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Louise Brooks

Publié le 25 septembre 2011 par Cameline

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"Louise Brooks est la seule femme qui possède le talent de transformer en chef-d'oeuvre n'importe quel film. Elle est l'apparition parfaite, la femme rêvée, l'être sans lequel le cinéma ne serait qu'une pauvre chose."

Ainsi la décrit Ado Kyrou en 1957.

L'enfance


Mary Louise Brooks naît le 14 novembre 1906 à Cherryvale, une petite ville du Kansas.

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Elle grandit avec ses frères et soeurs dans une certaine indifférence de la part de ses parents, qui leur offrait peu de temps et d'attention.

Son père était avocat. Quand il n'était pas au travail, il s'isolait dans la tranquillité de son bureau, en compagnie de ses livres et de son violon, fuyant les cris des disputes de ses quatre enfants.

Sa mère, qui avait passé ses années de jeunesse à s'occuper de ses frères et soeurs, avait annoncé à son futur époux qu'il "lui ouvrait le chemin de la liberté et des arts, mais que les braillards qu'elle mettrait au monde s'élèveraient tout seuls".(1)

Elle occupait ses journées à jouer du piano ou à présenter les critiques de ses lectures aux membres de son club féminin.

Malgré leur absence, ses parents étaient aimants et compréhensifs. Il lui donnèrent le goût de l'art, des livres et de la musique. Et c'est avec plaisir que Louise écoutait sa mère jouer Debussy et Ravel avec beaucoup de talent.

"Notre maison de Wichita croulait littéralement sous les livres. Je dévorais tout avec ravissement, me fichant pas mal de ne pas toujours comprendre.

"Ma passion pour les mots m'était venue à l'âge de cinq ans ; j'appris à lire en regardant par-dessus son épaule, ma mère nous faire la lecture".(1)

La danse


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Sa mère l'encouragea à apprendre très tôt la danse, dès l'âge de cinq ans. C'est elle aussi qui accepta et réussit à convaincre son père de l'autoriser à se rendre à New York en 1922  pour y suivre les cours de danse du réputé Ted Shawn.

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Friande des spectacles des Ziegfield Follies, Louise observait les fameuses girls des Follies. Elles "affichaient des sourires aussi fermement accrochés que leurs monumentales coiffures de plumes. Je pris alors la résolution de ne jamais sourire à moins d'en avoir envie".(1)

Louise, déjà, se fixait pour objectif la distinction raffinée des jolies femmes dont elle détaillait les photos dans Harpers's Bazaar et Vanity Fair.

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Pendant deux ans, elle prit part aux tournées de la compagnie de Ruth Saint-Denis et Ted Shawn, dont elle suivit les cours d'été dans un camp-théâtre-école.

Evoquant Louise Brooks danseuse, "ceux qui la virent évoluer disent qu'elle était fascinante".(2)

En 1924 elle fut engagée comme girl dans la revue Scandals de George White, puis l'année suivante dans les Ziegfields Follies.

"Pour moi qui avais dansé avec Ruth Saint-Denis, Ted Shawn et Martha Graham, mes petits numéros des Follies étaient une corvée. J'aurais préféré être figurante. Mon seul instant de plaisir était la finale de la revue quand la troupe se trouvait au complet sur les planches".(1)

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Le grand écran

C'est en 1925, à l'âge de dix-huit ans, que Louise Brooks se tourne vers le cinéma, attirée par ce nouvel art. Elle signe un contrat de cinq ans avec la Paramount.

"Dix années de danse professionnelle constituaient certainement la meilleure préparation possible aux images animées, c'est-à-dire le cinéma".(1)

Et danseuse, elle le demeurera dans sa gestuelle d'actrice.

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"Louise Brooks affronte littéralement la caméra, totalement, sans équivoque ; il en résulte un jeu sublime qui ne ressemble en rien à une interprétation". Elle possède une "aptitude à s'offrir tout entière à l'écran", et "beaucoup la créditent d'une verve érotique inégalée par aucune femme du 7eme art". (2)

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Sentiments

Bien que très entourée des hommes, elle restera toujours une solitaire, sans être jamais capable de vraiment aimer.

Abusée par un voisin quadragénaire à l'âge de huit ans, sa mère lui dira que c'était sans doute sa faute ...

Elle épouse en 1926 le metteur en scène anglais Edward Sutherland, dont elle divorce deux ans plus tard.

