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De la Constitution, de l'élection présidentielle, du communisme et de la "gauche", le point de vue de Michel Peyret

Par Alaindependant

« TUER » LA CONSTITUTION, CE N'EST PAS LA FAIRE VIVRE !

« Tuer la Constitution », c'est le titre d'un article que j'ai écrit il y a peu et que les lecteurs qui le désirent pourront retrouver facilement.

UNE EVIDENCE

Mon titre d'aujourd'hui m'apparaît être une évidence !

Mais il est des évidences qu'il convient de mettre en évidence si l'on veut qu'elles deviennent effectivement des évidences, pédagogie oblige.

A l'évidence également, certains qui se pensent communistes, quoique de « gauche » (1), ont choisi de faire vivre cette constitution, notamment en présentant, ou en soumettant l'idée que les communistes (de « gauche ») (1) devraient soutenir, et donc présenter un candidat lors des prochaines élections présidentielles.

Il y a quelques années, j'aurais certainement pensé et agi comme eux.

Mais les situations évoluent, les réalités changent, il est de première importance de prendre en compte ces mouvements si l'on ne veut pas être en décalage avec eux.

EN 1958 ET 1962, AVEC LE PCF, J'AI DIT NON

Pour ma part, je n'ai jamais cessé de me rappeler qu'en 1958 et 1962, j'ai voté contre, avec le PCF de l'époque, contre l'essentiel du contenu de la Constitution de la 5ème République, et notamment contre l'élection du Président de la République au suffrage universel.

Avec cette Constitution, il s'agissait d'en finir avec les Constitutions issues de la Résistance et de la Libération.

Ces institutions étaient jugées alors par la classe capitaliste, demeurée dominante et qui avait repris du « poil de la bête », comme un obstacle au déploiement libre et entier d'une politique totalement au service de cette classe, alors qu'elle avait dû quelque peu « partager » le pouvoir an lendemain de la Libération.

Les entreprises capitalistes voulaient avoir les mains totalement libres, il leur fallait donc une Constitution qui leur permette d'organiser l'Etat et la politique qu'il conduirait à leur guise.

C'est ce qu'elles firent sous la houlette et l'autorité du Général de Gaulle, et ils en firent approuver les principes essentiels avec l'appui indispensable des plus importantes forces politiques de droite et de « gauche » (1), le PCF ayant pour sa part appelé à dire NON lors des référendums de 1958 et de 1962.

« GAUCHE » ET COMMUNISME, CE N'EST PAS LA MEME CHOSE

Est-ce à cette époque, ou un peu plus tard, que j'ai commencé à ne pas confondre « gauche » et communisme.

En fait, j'avais appris de mes lectures, et aussi de l'observation de la réalité, que les confondre pouvait conduire à de graves mécomptes.

En fait, depuis 1920 et la constitution d'un PCF qui s'affirmait révolutionnaire, la « gauche », comme la « droite » d'ailleurs, étaient devenues violemment anticommunistes, violemment opposées aux politiques inspirées par la IIIème Internationale, préférant conduire des politiques conformes aux intérêts capitalistes.

Il n'est que de feuilleter les oeuvres de Maurice Thorez, en tant que documents historiques, pour prendre conscience que c'est avec la « gauche », et notamment avec le « Cartel des gauches », auquel le PCF n'a jamais appartenu, que le PCF avait l'essentiel de ses démêlés, lesquels perdurèrent jusqu'à la période dite de « Front Populaire », et atteignirent toutefois leur point culminant avec le décret d'avril 1940 du socialiste Sérol, lequel permettait la condamnation à mort des communistes. (2). Les nazis n'allaient pas tarder à prendre la relève !

LA GENERALISATION DU CONCEPT DE « GAUCHE »

Manifestement, avec l'arrivée du pouvoir gaulliste en 1958, les débats perdurèrent, et pas seulement à propos de la Constitution, malgré les efforts des communistes qui, avec Waldeck Rochet, lancèrent l'idée de « programme commun ».

Et c'est certainement de cette époque, qui vit l'utilisation du concept de « gauche » se généraliser, que date l'habitude que je pris de dire que je n'étais pas de « gauche » mais communiste.

Cette distinction me fut par la suite très utile pour commencer à comprendre l'origine des difficultés que rencontre le PCF, notamment à partir du moment où, après l'élection de Mitterrand en 1981, des ministres communistes participèrent aux différents gouvernements sous direction socialiste, et donc de « gauche ».

En fait, alors que le PCF recueillait plus de 20% des suffrages avant 1981, Georges Marchais n'en recueillait plus que 15% à cette date, et le PCF se retrouvait autour de 10% à la veille de la chute du mur de Berlin.

