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Médias, politiques, et langage ment

Publié le 11 octobre 2011 par Cdsonline

Médias, politiques, et langage ment

Pourquoi y a-t-il si peu de personnes pour trouver "anormal" que trois ministres du gouvernement actuel de Sarkozy (Jouyet, Kouchner, Hirsch) aient voté aux pr(él)im(in)aires "socialistes"?
S'achemine t-on vers une extension de ce curieux domaine de la non-lutte où l'on demandera bientôt aux joueurs d'une équipe de rugby se prononcer directement sur la composition de l'équipe adverse?
Peut-être le mot "adversité" est-il en train de se vider de son sens?

Et "gauche" alors? =)

Plus c'est gros, plus ça passe (dicton populaire).
Les médias n'en ont pas parlé, et c'est précisément ce qui devrait attirer notre attention.
Pourquoi? Toujours prêts à s'indigner, dépêcher des envoyés spéciaux, diligenter leurs "analystes politiques" et là, pas un mot…
Ne se trouve t-on pas en présence de ce que Marx a désigné sous le nom de "symptôme"?

De quoi le refoulement (du fait que trois ministres du gouvernement de Sarkozy votent aux primaires de la soi-disant "opposition" soi-disant "socialiste") est-il le symptôme?

Žižek raconte une vieille blague* de l’ex RDA à propos d’un travailleur allemand ayant trouvé du travail en Sibérie. Conscient du fait que tout son courrier sera lu, il explique à ses amis : « Établissons un code : si vous recevez de moi une langue écrite à l’encre ordinaire, bleue, je dis la vérité. Si elle est écrite à l’encre rouge, je mens. »

Un mois plus tard ses amis reçoivent la première lettre, écrite à l’encre bleue : «Tout est parfait ici, les magasins sont approvisionnés, la nourriture est abondante, les logements spacieux et bien chauffés, au cinéma on donne des films de l’ouest, les filles sont nombreuses et peu farouches – la seule chose qui manque, c’est de l’encre rouge.»

La structure ici est plus raffinée qu’il n’y paraît : même si il ne peut indiquer de la manière entendue qu’il ment, le travailleur parvient néanmoins à faire passer son message. Comment ?
En incluant dans le message codé, la référence au code comme un élément du code lui-même. C’est là bien sûr la problématique classique de l’autoréférentialité : puisque la lettre est écrite à l’encre bleue, son contenu n’est-il donc pas entièrement vrai ? C’est le fait de mentionner l’absence d’encre rouge qui signale que cette lettre aurait dû être écrite à l’encre rouge. Et il est intéressant que ce soit cette mention même qui produise l’effet de vérité indépendamment de sa propre vérité littérale: quand bien même il eût été possible de trouver de l’encre rouge, les conditions de censure impliquaient nécessairement de recourir au mensonge pour faire parvenir le vrai message.

Cet exemple ne nous offre-t-il pas la matrice d’une critique efficace de l’idéologie – et non seulement dans les conditions « totalitaires » de censure, mais bien plus, peut-être, dans les conditions plus raffinées de la censure libérale?

Dans un premier temps, on reconnaît que chacun dispose de toutes les libertés désirées – puis on complète l’énoncé en ajoutant simplement que la seule chose qui manque, c’est de l’encre rouge : on se sent « libre » pour la bonne raison que nous manque le langage même pouvant articuler notre absence de liberté. Transposée à l’époque contemporaine, l’absence d’encre rouge signifie que les principales dénominations utilisées pour désigner les conflits présents – « la guerre contre le terrorisme », « la démocratie et la liberté », « les droits de l’homme », etc. – sont erronées. Elles déforment notre perception de la situation au lieu de nous permettre de la penser. Dans ce sens précis, nos libertés elles-mêmes servent à masquer et à soutenir notre profonde absence de liberté.

Le langage nous manque, qu'est-ce que ça veut dire?

Si l'on en réfère à l'origine — et donc à Platon — lorsque la démocratie se trouve pervertie, cela peut être relevé par des mots. La langue Grecque ancienne, plastique et structurée, permettait d'en inventer et de composer tout en conférant à chaque néologisme une portée incisive.

Pour ce qui nous préoccupe aujourd'hui, Platon avait entre autres créé deux mots totalement absents de nos dictionnaires d'aujourd'hui :
• “Timocratie” forgé à partir de “timé” (marque d’honneur) pour désigner le régime de ceux qui, sur fond de démocratie formelle, recherchaient avant tout les honneurs (La République, 545, B)
• "Théâtrocratie" pour décrire une démocratie où tout le monde se croit compétent sans avoir rien appris, du théâtre comme des autres disciplines. Leur assurance forcée les mène à l’impudence ; dès lors ils se croient tout permis, refusent l’autorité, les lois, le serment, l’engagement … (Les Lois, 701, A, 3)

Les mots Timocratie et Théâtrocratie ne sont plus en usage de nos jours.


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