"Après un an de mariage, je me suis rebellée contre mon état de "Mrs Sutherland".(5)

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"Maîtresse d'un célèbre millionnaire, j'ai trouvé insupportable d'être un jouet sexuel, tombée plus bas qu'une fille dont on paye les services."(5)

"Je suis à l'image de Loulou ; je n'ai aimé personne".(5)

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Hollywood

Elle affirmait son identité et sa différence, quel qu'en soit le prix, dans une volonté indéflectible de ne pas tricher. Cette façon de penser était totalement incompatible avec les exigences hollywoodiennes.

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Pour Louise Brooks, Hollywood n'est qu'une "inhumaine usine à films". Il lui "sortait par les yeux".(1)

"Etant moi-même une solitaire née, temporairement détournée de la vie d'ermite par une carrière sur les planches et à l'écran, j'affirme catégoriquement que rien ne ressemblait plus à l'esclavage qu'une carrière de star du cinéma. Il ne décidait seul que sur un point : signer ou non un contrat. Dans l'affirmative, il devenait la proie des cosignataires et des distributeurs de ses films. S'il ne signait pas, il n'était plus star."

"Les contrats de cinéma ont toujours été une plaisanterie en ce qui concerne le salaire des comédiens. Les studios pouvaient dénoncer ou suspendre ces contrats à leur guise ; les comédiens étaient paralysés par la crainte de procès ruineux et du chômage permanent."(1)

Loulou


Trois ans après ses débuts au cinéma, Georg Wilhem Pabst la remarque et l'engage pour incarner "Loulou". "Il n'est plus possible à quiconque a vu ce joyau du septième art d'imaginer le personnage de Loulou sous d'autres traits que ceux de Louise Brooks. A la fois perverse, enfantine, naïve, enjouée, amorale et sensuelle, écolière canaille et femme fatale, elle emplit l'écran de sa présence magique et fait souffler sur le film de Pabst un érotisme de feu".(3)

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"Loulou" en 1929 est certainement le film le plus marquant de la carrière d'actrice de Louise Brooks, bien qu'à l'époque, démoli par la critique, il n'ait eu que peu de succès.

"Loulou est naturellement quelque chose d'important pour moi : Pabst a fait de moi quelque chose d'important.(...) Pabst n'a pas créé Louise Brooks ; il l'a réalisée, libérée".(5)

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"A Berlin, dès que j'eus posé le pied sur le quai de la gare où m'attendait Pabst, je devins une actrice. Il me traitait avec une sorte de déférence et de politesse inconnue pour moi à Hollywood".(1)

"Mon incarnation de la tragique Loulou, dépourvue de tout sentiment du péché, fut généralement taxée d'inacceptable pendant un quart de siècle."(1)

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Cette version filmée de Pabst est tirée de "La boîte de Pandore", une pièce de Frank Wedekind.

C'est "l'histoire d'une putain "immorale", écoeurée par le sordide de sa profession, dans la laideur "sans valeur artistique", d'une furieuse bestialité.

Son premier éveil à la passion - qui lui apporte à la fois la vie et la condamne à mort - c'est vêtue en fille de trottoir qu'elle le ressent.

Lorsqu'elle lève Jack l'Eventreur, dans le brouillard nocturne de Londres, et qu'il déclare ne pas avoir d'argent, "ça ne fait rien, dit-elle, tu me plais." C'est la veille de Noël ; elle est prête à recevoir le cadeau dont elle rêve depuis l'enfance : la mort, de la main d'un maniaque sexuel".

"Loulou perd la vie en même temps que son enfance et son innocente indifférence avec les autres".(1)

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La fin d'une carrière d'actrice


Louise tourna au total vingt-quatre films, mais la fin du cinéma muet allait se révéler aussi celle de la carrière d'actrice de Louise Brooks.

"Elle n'était pas du nombre des stars hollywoodiennes, trop indépendante et lucide pour jouer le jeu."(3)

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"Quand le cinéma parlant est né en 1928, la Paramount a vu là un prétexte pour diminuer les salaires des acteurs"(5) et "que je fus la seule, chez Paramount, à refuser toute diminution, perdant de la sorte un nouveau contrat, j'ai bien imaginé que cette manifestation d'indépendance ne serait pas de nature à prolonger ma carrière".(1)

"De fait, quand j'eu refusé - seule de la distribution - de revenir à Hollywood pour tourner la version parlante de "The Canary Case", mon dernier film muet tourné par la Paramount, cette société déversa sur moi une publicité venimeuse qui transforma mes doutes en certitudes.

