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Chère Jeanne

Par Inisfree

Chère Jeanne Balibar,

Vous venez donc de sortir avec Slalom dame un second album et je me demandais si vous aviez l'intention de poursuivre cette carrière de véritable rock-star. Non que je critique, non, j'ai bien sûr commandé cet album mais le père Noël a eu du retard. Alors je patiente. Non que j'ai des regrets, non, je me suis passé un grand nombre de fois votre premier essai, Paramour, dont je ne me suis jamais lassé. Comment vous en vouloir alors que vous reprenez la chanson de Johnny Guitar, la berceuse inquiétante de La nuit du Chasseur. Comment vous reprocher de sampler Godard et de nous offrir un duo suave et sensuel avec Maggie Cheung. Ah, Maggie ! J'ai adoré mettre ce disque en soirée et passer les dernières heures de la journée sur les accents de votre voix délicatement grave, légèrement rauque, chaude, proche. Envoutante.

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Pourtant, si, chère Jeanne Balibar, je vous en veut quand même un peu. Je vous en veux de ne pas être assez présente sur les écrans. J'avais eu l'idée de cette missive quand je vous ai vue dans la distribution de ce gros feuilleton diffusé sur France2 (aie !). Quelque réjouissante ait pu être votre courte prestation, de vous voir réduite à un tel second rôle m'a désolé. Notre cinéma se porte-t'il si mal qu'il ne soit pas fichu de créer un minimum de personnages à la dimension de votre talent ? Que vous deviez ainsi délaisser les écrans pour les scènes de théâtre et de concert ? Chère Jeanne, vous devriez faire trois films majeurs par an. Vous devriez avoir les mêmes flamboyances que Catherine Deneuve ou Jeanne Moreau dans les années 60 et passer ainsi d'un grand film d'auteur à un grand film populaire, donnant au cinéma quelques unes de ses figures de légende. Ne pourriez vous éventuellement demander les coordonnées de Wong Kar-wai à Maggie ? Je rêve de vous voir dans un tel univers. Au lieu de cela, vous êtes si rare. Trop rare. Quelques brillantes apparitions dans des films auxquels vous donnez le meilleur chez Nicloux, Assayas ou Honoré. Je vous avoue que j'ai plus retenu vos quelques minutes dans le rôle de l'ex-femme de Thierry Lhermitte que l'ensemble d'Une affaire privée.

Pourtant, depuis que vous êtes apparue chez Despleschin au sein de l'admirable bande de Comment je me suis disputé...(ma vie sexuelle) vous avez imposé quelques grandes figures. Anna d'abord, femme fatale, absolu féminin pour le personnage d'Albert dans la plus belle comédie des années 90, Dieu seul me voit de Bruno Podalydes. Vous y étiez une légende redoutable (« Tu vois ses seins, tu es mort » disait Otto à Albert) qui prenait corps et se révélait si compréhensive à l'issue d'un repas d'anthologie dans un décor sortit de chez Hergé. Vous étiez si belle dans l'encadrement du col du pull-over. Camille ensuite, pour Rivette dans Va savoir, magnifique actrice de théâtre, amoureuse de grande classe, portrait sublimé de ce vous semblez être dans la vraie vie, va savoir... Votre élégance, votre distinction, vos gestes félins, votre voix posée, vos accès de fantaisie, vos éclairs mélancoliques au fond du regard : Camille vous met au premier plan et synthétise toutes les facettes de votre talent. D'autres figures encore. Moretti féminin, médecin vague à l'âme au guidon de sa vespa, regard buté sous le grand casque dans J'ai horreur de l'amour. Maniaque hilarante et angoissante chez Jeanne Labrune. Amoureuse encore pour Assayas en compagnie de votre (réel) compagnon, Mathieu Amalric qui vous filmera sans retenue dans un film purement contemplatif au titre pour amateurs de tennis. C'est beaucoup et c'est bien peu. Aujourd'hui, chère Jeanne, je ne saurais vous dire assez combien j'attends avec impatience cette hache à laquelle il ne faut pas toucher qui vous fait retrouver Rivette à nouveau pour une adaptation de La duchesse de Langeais de Balzac. Le film est prévu pour mars 2007. Vivement.


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