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Les paysans africains victimes de la chasse aux milliards verts

Publié le 27 septembre 2011 par Copeau @Contrepoints

La presse anglophone [1] révèle de nouvelles exactions commises contre des populations rurales de pays pauvres, au nom de la chasse aux « crédits carbone ».

Par Vincent Bénard

Les paysans africains victimes de la chasse aux milliards verts

Plus de 20 000 habitants des campagnes ougandaises ont été expulsés de leur terre

Je sauve la planète, donc ce qui est à toi est à moi

Le New York Times et quelques autres, citant un rapport de l’organisation peu suspecte d’anti-écologisme Oxfam, révèlent que les exemples d’expropriations violentes de paysans d’Afrique (entre autres) se multiplient (rapport, PDF -  Communiqué en Français), et notamment  que plus de 20 000 habitants des campagnes ougandaises ont été expulsés de leur terre, le plus souvent violemment, et souvent au nom de la lutte contre le réchauffement climatique. Traduction d’un extrait du NYT:

« Trop d’investissements [dans la terre] ont abouti à des dépossessions, des tromperies, des violations des droits de l’homme et la destruction de lieux de vie », affirme Oxfam dans son rapport. (…) À travers l’Afrique, des gens parmi les plus pauvres de la planète ont été expulsés de leur terre pour faire place à des investisseurs étrangers qui déracinent les fermiers locaux pour pratiquer des cultures intensives destinées à l’exportation.

Mais dans ce cas [en Ouganda], le gouvernement et la compagnie affirment que les occupants étaient dans l’illégalité et qu’ils ont été expulsés pour une bonne cause: Pour protéger l’environnement et lutter contre le réchauffement climatique. L’affaire s’articule autour d’un marché naissant, multi-milliardaire en dollars, du commerce des crédits-carbone sous le protocole de Kyoto, qui contient des incitations pour externaliser la protection de l’environnement aux pays en développement. La compagnie impliquée, New Forests Company, cultive des forêts dans les pays africains, dans le but de vendre les crédits-carbone générés par ses arbres aux pollueurs étrangers. Ses investisseurs incluent la banque mondiale, à travers sa branche privée d’investissement, et la banque HSBC.

Selon le rapport d’Oxfam (pages 14 à 17), New Forest Company, avec l’aide du gouvernement local, n’hésite pas à pratiquer l’expulsion de force de familles parfois installées depuis des décennies, et réduites à l’état de plus extrême pauvreté. NFC a ainsi obtenu du gouvernement le droit d’investir 9300 hectares plantés de 12 millions de pins, un investissement de 47 millions de dollars. NFC et le gouvernement ougandais affirment, évidemment, que les occupants anciens étaient des « squatters » sans titre de propriété valide. Ah, ces salauds de paysans pauvres, dont les parcelles n’étaient pas correctement cadastrées…

La lecture du communiqué d’Oxfam laisse d’ailleurs un petit goût amer. L’ONG dénonce la façon dont les expropriations se sont produites mais ne remet pas en cause le bien-fondé des politiques d’investissement conduites par NFC. Elle demande réparation et compensation pour les expulsés à cause du caractère violent  mais ne remet pas en cause les objectifs sous-jacents de NFC…

Écœurant, mais pas nouveau

Cette affaire, pour écœurante qu’elle soit, n’a rien de nouveau. Mes lecteurs réguliers se rappelleront peut-être de cet ancien (avril 2010) et bien trop long billet ou j’évoquais le gros conflit d’intérêt du WWF, organisation qui se drape de la vertu des grands protecteurs de l’envionnement, mais qui espère surtout toucher des milliards grâce à un programme ONUsien appelé REDD. WWF s’est vu octroyer par le gouvernement brésilien la concession d’un territoire amazonien dont elle doit préserver le couvert forestier, qui, naturellement, avait attendu le WWF pour être protégé. Une ONG qui combat le programme REDD, au nom de la protection des droits des populations indigènes à vivre sur leur territoire ancestral, « Forest Peoples Rights », a montré que le WWF avait expulsé des milliers d’indigènes du territoires concernés, relégués dans des bidonvilles en bordure des grandes villes situées à l’extérieur du territoire « protégé » par WWF.

Voici quelques extraits de ce que j’écrivais à l’époque:

À travers un mécanisme mis en place par l’ONU, au sein d’un programme intitulé REDD (Reducing Emissions from Deforestation in Developing countries), le WWF espère engranger ni plus ni moins de 60 milliards de dollars de crédits carbone sur les marchés d’échanges du CO2, à condition que les gouvernements mettent en place des quotas d’émission stricts. 60 milliards !

L’histoire vaut la peine d’être résumée. Le WWF a levé des centaines de millions pour mettre en place des zones de protection de la forêt humide des ravages supposés de la déforestation, dans le cadre d’un autre  programme de l’ONU appelé ARPA, Amazon Region Protected Areas Project. L’idée de départ a consisté à placer, avec l’accord du gouvernement brésilien (du temps de Cardoso), des pans entiers de la forêt amazonienne sous la tutelle de quelques ONG, sous la bannière du WWF, afin qu’elles y établissent des zones de protection.