"La Paramount fit répandre la rumeur qu'elle s'était séparée de moi parce que je ne valais rien pour le parlant.

"Inscrite sur la liste noire, aucune firme importante ne m'engagea pour un film".(1)

Louise tourne son dernier film à Hollywood en 1938. En 1940, elle quitte définitivement le cinéma, fuyant Hollywood qui la méprise. Elle a alors trente-quatre ans.

Après trois ans chez son père, elle revint à New York, sa ville adorée, non sans couper les ponts avec son passé et ses amis du cinéma.

Considérée comme une actrice ratée, elle se mit alors "à flirter avec des mirages engendrés par de petits flacons de somnifères jaunes".(1)

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En 1956 elle est contactée par James Card, conservateur des films d'Eastman House à Rochester, dans l'Etat de New York et réussit à la convaincre de le rejoindre "afin d'y étudier les anciens films et d'écrire sur (son) passé retrouvé".(1)


Elle se rendit compte alors qu'elle jugeait encore les films dans lesquels elle avait joué "non en fonction de leurs mérites propres, mais selon leur succès ou leur échec aux yeux de Hollywood". Elle prit "aussitôt la décision de réviser cette façon de voir " et apprit au fil des années à ne plus accepter "le verdict de Hollywood qui (l)'avait condamnée à l'échec."(1)

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"Telle je suis restée, quêtant sans relâche l'authentique et la perfection, impitoyable envers le faux, généralement exécrée sauf de ceux, rares, qui ont surmonté leur horreur de la vérité afin de laisser libre cours au meilleur d'eux-mêmes". Ainsi Louise Brooks explique-t-elle ce qu'elle qualifie "son propre échec sur le plan social".(1) 

A la question "Avez-vous été heureuse ?", Louise répond en 1967 : "Jeune, j'ai été malheureuse la plupart du temps. Ce que recherchaient mes amis - gloire, argent, pouvoir - n'était pas fait pour me rendre heureuse. Leurs plaisirs - saloperies sensuelles, manière de se donner des airs, de se faire valoir - ne me rendaient pas heureuse. C'est seulement quand je me suis installée à Rochester que j'ai trouvé un peu de bonheur. Loin de tous ceux qui voudraient s'occuper de moi, je peux vivre comme je l'entends et fermer chaque soir ma porte en disant "Dieu merci, je suis seule"."(5)

Elle restera dorénavant discrète, se consacrant à l'écriture, à la lecture et à la peinture.

"Je ne vis que pour mon art. Je ne lis rien d'autre que des livres instructifs".

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En août 1985, elle meurt d'une crise cardiaque à l'âge de 78 ans.

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"Le plus beau visage du monde. Elle le savait. Mais elle exigeait qu'on l'aime pour autre chose que pour sa beauté. Profondément, elle méprisait ceux qui cèdent à la séduction des apparences.

On voulait faire d'elle une star. Elle refusa, et disparut discrètement dans la coulisse, choisissant délibérément la solitude et l'oubli pour préserver son indépendance."

Dans Loulou, elle est "l'incarnation bouleversante de la "beauté fatale" selon l'esthétique de l'expressionnisme allemand.

Louise Brooks est aussi, et surtout, la seule actrice de l'histoire du cinéma qui se soit toujours insurgée contre cette nouvelle forme d'idolâtrie qui tend à réduire l'idéal humain - et singulièrement l'idéal féminin - à la copie conforme d'une image à laquelle chacun pourrait s'identifier sans risque.

Et elle le dit avec la conviction de quelqu'un qui n'achète pas ses certitudes aux rabais : pour une femme fut-elle douée de la beauté du diable, il y a , il y aura toujours une autre manière d'exister que celle qui consiste à adhérer passivement au "rôle" que la société a préparé pour elle. Une manière d'être".(4)

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Sources :

(1) Louise Brooks, dans "Loulou à Hollywood"

(2) William Shaw, auteur de la préface de "Loulou à Hollywood" 

(3) Nouvelles littéraires novembre-décembre 1977 (Roland Jaccard)

(4) Louise Brooks : Portrait d'une anti-star, sous la direction de Roland Jaccard, en collaboration avec Tahar Ben Jelloun, Lotte H. Eisner, André Laude et Jean-Michel Palmier

(5) Entrevue de Patrice Howald avec Louise Brooks, dans "Séquences", 1967

J-M Palmier : articles redécouverts

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