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Ecrivants "fantômes" et plagiaires: le Web a bon dos

Publié le 01 octobre 2011 par Fmariet

D'abord, un article bilan, documenté, malin et plein d'humour publié par Béatrice Gurrey dans Le Monde des Livres (23 septembre 2011) sous un superbe titre : "Le plagiaire sans peine".
Etiologie du plagiat
On veut paraître, on copie ou l'on sous-traite à un auxiliaire anonyme et plus ou moins bien rémunéré ("nègre", ghostwriter). Celui-ci n'a pas de raisons de se forcer, alors, à l'occasion, il copie. Il ne risque pas grand chose, puisqu'il n'existe pas. Le "pseudo auteur", tout à son ignorance et à sa suffisance ne se rend pas compte du plagiat : cela fait partie des risques du métier ! Copier, coller : le Web et l'ordinateur permettent de copier "sans peine". Béatrice Gurrey dresse un premier inventaire, plutôt people : Ardisson (T), Attali (J), Beyala (C), l'évêque Gaillot (J), Le Bris (M), Macé-Scarron (J), Minc (A), Poivre d'Arvor (P)... Echantillon dans lequel les média-people, que les médias promeuvent sans vergogne, sont sur-représentés... Certains sont récidivistes. Le phénomène a pris tant d'ampleur que Hélène Maurel-Indart, spécialiste et universitaire, auteur d'ouvrages de référence sur le plagiat (Plagiats, les coulisses de l'écriture, 2007), y consacre un blog : leplagiat.net. Avec une rubrique "actualité". Les livres écrits par des plagiaires constituent une part des oeuvres grand public, histoire, biographies, essais...

Voir aussi Du plagiat, (2011)
Gallimard Folios

Modèle d'affaires
Le plagiaire sous-traite l'oeuvre et monétise ensuite la notoriété de son nom de faux auteur médiatisé sous la forme de conférences, conseil, droits d'auteurs et mondanités diverses. Le plagiaire est une marque ; il dispose d'accès gracieux aux médias, où souvent il émarge plus ou moins (multi-positionnalité), grâce à quoi il achète peu d'espace publicitaire. Son image de marque lui garantit une audience que le "plagié" ne recuillerait jamais, faute de contribution gratuite des médias : lui n'est pas une marque, sa notoriété spontanée est nulle. Il est sans nom, anonyme. Le plagiat est oeuvre de médiatisation. Sans média, pas de plagiaire ?
Béatrice Gurrey voit dans le plagiat et ses variantes un "mal français" : en France, on ne punit guère le plagiaire. En Allemagne, aux Etats-Unis, c'est un genre plus risqué. D'ailleurs, un noble et très riche politicien allemand, ministre, Karl-Theodor zu Guttenberg, s'est vu récemment retirer son titre de "docteur" : 82% (sic) de sa thèse était copiée-collée. La "Plagiatsaffäre", comme dit la presse allemande (cf. Der Spiegel et Die Zeit), fit grand scandale : le pseudo-docteur démissionna et s'est installé aux Etats-Unis...
D'une manière générale, le monde politicien fait prospérer de nombreuses "plumes" qui fabriquent des discours à la chaîne. Le politicien s'exprime sans cesse : travail médiatique de construction de sa marque, de sa notoriété. Le mal est public, à peine masqué, sinon admis : nul ne soupçonne plus un politicien, un chef de grande entreprise de rédiger lui-même ses interventions. Ce qui contribue à l'acceptabilité du plagiat et des copier-coller indus.
Antoine Compagnon évoque, à propos de l'université, "la tentation du plagiat" (2002)... Dès 1996, Plagiarism.org a traité de la prévention de ce problème pour le système éducatif américain. Partout dans le monde, l'université est mal à l'aise avec le problème du copié-collé et du plagiat, au point de promouvoir des logiciels capables de débusquer les coller-copieurs (iAuthenticate, Turnitin, ect.). La mondialisation des universités occidentales, la présence d'étudiants capables de copier-traduire-coller à partir de langues exotiques, complique la détection.


Responsable ? 
Internet, bien sûr. Erreur ! Le Web a bon dos ! Ce qui est en question, c'est le type d'exercice demandé à des élèves ou étudiants pour évaluer connaissances et savoir- faire acquis... On n'a pas attendu le Web pour copier ! Le Web, gigantesque bibliothèque de Babel, n'est pas le problème, mais plutôt la solution. D'abord le Web permet la détection des plagiats, ce qui était plus difficile autrefois. Mais surtout, le Web dévalorise de facto certains travaux scolaires effectués à la maison, dissertations, commentaires, résumés, mémoires, exposés, fiches, etc. Sans compter les traductions scolaires ! Car tout est sur le Web, tous les enseignants le savent, tous les élèves aussi, qui, dès l'école élémentaire, bénissent Wikipédia. Wikipedia que "plagient" aussi des auteurs plus connus : Chris Anderson s'est excusé évoquant une maladresse technique de l'éditeur, pour Houellebecq, on plaide l'intertextualité...
Le Web n'a pas fini de secouer le monde éducatif : pour échapper à ces difficultés, il faut plutôt prôner la créativité, l'originalité, le risque, l'invention. Ce ne sont pas toujours des vertus scolaires cardinales. Mais elles pourraient le devenir ; de nombreux pédagogues le réclament depuis longtemps : Montessori, Freinet, Nietzsche, Boulez, etc.
., l'invention

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