LE CAPITALISME DISPARAIT

De fait, avec la généralisation de l'emploi du concept de « gauche », et, corrélativement, celui de « droite », c'était tout un fondement politique de classe qui disparaissait : la « gauche » prétendait combattre la « droite », le capitalisme avait disparu en tant qu'ennemi des travailleurs, de même que les différences entre réformistes et révolutionnaires.

Les conditions se créaient pour aller, comme aux Etats-Unis, vers deux grandes forces politiques dont aucune ne remet en cause l'existence du capitalisme, même si des nuances peuvent apparaître sur tel ou tel aspect de la politique menée.

Le tour était joué ! Le capitalisme et son Etat pouvaient conduire leur politique qui n'était plus alors remise en cause dans son fondement essentiel : à savoir l'existence même du système capitaliste et de son exploitation-aliénation des travailleurs.

HEUREUSEMENT, LE PEUPLE ETAIT LA !

Heureusement, il y avait le peuple français !

Et il n'allait pas tarder à s'affranchir du poids de la « pédagogie du renoncement » qu'avait patiemment distillée Mitterrand pour faire oublier qu'il avait préconisé la « rupture avec le capitalisme » !

Le premier signal de ce retournement fut sans doute, en 1992, le résultat du référendum sur le Traité de Maastricht où, à la surprise générale, le résultat est proche des 50/50, alors que l'essentiel des forces politiques, à l'exception du PCF, appelait à voter OUI.

Puis ce fut le vaste mouvement social de 1995 et, dans la foulée, l'arrivée du gouvernement Jospin (Gayssot, MGB) en 1997 et la sanction sévère de son action en 2002, sanction partagée alors par Robert Hue.

LA VICTOIRE DE 2005

Le mouvement populaire poursuit son offensive en 2005, et, lors du référendum sur le TCE, il emporte alors la victoire !

Il convient de le dire et redire, et avec force : en 2005, avec le référendum et ses résultats, le peuple français a gagné, et sa victoire est aussi celle de tous les peuples européens.

Avec cette victoire, c'est non seulement le TCE qui est récusé, mais l'ensemble des traités européens qu'il reprend, y compris le Traité constitutif de Rome.

C'est toute la construction européenne qui est récusée, puisque il suffisait qu'un seul pays le décide pour que ce devienne réalité !

LE COUP D'ETAT

Alors ? Alors, il ne fallait pas moins d'un coup d'Etat pour voler cette victoire au peuple français et aux peuples européens !

Lequel peuple français n'est en effet jamais revenu sur sa décision, laquelle est donc toujours valable, et la seule valable légalement !

C'est ce que dit avec force la constitutionnaliste Anne-Marie Le Pourhiet, et que personne n'a jamais contredit à ma connaissance !

C'est elle qui dit que le Président de la République, en ne respectant pas le verdict du peuple français, s'est rendu coupable d'un double coup d'Etat, et qu'il est en conséquence passible de la Haute Cour de Justice !

Tout le monde mesure la gravité de l'accusation !

LA CAUTION DES FORCES POLITIQUES

Le scandale, parce qu'il y a un scandale, c'est que personne, à part quelques gaullistes historiques, n'en parle, et notamment les principales forces politiques françaises toujours muettes sur le sujet !

Et non seulement elles n'en parlent pas mais elles vont cautionner les différentes étapes du coup d'Etat, en particulier en mandatant leurs députés et sénateurs pour aller débattre à Versailles du Traité de Lisbonne, lequel ne constitue en fait que la reprise du TCE récusé par le peuple français !

LES PRESIDENTIELLES DE 2007

Entre-temps ont eu lieu les élections présidentielles

Elles ont participé également du sabotage de la victoire de 2005.

Alors qu'avec les résultats de 2005 une perspective réelle existait de faire vivre une alternance anticapitaliste, tout a été mis en oeuvre pour qu'elle ne puisse voir le jour !

Et, effectivement, elle n'a pas vu le jour !

La candidate Marie-George Buffet sera, avec 1,8% des suffrages exprimés, particulièrement sanctionnée pour le rôle qu'elle a joué dans cet échec.

Pour ma part, c'est à l'automne 2006, qu'indigné parce que conscient de ce qui se trame contre le peuple, et que ne pouvant cautionner, je donne ma démission du PCF dont j'avais été membre pendant 53 années !

LE PEUPLE PERSEVERE

Les élections présidentielles passées, le peuple français va reprendre et trouver de nouvelles formes pour sa lutte anticapitaliste.

C'est notamment le cas avec les dernières élections au Parlement européen où il boycotte le scrutin à hauteur de 60% des électeurs inscrits à l'unisson d'ailleurs avec la quasi-totalité des peuples européens.

C'est encore le cas aux élections aux élections cantonales qui suivent où le boycott est particulièrement important dans les quartiers populaires où le PCF trouvait auparavant l'essentiel de sa force.

