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[DVD] Cycle Carpenter n°8 : Christine

Publié le 21 septembre 2011 par Vance @Great_Wenceslas

 

Christine 00
 

 

Un film de John Carpenter (1984) d’après une histoire de Stephen King, avec Keith Gordon, John Stockwell & Alexandra Paul.

Un DVD zone 2 Edition spéciale Sony PHE (2005)

2.35 :1 ; 16/9 – Vost Dolby surround

105 minutes

L’histoire : Arnie Cunnigham est un de ces losers constamment brimés par les costauds du lycée. Heureusement que son meilleur ami, star de l’équipe de football, est là pour le défendre. Voilà qu’Arnie se prend soudain de passion pour une vieille auto laissée à l’abandon : une Plymouth Fury de 1958 dont on devine à peine l’ancienne couleur rouge. Il entreprend de la retaper et une étrange relation fusionnelle s’installe entre l’adolescent et la voiture. Arnie change : plus sûr de lui, mais plus distant aussi. Il sort même avec la plus jolie fille du lycée, Leigh. Mais cette dernière se méfie de la voiture, qu’Arnie appelle Christine…

Une chronique de Vance

L’un des premiers Carpenter que j’aie vus, et celui qui m’avait laissé le meilleur souvenir, tout auréolé de ces passions enfantines et agréablement nimbé de la patine des années. C’est que, contrairement à the Thing par exemple, je ne l’ai plus visionné depuis près de vingt ans. Je pouvais donc raisonnablement craindre que, l’âge aidant, la fascination de l’époque retombe comme un soufflé.

Comme je me trompais.

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C’est que Carpenter, comme à son habitude, ne s’embarrasse guère d’artifices et construit son récit avec une redoutable efficacité, sur un rythme équilibré alternant avec bonheur les relations sociales entre adolescents (mêlant questions existentielles dans des dialogues ineptes et rapports de force virils) et les scènes horrifiques. Ces dernières sont davantage axées sur la violence et la brutalité que sur l’effroi ou le gore : Christine est un monstre mécanique doté d’une froide détermination. Lorsqu’elle tue (ou plutôt exécute) ses victimes, elle ne fait pas dans le sentiment : tout au plus notera-t-on une ou deux fois une légère hésitation, destinée à faire monter la tension et à augmenter chez sa proie l’implacable certitude de sa mort prochaine, terrible et douloureuse – cette « inéluctabilité » dont l’agent Smith aimait à se gargariser dans Matrix.

Ce métrage met en lumière toute la maîtrise atteinte par John Carpenter à ce stade de sa carrière, une forme d’épure, un style qui sait à merveille user des codes pour en imposer d’autres.

Pourtant, on y note quelques éléments inhabituels. D’abord, le film est plus long que les autres productions, et l’exposition prend également un peu plus de temps : on se rapproche de la structure narrative de Halloween, avec ce prologue situé dans le passé, et cette volonté de montrer très vite le « tueur », le « monstre », avant de laisser l’ambiance s’installer d’elle-même. Ensuite, Carpenter y use beaucoup moins de sa musique synthétique, privilégiant régulièrement des standards américains des années 50 (toujours judicieusement choisis pour leur contenu). Comme dit précédemment, on est assez étonné de constater la quasi absence d’hémoglobine dans les séquences-choc, qui lorgnent plutôt sur le spectaculaire stylisé (impossible d’oublier cette image de Christine en flammes s’extirpant d’une station service et poursuivant au ralenti, en pleine nuit, sur une route déserte, sa future victime).

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Comme souvent, le casting n’a pas fait appel à des vedettes : les jeunes comédiens, malgré leur jeu limité, s’en sortent la plupart du temps correctement. Le réalisateur a cette manière singulière de les filmer avec une certaine empathie, qu’ils soient les gros lourdauds de service, le beau gosse bien élevé, la fille canon mais sérieuse ou surtout le loser (qui porte le même nom que le Richie de Happy Days) : dans leurs excès, dans leurs travers et leurs erreurs, dans leurs choix discutables, ils ne paraissent jamais vraiment détestables. Et puis, il y a cette intimité qui devrait être malsaine avec l’engin : Christine suscite la passion, une passion maladive, exclusive et dévorante, qui ne souffre aucun compromis, aucun partage. Arnie lui a consacré des centaines d’heures de travail pour lui rendre sa gloire, sa jeunesse rayonnante : la beauté de sa carrosserie au lustre retrouvé est à l’image de l’énergie qu’il y a investie. Et cette osmose facilite la compréhension de la vendetta de Christine, qui rend, à sa manière, justice pour tout ce qu’il a accompli. On ne peut qu’être touché par la détresse d’Arnie lorsqu’il découvre, la première fois, toute son œuvre réduite à néant par la faute de ses ennemis. Mais la mise en scène refuse élégamment de s’apesantir sur le charisme diabolique de la voiture : lorsque, naturellement, il s’agira de la mettre à mort, et bien qu’on puisse avoir un petit pincement au cœur devant sa mise au pilon, on reste du côté des humains.

Signalons également un montage qui, pour une fois, laisse paraître quelques imperfections notables : il souffre en effet de coupes qui nuisent à l’intelligibilité de certaines scènes ou lignes de dialogues (on s’en rendra compte en regardant les scènes coupées en bonus, dont la disparition a laissé quelques lacunes maladroites).

Un excellent et indémodable film fantastique.

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Technique

 

L’image n’a que peu de défauts et le contraste, plutôt bon, permet de bien profiter des nombreuses séquences nocturnes. Le son de la VO (en Dolby surround) est agréable, les dialogues bien rendus et la musique équilibrée. Les amateurs se régaleront des interviews (Carpenter et Keith Gordon), des 20 scènes coupées et de quelques documentaires.

Ma note : 4,2/5

Lire également :

> la chronique de Cachou

Challenge Carpenter


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