Magazine Médias

Présidentielles 2012 : François Hollande, le jésuite thermodynamique

Publié le 16 octobre 2011 par Copeau @Contrepoints

Suite de notre série de portraits des principaux protagonistes de l’élection présidentielle française de 2012. Après Eva Joly, voici le portait de François Hollande.

Par Fabrice Copeau

Présidentielles 2012 : François Hollande, le jésuite thermodynamique
Le petit François est né en 1954, dans une Normandie qui achevait sa reconstruction au sortir de la Seconde Guerre mondiale. De la patrie de Maupassant et de Lepetit, François Hollande veut devenir un grand. Son père, médecin facho, qui soutiendra l’OAS et les ratonnades du pont de Neuilly, le massacre de la station Charonne et le passé du préfet Papon, est un notable poujadiste de Bois-Guillaume.

Il étudie chez les culs bénis des Frères des Écoles chrétiennes, au pensionnat Jean-Baptiste de la Salle, à Rouen. Entre deux catéchismes, le petit François étudie les humanités, dans la vaste chapelle néo-romane qui sert de salles de classe. Il n’a connu ni les grèves des enseignants qui réclament toujours plus de moyens, ni l’inique carte scolaire, ni le fabuleux collège unique, qui a fait de nous les obscurs analphabètes que nous sommes. Il étudie à l’ombre de la discipline jésuite.

S’il fréquente les meilleurs établissements catholiques, ce qui est tout de même assez rare pour un moitié Juif, François poursuit ensuite sa scolarité dans un établissement parisien réputé, le lycée Pasteur, à Neuilly. Il y côtoie le gratin de l’intelligentsia française, qu’il s’agisse d’usurpateurs avérés (Jean-Paul Sartre, Jean-Pierre Rioux), ou d’authentiques penseurs (Alain Besançon, Fernand Braudel). Il rencontre la fameuse équipe du Spendid, avec laquelle il aurait pu se ménager une carrière toute différente de celle qu’il a choisie – quoique, on l’imagine aisément débiter les répliques de Pierre Mortez du Père Noël est une ordure. Il se lie d’amitié avec le préposé aux rétrocommissions Renaud Donnedieu de Vabres, avec le vendeur de Calvin Klein Bernard-Henri Lévy, et rencontre même l’excellent Philippe Nemo. Dommage que ce dernier n’ait pas eu le temps de l’initier à l’ordre spontané et à la philosophie de Friedrich Hayek. Le bonhomme aurait une toute autre allure aujourd’hui.

François est un cumulard : il amasse les diplômes les plus prestigieux (IEP de Paris, où il préside la section UNEF, HEC, ENA, école dans laquelle il croise non seulement Ségolène Royal, mais où il retrouve également son copain Donnedieu de Vabres, ou encore Michel Sapin et Dominique de Villepin). Il sortira septième de sa promotion.

Il s’installe, donc, avec Ségolène, en 1970, un an avant Épinay. Le monsieur est charmeur, plait aux femmes et le sait. Le célibat ne le concerne pas. Il ne se marie toutefois pas avec Ségo, afin que chacun puisse préserver sa capacité d’action politique : en effet, en France, mari et femme ne peuvent être simultanément députés. Ce qu’ils ambitionnent tous deux. Ils auront quatre enfants ensemble.

C’est en 1974, à l’orée du septennat de VGE, que François Hollande, aux lunettes serties et épaisses comme des culs de bouteille, s’engage en politique. Il préside, à HEC, le comité de soutien à François Mitterrand. Il ne tardera d’ailleurs pas à être présenté à tonton, par le penseur à l’esprit aussi vif que confus, le courtisan voire l’entremetteur Jacques Attali. Il devient conseiller économique du Mitterrand du Programme commun. Sorti de l’ENA en 1980 (promotion Voltaire), il intègre la Cour de comptes, comme auditeur. Affectation moyenne, pour un classement moyen.

Apprécié du leader de la gauche, il ne tarde pas à devenir un jeune loup de la mitterrandie, propulsé à Ussel aux législatives de 1981. Il y affronte un collègue de la juridiction de la rue Cambon, un certain Jacques Chirac. Il prendra une belle déculottée, dès le premier tour.

La gauche au pouvoir, François découvre sa véritable voie, celle qu’il ne lâchera plus jamais : il est l’Apparatchik avec un grand A. L’homme d’appareil, celui qui fait les coalitions, les majorités lors du vote des motions, qui renverse ses opposants lors de psychodrames de salon, qui a le droit de vie et de mort sur la carrière de tous les ambitieux, qui se rendent vers lui comme à Canossa. Mais qui ne se salit pas les mains avec la gestion du quotidien. Il enchaîne donc, comme le parfait haut fonctionnaire, donc socialiste, qu’il est, les postes en cabinets ministériels : dircab du bonapartiste de gauche Max Gallo, de l’Al Capone de l’île Saint Louis Roland Dumas, il échoue encore et toujours aux élections. C’est le général Alcazar du parti socialiste. Il échoue, certes, excepté à Ussel. Il y devient simple conseiller municipal. Ce n’est pas franchement ce que l’on peut appeler une consécration populaire.

