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AFRIQUE G20, j’ai faim

Par Poko

Il y a dans le monde davantage d’obèses que de personnes souffrant de la faim. Entre ceux qui mangent trop et ceux qui souffrent d’une sous-alimentation chronique, notamment en Afrique, le fossé se creuse chaque jour un peu plus. Et les Indignés rêvent d’un autre monde en scandant «G20, j’ai faim».

Un petit garçon en train de manger, au Kenya.

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Le monde ne tourne pas rond. Et va de plus en plus mal. Imaginer qu’il y a sur cette terre 1,5 milliard de personnes en surpoids pour 925 millions d’autres souffrant de la faim crée un malaise certain. Pas sûr pourtant que cela soit au centre de la réunion des pays du G20 en France cette semaine, davantage préoccupés par les difficultés de la zone euro.

Pas question ici de stigmatiser les «gros», l’obésité et le surpoids ne sont pas des choix. Des facteurs génétiques et le mode de vie sont souvent en cause.

Mais ces statistiques incroyables de la Fédération internationale de la Croix-Rouge, publiées fin septembre en Inde, ont frappé les esprits.

«Si la libéralisation des marchés a abouti à une situation où 15% de l’humanité a faim tandis que 20% est en surpoids, il y a quelque chose qui n’a pas marché quelque part», a souligné le secrétaire général de l’organisation, Bekele Geleta.

Cet Ethiopien de 66 ans a placé la lutte contre la faim comme une de ses priorités. «J’ai connu la précarité, je sais ce que ce c’est. Je viens d’une famille pauvre. Aller à l’école le ventre creux, je connais», avait-il dit peu après sa nomination à la tête de la fédération en 2008. Son pays a connu une famine meurtrière en 1984 et encore aujourd’hui enregistre des taux de malnutrition inquiétants.
Où vivent les obèses?

On a tous à l’esprit l’image de l’Américain imposant, affalé sur son fauteuil fatigué, suivant chez lui un match de hockey sur glace, tout en ingurgitant pizza, hamburger, frites et coca. L’ «American way of life», érigé en modèle planétaire?

Selon les dernières études de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le pays de l’Oncle Sam n’est pourtant pas celui où les habitants sont les plus gros. La palme d’or revient à la République de Nauru, perdue en plein océan Pacifique, et seulement peuplée de 10.000 habitants, qui décroche le titre si peu envié de champion toute catégorie (homme comme femme).

Les hommes les plus gros vivent donc à Nauru, aux Etats-Unis et, d’une manière plus étonnante, en Arabie saoudite, ainsi qu’en Australie ou au Canada. Sur le continent africain, les hommes sud-africains et égyptiens montent sur le podium avec les Algériens.

Pour les femmes, les plus enveloppées vivent toujours sous les cocotiers de Nauru mais les Egyptiennes et les Saoudiennes se sont hissées sans peine sur les premières marches.

En Mauritanie, des jeunes filles sont littéralement «gavées». Elles doivent ingurgiter de force des quantités incroyables de nourriture pour atteindre un poids et des formes correspondant aux «gouts» de certains hommes.

Comme le montrent les statistiques de l’OMS, le surpoids n’a pas de couleur, ni de religion. Il n’est pas le reflet d’un monde occidental, riche et obèse, asservissant un Sud pauvre et affamé. Les Sud-Africains, hommes comme femmes, sont ainsi plus gros que les Français.

Si les nutritionnistes occidentaux font fortune en essayant de faire maigrir leurs compatriotes, le surpoids ne souffre en effet pas de tels préjugés en Afrique.

La pandémie du sida, vite surnommée la «maladie de la maigreur», a encore accentué le phénomène des «belles formes». Si je suis gros, c’est que je suis en bonne santé, veut-on croire. C’est faux. On peut être séropositif ou avoir le sida et être obèse.
Obèses africains

En trente ans, l’obésité a doublé dans le monde. Et les enfants de moins de 5 ans sont de plus en plus touchés, selon l’OMS. En Afrique, le nombre d’obèses dans cette catégorie d’âge a bondi, passant de 4 millions en 1980 à 13,5 millions en 2010, soit de 4% à 8,5% de l’ensemble des enfants de cet âge. Contrairement à leurs parents, ces enfants consomment dès le plus jeune âge beaucoup plus d’aliments industriels qui contiennent beaucoup de graisses et de sucre et passent leur temps libre devant la télévision.

Les boissons gazeuses, le fameuses «sucreries», sont redoutables. Dans les familles des classes moyennes africaines, elles tendent à remplacer l’eau à table. Logiquement, les maladies cardio-vasculaires et le diabète enregistrent des hausses foudroyantes. Pour de nombreux jeunes, l’accession à la modernité occidentale passe par la «junk food», la malbouffe.
Malnutrition africaine

Il est délicat, après avoir évoqué les problèmes de surpoids en Afrique et ailleurs, d’évoquer la famine dans la Corne de l’Afrique, et plus particulièrement en Somalie. Sur le même continent, dans le même pays, peuvent coexister les gros et les affamés. Comme partout ailleurs dans le monde. Mais en Afrique, ce contraste est plus violent.

La sécheresse frappant la Corne de l’Afrique et la famine qui menace12 millions de personnes a aujourd’hui disparu des écrans radars de l’actualité mondiale, même si la situation reste alarmante. Le monde a montré peu de solidarité pour les petits Somaliens qui lui tendaient la main. Cette indifférence a été constatée en Occident mais aussi dans les pays arabo-musulmans (à l’exception notable de la Turquie), en Chine et même dans le reste de l’Afrique. Ce manque de solidarité envers la Somalie, dévastée par 20 ans de guerre civile, écartelée entre chefs de guerre sanguinaires et miliciens shebab fanatiques, en dit long sur l’état du monde en 2011.

Mais il n’y a pas que la Somalie qui crie famine, la malnutrition augmente en République démocratique du Congo (RDC), au Burundi et dans toute la bande sahélienne.
La colère des Indignés

Faut-il alors se satisfaire d’un monde où la richesse est si mal partagée, d’un monde où certains meurent parce qu’ils mangent trop et mal et d’autres par manque de nourriture? Evidemment non. Dans les pays occidentaux, le mouvement des Indignés, né en Espagne, se propage en Europe et aux Etats-Unis, défiant un capitalisme sauvage qui ne profite, selon eux, qu à «1%» de la population.

Le mouvement n’en est qu’à ses débuts et semble promis à un bel avenir, certains économistes prédisant que l’Occident entre progressivement dans une «grande dépression» identique à celle des années 30. Il s’agit d’ores-et-déjà du plus important mouvement de contestation depuis les pacifistes des années 70.

En Afrique, le mouvement des Indignés a peu d’écho, à part en Afrique du Sud. Les progressistes du continent noir s’inscrivent davantage dans le sillage des révolutions du monde arabe, beaucoup plus radicales. Mais, pour l’instant, les révolutionnaires ont eu du mal à traverser le Sahara pour «secouer le cocotier».

En matière de révolution et d’indignation, l’Afrique a encore une marge de progression.

Adrien Hart

slateafrique.com


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