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Ma « Semaine de la critique » : trois films, zéro risque

Publié le 12 octobre 2011 par Mademoiselledupetitbois @MlleduPetitBois

Ma « Semaine de la critique » : trois films, zéro risque

Ce n’est pas parce que ces trois films ont reçu une récompense à Cannes en mai dernier que modestement je les distingue à mon tour. Cannes, c’est parfois un pari risqué qui peut… ennuyer. C’est donc bien parce qu’au goût de la cinéphile avertie que je suis, ce sont là trois longs-métrages inventifs, étonnants et brillants, qui, distinctement, ont pris le risque de proposer des visions originales avec intelligence et sensibilité. Le premier aurait pu se révéler un énième et clinquant film mouvementé, le deuxième aurait pu figurer un exercice de style-hommage lénifiant voire foiré, le troisième… Gardons-le pour la fin.

Follow that car… Drive !

Ma « Semaine de la critique » : trois films, zéro risque
Impossible de ne pas se laisser embarquer par cet engin puissant dès les premières minutes… Je vais éviter de filer la métaphore trop longtemps : mais punaise, ça carbure dans ce film ! Attention : ici on est loin, très loin de la mécanique lourdingue 2 fast 2 furious… Un as du volant, expert ès cascades, alterne les jobs de bonne ou mauvaise conduite et mène une existence que l’on devine solitaire. Il se lie avec sa voisine de palier et son jeune fils, jusqu’à ce que le mari et père de ceux-ci retrouve son foyer après un séjour en prison. Ce retour va sérieusement compliquer l’existence de tous les personnages. [Si vous êtes passés comme moi à côté de la bande-annonce, je vous exhorte à ne pas la regarder, elle est comme souvent bien trop bavarde ! Laissez-vous aller à la surprise, vraiment, car :]

Le scénario est huilé deluxe, les images sont rutilantes, la mise en scène conduite (j’arrête les jeux de mots, rha cette manie) superbement par Nicolas Winding Refn : cadrages qui accompagnent et approfondissent tant l’action que la vision des personnages, montage, lumières, musique, rythme, silences. Si l’on devine les maîtres qui guident le regard du réalisateur (qui, pour la petite histoire, n’a pas le permis de conduire !), son travail valait bien le Prix de la mise en scène à Cannes. C’est indéniablement un grand film, de genre bandits en action sentimentale disons, histoire de le situer. Mais comme les grands films, il est difficile à classer.

La réussite tient aussi à la distribution impeccable : Carey Mulligan en jeune mère bonté légèrement paumée, Bryan Cranston (beloved Breaking bad), Albert Brooks à contre-emploi… Ce petit monde est parfaitement dirigé. En témoigne particulièrement l’acteur principal, porteur initial du projet d’ailleurs. Ryan Gosling, enjoliveur haut de gamme, est impressionnant. Avec très peu de paroles, il fait d’un personnage qui pourrait être ras-du-bitume un être troublant : taiseux donc, presque benêt, charismatique, flippant, candide, attachant, insaisissable… Je retiendrai particulièrement le ravissement que suscite cette scène où la délicatesse d’interprétation tient en un sourire qui naît, disparaît, renaît… Parfait tempo, belle qualité d’échange avec sa partenaire. Même si les images étaient dispo sur le web, je ne les proposerais pas ici. Car rien que pour ça, vous devez voir ce film. Et rien que pour ça, l’acteur aurait bien mérité un prix d’interprétation à Cannes, mais il y avait… The Artist.

Silence, moteur, ça tourne… The Artist

Ma « Semaine de la critique » : trois films, zéro risque
Il ne l’a pas volée, cette récompense, Jean Dujardin. Je ne suis pourtant pas une fan de cet acteur (même si je reconnais son talent), pas même de Bérénice Béjo ou de Michel Hazanavicius. En revanche sur le ciné muet puis parlant des années 20 et 30, je suis pour ainsi dire incollable. Autant dire que j’attendais donc ce film avec impatience… sans couteaux préaiguisés pour le tailler en morceaux au moindre prétexte – c’est pas mon genre.

