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17 octobre 1961

Publié le 17 octobre 2011 par Actu34

Prévert est un des rares écrivains à dénoncer la répression sanglante qui accompagna la manifestation pacifique organisée à l’initiative du F.L.N. le 17 octobre 1961. Les Algériens entendaient protester contre le couvre-feu que leur avait imposé Maurice Papon, alors préfet de police. La police rafla à la sortie du métro les manifestants identifiés par leur faciès et les conduisit dans des bus réquisitionnés pour l’occasion ; elle tira également sur les manifestants, procéda à de nombreuses arrestations et exécuta plusieurs prisonniers : la préfecture de police n’annonça officiellement que quatre morts, le F.L.N. revendiqua deux cents morts et quatre cents disparus. Il semble aujourd’hui qu’il y ait eu entre cent et trois cents morts, peut-être davantage.[1] Les jours suivants, les corps de nombreux algériens furent repêchés dans la Seine.

Dans Lettre au Baron Mollet, daté du 23 novembre 1961, Prévert écrit : « Rien n’a tellement changé, bien sûr, il a coulé beaucoup d’eau, et ces jours-ci à Paris beaucoup d’Arabes sous les ponts. Attila, le fléau des rats, garde toujours sa raison sociale face à l’Elysée, et Papon, le fléau des Ratons, quand il passe devant, n’oublie pas de rectifier la position. » Attila, c’est bien sûr De Gaulle…

Dans le texte que Prévert écrit pour Diurnes, et qui accompagne des montages photographiques réalisés par André Villers et Picasso, Prévert revient sur cet épisode tragique : « comme hier aux juifs, la chasse aux ratons est ouverte et la sclérose policière gagne allègrement les pauvres artères de la ville lumière. » L’ouvrage paraît en 1962, soit quelques mois seulement après la sanglante répression policière. Les photographies de Villers n’ont pas de lien avec le texte de Prévert, mais un journaliste juif, présent le soir de la « ratonnade », a pris des photographies : Elie Kagan. Les faits sont dissimulés au public, tout ce qui se rapporte à ces crimes racistes est saisi et le public, privé d’image, ne croit pas au massacre. Même le parti Communiste se tait devant la mort de ces ouvriers algériens, soucieux de ne pas paraître anti-patriotique face à l’électorat français. A la mort d’Elie Kagan, on retrouvera dans ses archives un texte dans lequel, comme Prévert, il établissait un parallèle entre les rafles de la seconde guerre mondiale et le massacre de centaines d’algériens en 1961 :

17 octobre 1961 / Plus tard on appellera cette chaude journée / « Ratonnades à Paris ». Des arabes par milliers / Concorde, Solférino, rue de Lille, hommes casqués. / Ma peur qui me surprend. / Octobre 1961 / Juillet 1942 / Octobre 1961 / Juillet 1942 / Mêmes wagons bondés / Français nez contre vitres, indifférents / On tire, on tue et puis on efface vite.

17 octobre 1961


[1] Chiffre donné dans le film 17 octobre 1961, une journée portée disparue, Philip Brooks et Alan Hayling, 1992.


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