Le PS de l’époque est miné par d’innombrables courants, querelles de chapelles et autres combats de titans en plastique, phénomènes propres à cette faune interlope. Mais François, lui, a trouvé sa voie. Notre Bernadette Subirous de Solférino a eu l’illumination. Elle ne la quittera plus. François se veut rassembleur. Face à tous ces courants, qui n’ont d’autre existence que de circonstance, il fonde, avec ses potes Jean-Michel Gaillard, Jean-Yves Le Drian et Jean-Pierre Mignard un nouveau courant : le transcourant ! Comme la thermodynamique de Boltzmann a révolutionné la science des grands systèmes, le transcourant de Hollande veut révolutionner le logiciel des héritiers de la SFIO. Ou, plus modestement, tel un cuisto hâbleur des quartiers louches marseillais, Hollande veut créer une dynamique fusionnelle comme on crée une bouillabaisse indigeste. Il s’appuie donc sur Jean-Michel Gaillard, issu comme lui de la Cour des comptes, qui, comme tout bon serviteur de l’État-PS, sera ensuite PDG d’Antenne 2, puis directeur de l’ENA. Et sur Jean-Yves Le Drian, actuel président de la région Bretagne, et dont le nom fleure bon le caramel salé et la bigoudène, qui sera aussi un éphémère secrétaire d’État à la mer, dans le gouvernement d’Édith Cresson. Et enfin Jean-Pierre Mignard, célèbre avocat des pays africains, des écoutes de l’Élysée, des affaires de la ville de Paris, et plus près de nous de l’affaire Clearstream et de celle de Liliane Bettencourt, est un ancien du PSU de Rocard et un jésuite actionnaire de Témoignage Chrétien.

François atteint, enfin, le Nirvana en 1988, en se faisant élire député de la 1ère circonscription de la Corrèze. Il enchaîne en devant un scribouillard minable lors du congrès de Rennes (1990), en prenant fait et cause pour la motion Mermaz-Mauroy-Jospin. Et en perdant aux élections législatives de 1993, devant la vague irrésistible des socialistes de droite, menés par Édouard Balladur. Jésuite hier, François, qui fait l’apprentissage de la défaite, a besoin de retrouver la foi. Il la trouve en se rapprochant du père de Martine Aubry, et en prenant une part active aux travaux des Clubs Témoin. Un an plus tard, il devient, toujours parfait Apparatchik, secrétaire national du PS aux affaires économiques. Poste clé s’il en est rue de Solferino, toujours confié à des fidèles dignes de confiance, Eric Besson par exemple.

Las ! Ne pouvant plus compter sur Jacques Delors, qui échoue tel un cétacé sur les rivages de l’oubli, il se rallie alors à Lionel Jospin, par pur opportunisme tant on ne voit pas clairement les convergences de vue que celui-ci pouvait entretenir avec le père de la Commission européenne. François devient le porte-parole de la première campagne présidentielle de Lionel Jospin.

Il est la cheville ouvrière, thermodynamique là encore, de la tambouille indigeste qui constitue la Gauche plurielle, en 1997. Un vrai bouillon de culture de maquignons douteux. C’est au prix de cette alliance des carpes, des lapins, des renards et des coqs qu’il retrouve son siège de députain. Il fait avaler à tout le monde, tel un druide louche échappé de la forêt de Coëtquen, la potion Jospin à ses affidés. Qui meurent sur le champ. Ce qui lui laisse le champ libre pour piquer les clefs de la rue de Solferino.

La consécration arrive tardivement, mais elle arrive ! En 2001, au bout de la troisième tentative, il devient maire d’une des principales métropoles nationales, Tulle. Élu dès le premier tour, s’il vous plait. Et aimé des Corréziens, qui le réélisent députain en 2002.

A toute carrière politique il faut des circonstances, des hasards, des imprévus, des coups de théâtre. Pour François, l’événement important se déroule un 21 avril. Lionel Jospin, minable jusqu’au bout, prend des vacances prolongées à l’île de Ré. François, jusque-là contre-amiral, voire capitaine de frégate du navire PS, devient amiral pour de bon et prend définitivement le commandement de la boutique des socialistes de gauche.

Il poursuit son œuvre thermodynamique. Il construit, pied à pied, le programme socialiste des années à venir. C’est pour l’essentiel grâce à lui que le PS remporte une très large victoire lors des élections régionales de 2004. Et lors des élections européennes qui suivent.

En 2005, il est à nouveau désigné Premier secrétaire du Parti socialiste. Artisan acharné des kolkhozes locaux, il rallie à sa motion un célèbre trousseur de domestique, un esthèque gay parisien, une dame aux caméras. Mitterrand, s’il avait été encore de ce monde, n’aurait pu qu’admirer le parcours accompli par son élève.

Mais à trop attendre son heure, on finit par l’oublier. En 2006, il tergiverse et hésite à entrer dans la bataille des primaires. Il laisse partir une échappée composée de Ségolène Royal, Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn. Il pense que ceux-ci s’épuiseront à force de se combattre, et qu’il pourra apparaître, fidèle à sa logique thermodynamique, comme le rassembleur, la synthèse à défaut d’être la prothèse. Grave erreur. Ségolène a déjà rallié à sa cause le tout-Paris du showbiz, des médias et de la politique.

C’est le 17 juin 2007 que François et Ségolène officialiseront une séparation pourtant effective depuis bien longtemps.

Il retourne avec vers sa terre d’adoption, la Corrèze, se fait élire aux cantonales et bat dans la foulée le président socialiste de droite du Conseil général. Il laisse s’étriper, au Congrès de Reims, une Royal déjà abandonnée par les siens, et Aubry qui n’hésite pas, pour l’emporter, à bourrer les urnes et à magouiller en coulisses.

Il se trouve à présent face à elle, au deuxième tour des primaires désignant le candidat du PS pour la présidentielle de 2012. Mais c’est sans doute lui, qui se veut l’incarnation d’une social-démocratie consensuelle et apaisée, qui est le véritable héritier de Jacques Delors.


Retour à La Une de Logo Paperblog