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Incendies

Par Tedsifflera3fois

Sans aucun doute le plus grand frisson de cinéma qu’on aura eu en 2011. Incendies est un film profondément moderne construit comme une tragédie grecque. Avec une lucidité terrible sur ce qu’est la guerre : des êtres humains qui pourraient être cousins s’entretuent, se battant le plus souvent pour défendre le camp dans lequel le hasard les a placés.

Synopsis : A la lecture du testament de leur mère, Jeanne et Simon se voient remettre deux enveloppes : l’une destinée à un père qu’ils croyaient mort et l‘autre à un frère dont ils ignoraient l’existence…

Incendies - critique
Incendies est un thriller individuel autant que politique, extrêmement tendu (avec la musique superbe de Radiohead), toujours sur le fil du rasoir, jusqu’à ce que tout craque dans une explosion douloureuse.

Le montage alterné confronte deux réalités : le passé et le présent, l’orient et l’occident. Denis Villeneuve livre ainsi une double réflexion. La première est affaire d’individus, d’êtres humains. Il s’agit d’identité, de transmission et de mémoire. Alors que Simon veut simplement oublier, il devra, selon les dernières volontés de sa mère, suivre sa soeur dans son périple pour la vérité. On ne peut pas savoir qui on est si on ne cherche pas. La plupart des personnages essaient de dissuader Jeanne de continuer ses recherches : parfois, il faudrait mieux ne pas savoir.

Le film, convaincu du contraire tout comme son héroïne (la référence aux mathématiques pures n’est pas fortuite), est une traversée de la vérité, éprouvante, fascinante, parfois insupportable mais forcément salvatrice. Le personnage du notaire a ainsi son importance : il s’agit de se souvenir, de consigner l’histoire, de ne pas laisser les morts dans l’oubli, de suivre leurs volontés et de s’intéresser aux répercussions nécessaires du passé sur le présent. Si le notariat avait existé depuis la nuit des temps, peut-être les guerres y trouveraient-elles leur résolution. L’oubli n’engendre que l’injustice et la perte d’identité, donc la perte de soi.

La seconde réalité dont parle le film n’est pas une affaire personnelle mais bien au contraire une affaire collective, politique. Deux jeunes canadiens, purement occidentaux, se confrontent au drame du Moyen-Orient, à ses guerres sans fin, à des traditions qui excluent et à des conflits haineux.

Si Denis Villeneuve conserve dans son récit l’opposition entre musulmans et chrétiens et si tout fait beaucoup penser à la situation du Liban, aucun pays n’est cité. Le conflit dont il est question ressemble à tout un tas de conflit mais il reste théorique, il n’est jamais identifié clairement. Pourtant, il est bien question de Canada et de Moyen-Orient, mais rien ne sera plus précis dans cette région du monde. Ce choix à mi-parcours entre pays imaginaire et réalisme historique est passionnant : il permet de garder à l’écran la principale opposition géopolitique de notre époque, celle, forcément floue, entre l’occident judéo-chrétien et le monde arabo-musulman, il permet aussi de montrer la réalité terrible des guerres de religion sans fin qui animent le Moyen-Orient. Mais ce choix permet aussi de ne pas traiter un conflit plutôt qu’un autre et de réaliser un film purement politique qui emmêle, le long d’un scénario superbement ficelé, les fils de la guerre pour mieux en montrer la folie.

Ainsi, le destin de Nawal, dans lequel les amis d’un jour sont les ennemis de demain, dans lequel les ennemis jurés se révèlent être les personnes les plus proches de nous, est une parabole quasi-mythologique sur la haine et son absurdité.

Reste le thriller, prenant de bout en bout, qui réserve plusieurs grands moments de tension et surtout une émotion de cinéma comme on n’en ressent pas plus d’une par an. La tête nous tourne, nos mains deviennent moites, notre coeur bat plus vite. Un incendie s’ouvre en nous. C’est une sensation affreuse et merveilleuse. La magie du cinéma opère complètement.

Note : 8/10

Incendies
Un film de Denis Villeneuve avec Rémy Girard, Lubna Azabal et Mélissa Désormeaux-Poulin
Canada – Drame – 2h03 – Sorti le 12 janvier 2011


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