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“Contagion” de Steven Soderbergh

Publié le 13 novembre 2011 par Boustoune

Ah, ben c’est malin, ça… Merci, Monsieur Soderbergh, pour votre nouveau film, qui va certainement faire souffler un vent de panique au sein de la population…
Tout le monde a déjà le moral à zéro à cause de ces histoires de crise économique, de rigueur budgétaire, de pouvoir d’achat en berne. On nous fait aussi grimper le trouillomètre avec le réchauffement de la planète, la menace nucléaire, la  surpopulation mondiale, la montée des extrémismes de tous poils, etc… Sans oublier la fin du monde prévue pour 2012…
Et voilà que vous nous en rajoutez une couche avec  Contagion, film dans lequel vous nous montrez une humanité décimée par un virus particulièrement redoutable. Frissons garantis…

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Le récit commence par le son d’une toux…
Beth, une femme d’affaires américaine (Gwyneth Paltrow) pense avoir pris un simple coup de froid au cours du voyage qu’elle vient d’effectuer à Hong-Kong, pour une réunion professionnelle. Après une escale à Chicago pour une partie de jambes en l’air avec son amant, elle s’apprête à retrouver son mari Mitch (Matt Damon) et leurs deux filles, dans le Minnesota… Le lendemain, le rhume ressemble plus à une grippe carabinée. Le surlendemain, Beth fait une attaque cérébrale. Mitch l’emmène à l’hôpital, mais elle ne survit pas à l’intervention…

A des milliers de kilomètres de là, un businessman japonais n’a pas l’air très en forme non plus. Transpiration abondante, toux, vertiges…  Dans le bus qui le ramène chez lui, à Tokyo, il s’écroule, pris de convulsions et décède au bout de quelques secondes.
Deux autres cas sont recensés. Un à Londres, où une jeune mannequin décède des mêmes symptômes dans sa chambre d’hôtel. L’autre à Hong-Kong où un homme se fait renverser après avoir été pris de vertiges à cause de la maladie…

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Ben non, ce n’était pas un petit rhume, finalement… Ni même ne grosse grippe… Plutôt une sorte de méningite fulgurante, hyper contagieuse et quasi-impossible à éradiquer. La plupart des gens qui ont été en contact avec les malades contractent également le virus et développent à leur tour la maladie. Le phénomène est fulgurant car ce virus, combinant les ADN de deux espèces animales était jusque-là totalement inconnu de l’homme.
Il n’existe donc aucun vaccin et les antivirus classiques semblent totalement inefficaces. En moins d’une semaine, près de 200 000 cas sont recensés dans les quatre foyers principaux de la pandémie. Et la propagation du virus est exponentielle…

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Pour montrer l’ampleur prise par cette pandémie, Steven Soderbergh a choisi deux options narratives.

La première option est un imposant film-choral racontant le destin plus ou moins bref d’une bonne quarantaine de personnages (on avoue n’avoir pas vraiment compté, mais une quarantaine, c’est de circonstance) : de simples quidams frappés par la maladie, leurs proches, des médecins, des chercheurs – sur le terrain ou en laboratoire -  des grands pontes des organismes de santé mondiaux ou nationaux (OMS, CDC…), des journalistes…
Pour incarner la grande majorité d’entre eux, le cinéaste a choisi des acteurs célèbres. Pour attirer plus facilement le public? Un peu, mais aussi pour amplifier l’impact de certaines séquences (la disparition de Gwyneth Paltrow au bout d’un quart d’heure de film, par exemple) et surtout pour permettre au spectateur de passer plus aisément d’une histoire à l’autre sans avoir à se demander à tout bout de champ qui est qui.
Ainsi, Laurence Fishburne, Jennifer Ehle et Kate Winslet incarnent-ils des chercheurs du CDC (Center of Disease Control). Marion Cotillard joue une enquêtrice de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé). Parmi les victimes et proches des victimes, on retrouve Gwyneth Paltrow et Matt Damon, donc, mais aussi Josie Ho ou Monique Gabriela Curnen.

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Et, volant la vedette aux autres, un Jude Law enlaidi par un curieux dentier, en blogueur ambigu, brillant d’abord par son flair journalistique en étant le premier à alerter l’opinion, puis utilisant sa notoriété grandissante pour s’enrichir personnellement sur le dos des personnes un peu trop crédule.
Au passage, Soderbergh tire à vue sur internet et les nouveaux média, où les rumeurs et les fausses informations peuvent se répandre rapidement autour du monde, comme des épidémies…
Mais c’est la mondialisation dans son ensemble qui est ici visée. L’origine du drame – révélée à la toute fin du film – et son ampleur sont étroitement liées à la généralisation des flux humains et matériels sur la planète. Une exploitation trop importante des ressources naturelles peut bouleverser des écosystèmes et faire apparaître des microorganismes jusqu’alors inconnus de l’homme. On estime par exemple que l’épidémie de fièvre hémorragique liée au virus Ebola, au cours des années 1990, est due à des singes porteurs d virus, qui, privés de leur habitat suite à la déforestation, ont fui vers la ville et contaminé les hommes.

