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Les émeutes de Londres, suite

Publié le 25 septembre 2011 par Vonric Vonric

*Coup de gueule*J'ai raconté la semaine dernière la façon dont j'avais observé les "émeutes". Les pillages en fait, car lorsque je regarde les vidéos, qu'ici le journaliste interroge les pilleurs en plein travail, n'hésitant pas à les provoquer ("tu es fier de ce que tu fais ?" ), les nombreux passants qui rentrent chez eux, les observateurs qui prennent photos et vidéos, on a plus l'impression d’être au spectacle que dans une ville en guerre, en feu comme je lirai les jours suivants dans les gros titres des tabloïds et même des journaux dits "sérieux" (vous noterez le gars en T-shirt orange prenant des photos sur l'illustration du journal - c'est bizarre, mais je vois la guerre autrement, et vous ?...).

Des pillages ciblés

Sur Twitter j'ai pu lire "le seul magasin épargné est la librairie ; ça veut tout dire". C'est amusant mais faux. En fait de nombreux magasins n'ont pas été touchés : la librairie en effet, mais aussi les supermarchés Waitrose et Marks&Spencer ainsi que le magasin de fournitures papiers-scolaires-art, l'hypermarché Asda a eu une vitre brisée, la boutique de cuisine de Jamie Oliver fut marquée d'un éclat sur le devanture...etc.

En fait les cibles principales furent (dans un rayon de 300 m):

  1. les magasins de portables et électronique (Orange, T-Mobile, Phone-House, Curry)
  2. les magasins de vêtements (Debenhams, chaussures de sports...etc)

Dans la foulée les vitrines des banques ont été brisées, les caisse de quelques magasins tels que coiffeurs, KFC et Burger King local piquées).

Je reconnais volontiers qu'il m'est difficile de pleurer sur les chaines : les banques, mobile-shop, Starbucks et Pizza-Express, Debenhams avaient leur vitrine remise en état dans les 2 jours. Les employés ont continué a être payé. Les magasins ré-achalandés immédiatement. Elles n'ont pas de problème de trésorerie pour remonter la boutique et continuer le business-as-usual.

Il en est différemment des petits commerces locaux : le magasin de farces et attrapes a brulé et ne rouvrira pas avant 6 mois au plus tôt. Le magasin d'équipement électro-ménager  (quelle idée de piquer une gazinière tout de même !) est toujours vide. L'argent de l'assurance de parviendra pas avant plusieurs semaines, voir plusieurs mois. En attendant le business est fermé et la paye ne rentre plus.

La faillite des forces de l'ordre

Disclaimer: je n'étais pas dans le nord de Londres, je n'étais pas à Peckham, ni Croydon, ni Liverpool ou Manchester où certaines émeutes ont eu lieu. Mais je n'ai entendu personne dire que ce qui s'est passé près de chez moi était différent du reste. Or qu'ai-je vu ? Des émeutes ? Non, des pillages. La fête du "servez-vous", personne ne vous dérangera.

La police ? Les témoignages directs parlent de policiers locaux barricadés dans leurs locaux. La plupart des effectifs auraient été envoyés dans d'autres endroits de Londres (alors que j'apprends hier que dès l’après midi il y avait des sources qui annonçaient de façon répétées que quelque chose allait avoir lieu ici ou pas loin - voir l'audition ici, aller vers 12h41). Une troupe d'une dizaines de policiers avec casques et boucliers est envoyée vers 20-21h, mais la consigne est de ne pas bouger. Il faudra attendre minuit passé (minuit 42 à ma montre) pour voir des forces anti-émeute, alors que tout est finit depuis plus d'1 heure. Un plaisanterie.

Les pompiers ? Je cherche encore à comprendre pourquoi ils interviennent si tard lors du feu ravageant le magasin (voir vidéo ici: on ne voit personne intervenir !). Unique hypothèse : ils ont aussi été appelés ailleurs.

Sans cette impunité, qui peut penser que pendant 5 heures (oui, de 19h à minuit) les rues du centre ville seraient devenues un terrain de jeu. Comment un incendie se serait-il déclenché à 23h si depuis 4 heures il n'y avait pas eu absence totale d'autorité ?

Mais aussi peut-on observer : alors que durant 5 heures c'est "no-limit", on ne sent pas le danger. Un voisin sort promener son chien, les passants prennent des photos, filment avec leurs portables et mettent presque directement en ligne sur Internet, tweetent. Quelques coups ici et là, mais pas de blessés (en comparaison il y a eu échange de coups de feu et deux blessés il y a 10 jours non loin, je ne sais pas encore pourquoi).

Pas de justification mais quelques explications

J'ai déjà rédigé un billet là dessus, le lendemain des évènements. Pour résumer je peux trouver trois explications:

  1. Depuis 3 ans les médias expliquent en gros que les riches ont pété les plombs, que pour sauver les traders qui roulent en Porsche et gagnent en 1 journée le salaire d'1 an du citoyen moyen, l'Etat doit mettre la main à la poche (il parait que c'est pour notre bien).
  2. Que maintenant il faut arrêter de dépenser à tord et à travers et donc c'est encore une fois les classes moyennes et pauvres qui doivent passer à la caisse : 500 000 chômeurs en plus (on licencie des fonctionnaires) ; suppression ou diminution des allocations ; moins de services publiques, on ferme des bibliothèques, surtout dans les quartiers défavorisés ; on augmente les droits pour les études...  (dans le quartier = tentative de fermer la bibliothèque du quartier le plus déshérité du Borough, tentative de faire payer l'entrée de l'air de jeu réservée aux 8-14 ans).
  3. L'été. Il faisait beau, pas d'écoles, des semaines passées à tourner en rond dans son petit logement. Les copains qui font ça. Le sentiment de participer à quelque chose.

Bref le sentiment que de toute façon l'avenir est bouché et qu'il n'y a pas grand chose à perdre.

En 20 ans, l'Angleterre a perdu ses industries. Le phénomène initié par Margareth Thatcher (mais aussi poursuivit par le gouvernement Labour) a transformé le pays en société de services. C'est plus facile, moins de mouvements sociaux. Mais l'autre conséquence est dramatique : de nombreux jeunes sans qualification avaient un avenir tracé il y a 30 ans : on commence à l'usine, avec l'encadrement du groupe, la possibilité de monter dans l'entreprise avec les années. Maintenant ? Rien. Pas de perspective. Quels exemples pour les enfants dont les parents sont au chômage, les familles éclatées dont les membres vivent (survivent - car il n'y a que les démagogues politiques qui n'y connaissent rien qui parlent de familles de 5 enfants avec 4 télés et une belle vie oisive) avec les aides sociales ?

La réponse devrait être politique. Proposer une alternative. Mais je ne vois rien que le soleil qui poudroie et l'herbe qui verdoie...

Suite et fin la semaine prochaine.


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