresse par petites touches un portrait de cette Russie d'après perestroïka qui se cherche et a du mal à se trouver. Son style est vif, nerveux, très souvent elliptique – ce qui rend parfois la traduction difficile. Il faut plonger dans la psychologie du personnage pour comprendre pleinement ce qu'il veut dire et trouver le style qui lui convient le mieux. En outre, l'auteur emploie un vocabulaire argotique, émaillé de grossièretés. Or rien n'est plus difficile à traduire que l'argot, entre autres parce qu'il y en a plusieurs. J'ai eu d'emblée des relations confiantes et amicales avec A. Guelassimov dont j'ai fait la connaissance en novembre 2004, à l'occasion des Belles Etrangères. Les éditions Actes Sud venaient de publier La Soif. Il m'est arrivé de contacter l'écrivain pour me faire préciser quelque chose, mais la difficulté, avec lui, n'est pas tant dans la compréhension que dans le rendu de son style.

La traduction de Pathologies, de Zakhar Prilepine, a été un tout autre problème. Il m'a fallu plonger dans un univers que je ne connaissais absolument pas : la guerre, les armes, les missions, le vocabulaire et le quotidien des soldats. Je ne connaissais pas l'écrivain et je n'ai pas cherché à le connaître avant son arrivée à Paris, à l'occasion de la parution du roman, en octobre 2007, aux éditions des Syrtes. Les difficultés que j'ai rencontrées dans ce travail ont tenu au fait qu'il a fallu s'approprier, maîtriser un vocabulaire que je connaissais mal : l'écrivain, ici, ne m'aurait été d'aucun secours. J'ai été très heureuse, néanmoins, de faire sa connaissance : il y a toujours un moment où cette étape devient nécessaire – avec les écrivains modernes, bien sûr.

D'après vous, quel impact peut avoir ce prix sur votre parcours professionnel ? Quelles sont les œuvres sur lesquelles vous travaillez actuellement ?

Ce prix Russophonie m'apporte une immense joie tout d'abord. Voir mon travail reconnu par un jury composé d'éminents spécialistes de la Russie, et des littératures française et russe. Je tiens à exprimer ma reconnaissance à tous ceux qui ont œuvré pour la création de ce prix : il permet de faire sortir de l'ombre les travailleurs solitaires que nous sommes, et surtout, de mieux faire connaître en France une littérature russe foisonnante et vivante. J'espère enfin qu'il me donnera l'occasion de traduire encore et toujours.

Je traduis en ce moment le dernier roman de Guelassimov Rachel, qui paraîtra prochainement chez Actes Sud, avant de m'attaquer au deuxième roman de Zakhar Prilepine San'kja.

Photo de Samir Belkaid


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