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La rapidité des moyens de transports modernes, les densités de population, les modes de vie très disparates selon les peuples et les pays, les échanges commerciaux intercontinentaux font qu’un virus dangereux peut rapidement se répandre sur l’ensemble du globe et en décimer une part importante de la population…
Le problème n’est pas nouveau. Au fil des époques, l’humanité a connu et surmonté plusieurs pandémies – la peste bubonique au Moyen-âge, la grippe asiatique de la fin du XIXème siècle, la grippe espagnole au début du XXème, la variole, le choléra, la fièvre jaune, le typhus, etc… Mais l’évolution des moyens de transports accélère la propagation des virus sur l’ensemble de la planète et aujourd’hui, ces mêmes épidémies feraient des ravages encore plus importants parmi les populations mondiales. On a eu un aperçu de la panique générée par ces nouvelles pandémies avec la récente prolifération du virus H1N1…
Aïe! N’y-a-t-il donc aucun espoir?

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Si, et tout l’enjeu du film est là… Ce qui nous amène à la seconde option narrative choisie par Soderbergh : la construction du film comme un thriller plutôt qu’un film-catastrophe classique.
Le cinéaste reprend la même méthode que celle qu’il avait employée pour Traffic, son thriller-choral sur le trafic de drogue à travers le monde. Une caméra numérique très mobile (trop, parfois) qui donne un aspect documentaire brut à l’oeuvre et nous communique un sentiment d’urgence absolue, plus un montage ultra-nerveux qui passe rapidement d’une histoire à une autre, d’un lieu à un autre, sans se soucier de l’équilibre entre les personnages. De toute façon, beaucoup disparaissent très vite de la circulation, emportés par la maladie…
Le début du film, notamment, est rondement mené. L’exposition du problème est immédiate. Intelligemment, Soderbergh insiste sur tous les objets, toutes les surfaces que nous touchons et qui peuvent être touchées par d’autres personnes potentiellement porteuses de germes pathogènes. Le montage alterné permet de montrer immédiatement l’ampleur de la maladie, qui va s’abattre sur différentes zones du globe.

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A partir de là, une course contre la montre s’engage. Il faut déjà lancer l’alerte sanitaire pour que chaque pays s’organise et puisse faire face à l’épidémie. En parallèle, il faut essayer de déterminer qui est le patient zéro, le porteur initial de la maladie et retracer son parcours pour déterminer qui il a pu contaminer et comment il a contaminé les autres.
Il faut aussi réussir à identifier le virus responsable et comprendre sa structure génétique, afin d’envisager la mise au point d’un vaccin. Puis il faut produire ce vaccin à l’échelle mondiale, ce qui prend du temps. Et déterminer qui peut en bénéficier en priorité. Contagion aborde tous ces problèmes liés à la maladie, ainsi que les perturbations annexes qu’elle occasionne : panique généralisée, quarantaine imposée à certains quartiers, puis certaines villes, puis certaines régions complètes, qui se retrouvent livrées à elles-mêmes et à la folie des hommes, paranoïa, pillages, mouvement de rébellion, avantage des plus puissants et des plus fortunés sur les plus démunis, etc…

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Le spectateur se retrouve plongé dans cette agitation et est tenu en haleine de bout en bout – ou presque – grâce à la maîtrise narrative de Soderbergh et le rythme imposé au récit. Et cela fonctionne d’autant mieux que le film est assez crédible (Plus que le très hollywoodien Alerte, par exemple, où Rene Russo récupérait de sa fièvre hémorragique en cinq minutes chrono…). Ce qu’il décrit pourrait très bien arriver un jour, avec des conséquences similaires. Même avec une réponse rapide des autorités sanitaires, un virus hautement contagieux aurait le temps de se répandre à une vitesse phénoménale avant que les premières mesures de quarantaine ne soient prises et plonger le monde dans un sérieux chaos…

On adhère donc sans problème à toute la mise en place du récit et à la description des différentes phases de la pandémie, on s’attache globalement à ses personnages et on apprécie la tension qui irrigue l’ensemble du film.
En revanche, on est un peu moins satisfaits du dernier tiers du film. Le rythme prend alors un sérieux coup de mou et le scénario vire au mélodrame américain de base – larmoyant et peu subtil – laissant la part belle à un Matt Damon que l’on a connu plus inspiré. Et comme la fin est un peu abrupte, on sort du film sur une note plutôt négative…

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Contagion nous laisse donc un sentiment mitigé. C’est une oeuvre qui s’encombre parfois d’artifices scénaristiques assez grossiers, mais qui est quand même rondement menée et plutôt bien interprétée. Et c’est une fiction suffisamment crédible pour nous filer quand même un peu les jetons. Au sortir de la salle, on se surprend à éviter de toucher notre visage à tout bout de champ et à se méfier de tout ce avec quoi on peut être en contact dans les lieux publics ou les transports en commun…

Et justement, c’est malin, ça, Monsieur Soderbergh, de sortir votre film à cette période de l’année, quand les organismes sont fatigués, quand s’installe le froid et humide climat automnal et que se font entendre les premières quintes de toux, les mouchages de nez et autres reniflements rhinopharyngés…Si avec ça on n’a pas droit à une panique généralisée au premier éternuement ou à la vue d’un individu en train de suer abondamment, c’est qu’on aura beaucoup de chance.
A-a-a-tchoum!

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Contagion
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Réalisateur : Steven Soderbergh
Avec : Laurence Fishburne, Jude Law, Gwyneth Paltrow,
Matt Damon, Kate Winslet, Marion Cotillard, Jennifer Ehle
Origine : Etats-Unis
Genre : Atchoum!
Durée : 1h46
Date de sortie France : 09/11/2011
Note pour ce film : ●●●
contrepoint critique chez : Le Point (avis positif)
Libération (avis négatif)

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