Les paysans africains victimes de la chasse aux milliards verts

Puis, dans un second temps, le WWF prétend, de par sa « protection » des zones opérées sur les périmètres de l’ARPA, recevoir des crédits carbone pour chaque hectare de forêt « sauvée », et ainsi il espère pouvoir les revendre sur le CCX ou sur Blue Next aux entreprises qui préféreront acheter des crédits si cela leur revient moins cher que de mettre en place des filières limitant les émissions carbonées. Sa communication catastrophiste sur le devenir de la forêt amazonienne lui a donc permis de mettre en place un dispositif au potentiel incroyablement rémunérateur ! Vous me direz que si l’initiative du WWF permettait réellement de sauver l’Amazonie de la déforestation, il pourrait ne pas paraitre choquant qu’elle en tire profit. Sauf que… Quand des ONG vertes ethno-centriques critiquent les ONG vertes Gaïa-centriques, Richard North, sur l’excellent site eureferendum, est parti de l’article de Booker dans le telegraph et a mené des investigations complémentaires, qu’il recense dans un article fleuve intitulé « Amazon Gate II – seeing REDD », que je vous invite à lire si vous avez le temps, et qui fournit un nombre important de liens et de références sur les exactions commises par les ONG environnementales impliquées dans le programme REDD.

Derrière les beaux discours sur la conservation de la nature, de la biodiversité amazonienne, la réalité est très, très laide.

De l’article de North, il ressort que d’une part, les périmètres du programme ARPA sont souvent parmi les moins menacés de déforestation, parce que ce sont les plus inaccessibles. Le WWF n’a donc aucun mérite à les protéger, et lui accorder le bénéfice de crédits carbone sur la base du programme ARPA relève de la pure escroquerie intellectuelle.

Mais, beaucoup plus grave, la prise de possession des lieux par les ONG locales partenaires du WWF s’est faite au mépris absolu des populations ancestrales qui vivaient encore sur ces territoires il y a quelques années encore. Des organisations écologistes qui placent l’homme au centre de leurs préoccupations critiquent vertement le WWF et ses alliés. Parmi elles, « Forest people’s rights » a participé à la mise en place d’un observatoire des effets du programme REDD, qui publie un site intitulé « REDD monitor », dont les conclusions ont été reprises par nombre d’articles de presse tels que scientific american.

Les paysans africains victimes de la chasse aux milliards verts
source: redd-monitor
Par exemple, cet article de REDD-monitor montre que des ONG alliées au WWF ou leurs partenaires brésiliens font pression sur les populations indigènes pour qu’elles quittent leur habitat naturel, les forçant à s’agglutiner autour de villes champignon à la périphérie des zones concernées, ou ces populations peu adaptées à la vie urbaine font face à de graves problèmes de survie, d’alcoolisme, de prostitution, etc.

L’oligarchie criminelle

Je n’étais pas retourné sur le blog REDD monitor depuis cet article, mais j’aurais dû. La litanie de spoliations perpétrées contre les populations locales soit par des ONG, soit par des entreprises occidentales, y compris de très connues y est absolument épouvantable… Région des Chiappas au Mexique, Persécutions des communautés locales au Parana (Brésil), Congo (avec la participation de… Walt Disney !), etc. Et ce sont là seulement les archives du mois de septembre 2011 !

Forest-People Rights n’est pas un nid de climato-sceptiques. Ces gens semblent croire qu’il y a un problème avec le CO2 et que les occidentaux devraient réduire leur consommations d’énergie fossile. Cette croyance est plus que contestable et contestée, mais au moins, ils placent l’être humain au dessus des contingences climatiques, contrairement à tous ceux qui espèrent s’enrichir grâce à cette incroyable escroquerie.

Notez aussi qu’aucune des expropriations forcées recensées par Oxfam ou par REDD-monitor ne serait possible sans complicité active des gouvernements locaux. Dans des pays où la formalisation des droits de propriété des peuples séculaires laisse à désirer, et où les gouvernements ne se donnent pas pour objectif de faire respecter les droits de propriété de leurs populations, une source de profits faciles telle que REDD ne peut que produire des effets secondaires absolument catastrophiques. Mais nous ne devons pas croire que nous sommes à l’abri de telles exactions: chez nous aussi, des forces fascisantes œuvrent pour convaincre les gouvernements d’adopter des mesures autoritaires au nom du « sauvetage de la planète ».

Et ne vous y trompez pas: si un programme tel que REDD excite la convoitise d’appétits privés, il est bel et bien issu du protocole de Kyoto, construction tout ce qu’il y a de plus symbolique de cette collusion croissante entre gros intérêts financiers et États. Si d’aucuns essaieront une fois de plus de blâmer « un monde ultra libéral » pour dénoncer les abus commis au nom de l’appât du gain, ceux ci ne sont rien d’autres que le produit de la forme actuellement la plus dangereuse et malicieuse du constructivisme, le nouvel « oligarchisme ».

Assez !

Y aura-t-il enfin un dirigeant occidental de poids pour crier « Stop » à la folie climatique ? Toutes ces politiques destructrices, quand bien même quelques lobbys bien en cour en profitent très grassement, menées au nom de la plus grande escroquerie scientifique de tous les temps, doivent cesser. Sachant tous les doutes qui existent aujourd’hui sur la qualité de la « science » qui préside aux écrits alarmistes du GIEC, bras armé de l’ONU pour promouvoir son agenda environnementaliste, et toutes les malversations et authentiques crimes contre l’humanité (l’humanité pauvre, de préférence) commis au nom de la lutte contre le CO2, tout politicien qui refuserait ne serait-ce qu’un audit des politiques climatiques ne mériterait rien moins que le qualificatif de complice.

Après le Grenelle de l’environnement, à quand son Nüremberg ?

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Note :
[1] À l’heure où je frappe ce billet – dimanche matin – seul « 20 minutes » à repris l’information vieille de deux jours, un grand bravo à la presse Française pour sa capacité d’évitement des sujets qui fâchent.

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Lire également :
La couverture de l’affaire Ougandaise par le NYT, le Christian Science Monitor, Redd-monitor.
Le Blog de Redd-monitor
L’enterrement du climategate permet de maintenir ouverte la chasse aux milliards verts
L’offensive des intégristes verts contre la démocratie
L’oligarchisme, cancer des libertés
Rubrique Climat et dossier « Réchauffement » d’Objectif Liberté

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