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Le Pacte Immoral, ou comment ils sacrifient l'éducation de nos enfants

Publié le 05 novembre 2011 par Vindex @BloggActualite
Le Pacte Immoral, ou comment ils sacrifient l'éducation de nos enfants
Bonjour tout le monde.
J'ai lu dernièrement un livre intéressant à propos de l'éducation en France. Ecrit par Sophie Coignard, reporter au Point, Le Pacte Immoral, fait un état des lieux de l'ancienne meilleure école du monde. Le but et de montrer à quel point la situation est critique pour notre système éducatif. Très sujet au réforme et aux débats, celui-ci est en pleine crise, entre mauvais résultats à l'OCDE, mauvais classement des universités au palmarès de Shanghai. Sophie Coignard tente d'en établir les causes, et découvre rapidement qu'un pacte est à l'origine de tout cela...
L'Education : un ministère instable :
Le ministère de l'Education peut à première vue apparaître comme stimulant au vu du chantier dont il pourrait faire l'objet. Et pourtant, de nombreux hommes politiques le voient comme un briseur de carrière. Il faut dire que les réformes y sont difficiles, contrôlée étroitement par Bercy (où se trouve le ministère du budget), et souvent l'objet de vives critiques. De même, la désobéissance relative des inspections, de la haute administration est très handicapante pour réformer en profondeur les méthodes d'éducation, le système éducatif, les filières... A cela s'ajoute une opposition composée de syndicats, d'étudiants, d'élèves combative. Le pouvoir réelle du ministre est donc réduit, sa marge de manoeuvre est étroite. C'est entre autres pour cela que les ministres de l'éducation restent en moyenne seulement 2 ans rue Grenelle. Cette instabilité vient donc de la volonté de réforme et empêche toute continuité et durabilité de la politique éducative en France. Depuis 1984, 11 ministres se sont succédés à l'éducation.
Massification et pédagogisme ont renforcé les inégalités :
Depuis l'après guerre, la massification et la démocratisation de l'enseignement secondaire sont des grands enjeux de l'éducation. Celle-ci intervient à la toute fin des années 50 et au début des années 60. Elle est la plus importante en Europe et vise à accroître la durée d'études pour tous les jeunes français jusque 16 ans. L'instauration des Collèges d'Enseignement Général, puis des Collèges d'Enseignement Secondaire, annoncent le Collège unique de 1975. Mai 1968 fut aussi à l'origine de grands changements dans l'éducation. S'inspirant de Bourdieu (Les Héritiers), les soixante-huitards soutiennent la démocratisation et s'appuient sur l'arrivée de nouveau publics (ce qui est factuel) pour critiquer l'éducation de l'époque qui serait inégalitaire et discriminante socialement. C'est le début du pédagogisme, qui favorise le savoir-faire au savoir et qui s'en prend surtout aux matières littéraires (vues comme réactionnaires et ennuyeuses) pour mettre en valeur les matières scientifiques (plus objectives et égalitaires). On se concentre plus sur les méthodes et les démarches que sur les savoirs. Tout cela aboutit en 1989 avec la Loi d'Orientation du ministre Lionel Jospin, qui met l'élève (et non plus le savoir) au coeur de l'école. Le problème est qu'au vu des études, les inégalités se sont creusées malgré la mise à mal de l'élitisme bourgeois. Le problème est que le fait de s'axer sur les méthodes et les démarches pédagogiques plus que sur le savoir accroît les inégalités dues au capital culturel de chaque élève. En effet, au lieu de corriger ces inégalités de capital culturel en dispensant un savoir étoffé à chacun, on a minimisé l'importance du savoir. Un élève issu de classes populaires ne peut ainsi plus compter sur l'école (du moins plus autant qu'avant) pour acquérir des savoirs solides en abondance. Il ne faut pas nier pour autant l'importance des savoir-faire, mais ceux-ci sont indiscutablement liés aux savoirs. De plus, l'élitisme existe toujours dans certains lycées à l'abri de ce pédagogisme (que Sophie Coignard compare à une véritable religion) : Louis Le Grand ou Henri IV (malgré le fait qu'ils aient été très contestataires en mai 1968) en sont de bons exemples.
Le Pacte Immoral :
Le pacte immoral consisterait donc en une sorte d'immobilisme du politique, qui capitule sous la pression du pédagogisme et avec une sorte de complicité de la majorité des syndicats d'enseignants, qui ne se concentreraient pas sur les bonnes questions. Il a contribué à l'évolution de l'éducation, et à ses mauvais résultats en ne revenant pas (ou peu) sur les méthodes pédagogiques comme la méthode globale pour l'apprentissage de la lecture. Dans cette méthode, l'élève doit "photographier" des mots pour apprendre à lire. Cela sature rapidement sa petite mémoire et ne lui donne pas les outils qui lui permettraient de lire seul à partir du déchiffrement des lettres et des syllabes. Gilles de Robien a bien tenté de revenir à la méthode syllabique, mais à son nez et à sa barbe, certains inspecteurs et hauts fonctionnaires ont sapé son travail par une désobéissance déguisée. Le pacte immoral fut aussi à l'origine de la course aux diplômes, notamment pour le baccalauréat. Il autorise une harmonisation des notes, des quasi-quotas d'admis et entraîne la dévalorisation du baccalauréat,...qui est pourtant ce que tout le monde veut ("passe ton bac ! "). En parallèle, en effet, les filières professionnelles ne sont pas revalorisées et apparaissent toujours plus comme des filières de défaut pour mauvais élèves. Avec sa logique comptable, le pacte immoral observe avec un étonnement hypocrite la crise des vocations et le malaise des enseignants. Il faut dire que leur image, leur place dans la société, même leur salaire, ne sont plus à la hauteur de ce qu'ils furent par le passé. Le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux est en cause, mais pas uniquement : les demi-réformes ou fausses réformes de l'éducation et l'instabilité ministérielle n'ont pas aidé les professeurs.
Le pacte immoral désengage l'Etat de sa mission d'instruction au détriment du privé. D'abord par l'intervention toujours croissante de acteurs économiques privés dans l'éducation, ensuite par la croissance des cours privés et des agences de soutien scolaire (dont Acadomia est le leader), enfin par la croissance de l'enseignement privé (sous contrat ou nom) qui se voit dans l'obligation de refuser des demandes. Est-ce la porte ouverte à une privatisation progressive et prochaine de l'enseignement ?
La vidéo de la semaine :
La vidéo de la semaine est un complément qui détaille quelques points évoqués dans le livre de Sophie Coignard.
http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=9n_hRsrTrzc
Vincent Decombe

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