Et à l'automne 2010, c'est le très conséquent mouvement pour le retrait du projet présidentiel relatif aux retraites, mouvement qui a le soutien de 70% de l'opinion française.

POUR 72%, LE CAPITALISME EST NEGATIF

Au fond, ces faits, car se sont des réalités, illustrent et concrétisent les résultats d'une enquête TNS-SOFRES d'octobre 2009, qui met en évidence – entre autres réponses et données fournies par les salariés avec lesquels les enquêteurs se sont entretenus – que 72% des salariés (de France) considèrent le capitalisme comme négatif, et il serait étrange que ce pourcentage ait diminué avec l'approfondissement de la crise du capitalisme.

J'attire de nouveau l'attention sur l'importance de ces 72% qui ressentent le capitalisme négativement : à ma connaissance, c'est la première fois au monde qu'un peuple porte un tel jugement sur le capitalisme !

C'est en conséquence un fait hautement significatif de la situation politique nationale !

LE PEUPLE SANS LES FORCES POLITIQUES

Et cette donnée est d'autant plus remarquable qu'il n'y a aucune force politique organisée qui ait une prise de position aussi conséquente sur le capitalisme, toutes ayant plus ou moins participé à sa gestion à différents niveaux de la société ces dernières années, en donnant pour l'essentiel satisfaction au capital.

Voilà donc qui illustre parfaitement la constatation que faisait Marx en son temps, à savoir que ce sont les masses qui font l'histoire, ou bien que l'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes.

EN 1789, NI PARTI NI ELECTION

Aussi, on le voit bien au travers de ce rapide récapitulatif, ces travailleurs n'attendent pas que quelqu'un prenne des décisions à leur place, puisqu'aussi bien ces décisions ne sont pas venues, ni escomptent un résultat quelconque d'une quelconque élection puisqu'aussi bien c'est le boycott qui est largement majoritaire ces derniers temps.

Il y a d'ailleurs des précédents dans l'histoire de France, et pas des moindres !

En 1789 par exemple, il n'y avait ni parti ni élection, et pourtant le peuple français, souverain avant la lettre, a su se réunir dans les paroisses pour établir les Cahiers de doléances et désigner les délégués qui les porteraient aux Etats Généraux. La suite est bien connue...

DES COMMUNISTES MAITRES DE LEUR ORGANISATION

Sans doute une organisation communiste peut-elle contribuer à ce que le peuple prenne ainsi la parole et décide de ce qu'il a à faire.

Dans cet esprit, les communistes qui veulent rester communistes, et non devenir de « gauche », c'est-à-dire gestionnaires du capitalisme, doivent eux-mêmes se réunir et décider de l'organisation qu'ils veulent se donner.

On voit mal qui prétendrait le faire à leur place !

Les communistes doivent donc être, et demeurer, à tous les niveaux, à tous les moments, les maîtres de l'organisation dont ils doivent décider. Les moyens techniques existent aujourd'hui pour faire vivre cette exigence, nous ne sommes plus au temps où Marx considérait les chemins de fer comme un progrès considérable pour l'existence d'une telle organisation.

C'est dans cet esprit qu'a été avancée l'idée d'Assises du communisme par un certain nombre d'entre-nous (voir mon article à ce sujet dans ma « Tribune » de « Rouge Midi »).

Michel Peyret

19 septembre 2011


Note1 : les guillemets sont de Maurice Thorez, voir ses oeuvres..

Note2 : Albert Sérol a été député socialiste, puis Ministre du Travail (gouvernement Léon Blum) et enfin Ministre de la Justice dans le gouvernement Paul Reynaud. Il signe en avril 1940 comme garde des sceaux le décret Sérol qui étend la condamnation à mort à tout français qui aura participé sciemment à une entreprise de démoralisation de l'armée ou de la nation ; Le décret du 12 avril 1940 visait plus particulièrement les communistes, dont le parti avait déjà été dissous par le décret-loi du 26 septembre 1939 et dont les élus avaient été déchus de leurs mandats par la loi du 20 janvier 1940, nombre de députés condamnés à mort ou embastillés.


Note de Alaindependant: Je rappelle que je me suis à plusieurs reprises prononcé sur ce blogue non pour la constitution d'un nouveau parti mais pour un rassemblement plus vaste, plus démocratique, plus décentralisé, pour le socialisme (front, fédération, mouvement, coordination, réseau...?) au sein duquel le courant communiste dans sa propre originalité organisée a évidemment son rôle. Qui n'est pas un rôle d'avant-garde ou de direction, mais d'éveil, de conscientisation, d'éducation. Mais rôle que personne ne peut tenir à sa place, et qu'il doit donc tenir faute de quoi il manquera quelque chose d'essentiel au rassemblement.


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