Et bien ces trois-là, et tous ceux qui ont collaboré à ce projet, ont gagné leur pari : c’est un beau film d’amoureux du cinéma pour les amoureux du cinéma, et qui plaira à tout le monde. Les cinéphiles retrouveront les clins d’œil et emprunts aux grands de l’Age d’Or hollywoodien. D’abord, Singing in the rain (l’évidence tout du long), dont la mise en abyme est assumée dès l’ouverture de l’histoire : le passage au ciné parlant met en danger l’acteur star du ciné muet du moment… Comment ne pas voir un Gene Kelly qui aurait avalé John Gilbert et porterait le nom de Rudolf Valentino dans le Georges Valentin joué par Dujardin ? Il a du Cary Grant aussi, Jean, mais… grâce au chien ! Ce petit fox qui le suit partout est le digne héritier de Skippy, the fox terrier qui jouait un rôle à part entière en incarnant Mr Smith dans The Awful Truth (mon film culte absolu) et apparaît aussi dans Bringing up Baby (cf. ). Bérénice Béjo est, disons-le tout net, excellente et, comme dans les comédies américaines d’époque, les seconds rôles sont épatants : James Cromwell et mon immense, mon préféré et parfait John Goodman, toujours inspiré. Le facteur de sympathie qu’il a ce bonhomme !

Ma « Semaine de la critique » : trois films, zéro risque

Entre the magnificent Irene Dunne et Cary Grant, l'ancêtre ciné du mignon cabot de l'Artist : Skippy (in The Awful Truth)

Côté images, lumières, cadres, citons entre autres Jacques Tourneur, Fritz Lang… Les costumes, eux, rappellent ceux d’Adrian ou d’Edith Head. Bref, tout ceci est donc un travail soigné, même si ça pèche un peu parfois côté rythme (c’est pas du Hawks !). La partition musicale compense, avec notamment Bernard Hermann, que vous avez entendu chez Welles ou encore Hitchcock. Enfin, Michel Hazavanicius se paie le luxe, pour la scène dansée, d’un (presque) plan-séquence, ce qui n’existe plus guère dans les comédies musicales. Il emporte alors l’adhésion, d’autant qu’à l’heure où les changements du numérique mettent en péril le travail photographique des chefs op, où les acteurs deviennent toujours plus de simples voix au service de films animés en 3D, il est extraordinairement plaisant de voir rappelé ici que le cinéma, ce sont des acteurs en chair et en os, des corps et des cœurs vivants, avec ou sans voix, sur pellicule. Là encore, ne regardez pas la bande-annonce : cette manie de raconter presque tout le film !

Pas spécialement fashion… Polisse

Ma « Semaine de la critique » : trois films, zéro risque
C’est ça qui plaît dans la filmo touchante de Maïwenn : par le passé orientée mode, en couv du Elle de cette semaine d’ailleurs, la jeune femme émotive (et émouvante) que l’on croise depuis un bail sur scène ou sur écran (souvenez-vous, la belle petite de L’été meurtrier) fait, armée de courage, son chemin artistique vaille que vaille. D’abord avec le réussi Pardonnez-moi, puis avec Le bal des actrices, qui s’il m’a plu ne m’a pas réconcilié avec la gente professionnelle… Elle s’empare ici d’un sujet particulièrement émotif encore : la brigade des mineurs, donc la maltraitance enfantine. Préparez vos mouchoirs, et dès la sortie mercredi prochain je vous en reparle… Parce qu’en plus il y a Joey Starr (je ne suis pas à une contradiction près : ce type me plaît en dépit des claques qu’il a distribuées par le passé à je ne sais plus quelle femme), et Karine Viard, et nombre d’acteurs en général assez bons.

Cette bande-annonce-là, elle, me paraît réussie. La voici :

Elle fait envie, ne dévoile pas tout le film et parvient à elle seule à secouer et impressionner… Je vous encourage d’ores et déjà à aller voir cette Polisse, dont je vous reparlerai dès mercredi prochain, donc. En attendant, allez donc voir les deux premiers… Et vous vous exclamerez alors, comme moi : Vive le cinéma risqué !

Ps. Pas mon genre les couteaux, mouais… bon, d’accord, je ne vous dirai donc pas tout le mal que je pense de cette énième version débile des Trois Mousquetaires. C’est mon Dumas qu’on assassine !


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