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Correspondances : une séquence au naturel...

Par Etrangere
Cette semaine, un défi m'a été lancé : trouver le poème qui pour moi décrit ce qu'est la Poésie. La chose m' a fait sourire.  La Poésie, venant du grec "Poïeïn" (créer, fabriquer), je vois déjà mes co-détenus du groupe d'Histoire des Arts se précipiter vers des définitions de la poésie à travers les Arts Poétiques et les mises en abyme. 
Bien trop simple pour moi : ou justement, pas assez. 

Le poète est l'Artisan des mots. C'est aussi un Créateur dans le sens artistique du terme. Or, rien que le mot Créateur me renvoie à la Création entière dans son sens universel.La nature, certes, mais pas en tant que secrète apparition: je parle là de tout ce qui respire, se meut ; ce qui aime et meurt ; ce qui désire et délaisse; ce qui s'achève et s'en va, en laissant une trace, un souvenir, un son, un goût. Je parle de la Vie. 
Car la poésie est une forme de vie en dehors de l'Espace et du Temps. En dehors de l'Homme, mais à travers lui. L'être, en somme ; l'Harmonie.

Alors, j'ai trouvé mon poème. Il se nomme Correspondances, tout simplement.
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.



Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal.Évidemment. 

Correspondances : une séquence au naturel...

Félix Bracquemond, illustration pour Les Fleurs du Mal


Dans cette musique ondoyante, je retrouve mes regrets admiratifs ou mon allégresse teintée d'amertume. Je distingue la Réalité. La seule, l'unique qui a raison d'être : la Nôtre. Affirmer qu'une Réalité Universelle particulière peut vivre sans nous, sans nos travers, nos joies et nos craintes, pourquoi pas ?  Postuler un absolu salvateur, je ne dis pas non... Mais les Hommes ont besoin de combler leur solitude par un élan, un souffle. Un mouvement ou un écho.  Affirmer qu'un Vérité absolue n'existe pas, c'est émettre un des plus grands paradoxes qui puisse être formulé. Mais sous-estimer la puissance créatrice humaine est se tromper au plus haut point. 
Les maux, mes mots... Et pour moi, la poésie, c'est justement cela : c'est le dépassement, la transcendance de la réalité au profit de notre Réalité. C'est la vie mortelle, c'est la mort vivace. C'est le retour à l'essence. 
Car pour vivre, et non exister, il faut savoir succomber à la magie du langage.

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